On pourra s'amuser à vérifier, mais je suis certain que l'on ne mentionnera pas The warlord (Le seigneur de la guerre – 1965) dans des articles sur la disparition de Charlton Heston. Les superproductions oui, les films catastrophes oui, sa président à la NRA oui, Touch of evil (La soif du mal – 1957) aussi parce que nous sommes en France et que le film est d'Orson Welles. Mais de ce film magnifique tourné par Franklin J. Schaffner, l'un des plus justes sur l'époque moyen-âgeuse, non. Pas plus que je n'ai trouvé mention du Major Dundee (1964) de Sam Peckinpah, film un peu maudit que Heston soutint à bout de bras et de dollars, seconde méditation de Peckinpah sur les mythes de l'ouest et, à sa façon, répétition générale pour The wild bunch (La horde sauvage -1969). Rien non plus sur Will Penny, western crépusculaire, comme on dit, tourné par Tom Gries en 1968, dans lequel Heston joue avec intensité un cow-boy vieillissant et illettré.
Quand j'étais petit, Charlton Heston était un de mes acteurs fétiches. Je l'adorais en Moïse et j'avais pleuré comme une madeleine à Call of the wild (L'appel de la forêt - 1973). Comme beaucoup, je l'avais regardé les yeux grands ouverts d'admiration dans El Cid, 55 days of Peking (Les 55 jours de Pekin - 1963) et quelques autres. Le seul qui ne m'ai jamais convaincu est Ben Hur. J'aimais sa prestance, son menton carré toujours un peu relevé, son regard intense, son assurance. Plus tard, j'ai aimé le voir chez Welles, j'ai aimé ses failles discrètes, le cynisme de ses personnages dans les films de science fiction Planet of the apes (La planète des singes - 1968) et Soylent green (Soleil vert - 1973). J'ai aimé sa déchéance alcoolique chez Peckinpah, son regard incrédule face à la tomate chez Fleischer, sa fine moustache chez Welles, bref j'ai trouvé, je trouve toujours qu'il y a chez lui bien des choses intéressantes, plus complexes que ses compositions à grand spectacle et ses personnages monolytiques pouvaient laisser croire. C'est un peu le même problème que de faire entrer dans le même homme celui qui combattait le droit à l'avortement et défendait celui de posséder des armes à feu avec celui qui fit la marche des droits civiques aux côtés de Martin Luther King.
Là, j'ai plutôt envie de me souvenir du second, de partir à la découverte de ses westerns des années 50 signés Rudoph Maté ou Charles Marquis Warren, évoquer encore une fois le teigneux major Dundee, cigare au bec, prenant la pose sur le muret d'un village mexicain qu'il vient de libérer des français. Rappeler l'image de Chrysagon de la Cruz, maître de guerre, fier chevalier en proie à la passion dans un coin de terre perdue où se pratiquent encore de vieux rites païens. Maître de guerre, je trouve que cette expression lui colle bien à Heston, il l'a été de bien des façons mais jamais aussi bien que dans ce film.