C’est le cinquième jour de l’offensive française armée au Mali et presque 2 500 soldats sont déployés sur le territoire malien. Dans ce conflit, qui a éclaté suite à l’avancée des troupes djihadistes vers le Sud du pays, la France est soutenu par le Royaume Uni, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et l’ONU mais pour l’heure, aucun des États ne souhaite engager de troupes.
Il était considéré comme l’un des dix points chauds de l’année par Louise Arbour, présidente de l’International Crisis Group, ancienne procureure au Tribunal pénal international (TPI), et elle ne s’est pas trompé. Le Mali, où un putsch a renversé le gouvernement en mars dernier, permettant aux séparatistes et fondamentalistes liés à Al-Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) de s’emparer du nord du pays, est devenu un vrai problème. Dans la suite de Nicolas Sarkozy, le président de la République a donc pris la décision d’envoyer des troupes françaises au Mali, en faisant une priorité de sa politique étrangère. Le Président considère en effet que les conflits dans cette région du Sahel constitue une menace terroriste pour l’Europe, sans oublier que sept Français sont pris en otage. Mais la France l’a annoncé, elle ne sera plus le gendarme de l’Afrique et, même si dans les faits, l’armée française y contribue beaucoup, ce sont les soldats africains qui reprendront le contrôle du Nord du Mali. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedéao) et l’Union africaine ont approuvé l’envoi de 3 300 soldats pour aider l’État malien, sous réserve d’approbation par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Mais un processus de réunification du pays doit être mis en place pour que l’action militaire soit constructive. Les terroristes ne discuteront pas autour d’une table, surtout depuis que le Premier ministre par intérim a démissionné en décembre, rendant plus précaire le leadership du gouvernement malien. Le nouveau Premier ministre, plus consensuel, pourrait en revanche se montrer plus favorable à un dialogue national pouvant conduire à de nouvelles élections cette année. Mais il n’est pas certain qu’elles soient du goût des responsables du coup d’État, qui semblent apprécier se mêler de la vie politique civile.
Qui sont ces Touaregs ?
Les forces françaises déployées au Mali.
Il faut dire que depuis des mois, les islamistes méritent bien leur réputation de nouveaux tigres du désert. Ils imposent la charia, coupent mains et pieds à tour de bras et détruisent des mausolées centenaires classés au patrimoine mondial de l’humanité. Alors qu’ils ont avancé jusqu’aux portes de Mopti et qu’ils poursuivent leur route vers Bamako, la capitale, il semblerait que les touaregs ne soient pas aussi puissants qu’ils veulent bien le faire entendre. Lundi (13 janvier), des bases jihadistes ont été détruites par une dizaine de frappes aériennes françaises à Gao et les combattants islamistes ont évacué la ville. Aujourd’hui, le Comité international de la Croix Rouge recensait 86 blessés à Mopti et Gao après les bombardements et combats, notamment à Konna, théâtre de violents combats la semaine dernière entre l’armée malienne et des islamistes. L’ONU compte elle près de 150.000 réfugiés et 230.000 déplacés.
Les Touareg, qui constituent le gros des troupes rebelles, n’ont jamais été réputés pour leur virulence dans la pratique de la religion musulmane ; leur radicalisation est nouvelle. Elle est probablement liée à l’arrive de l’Arabie Saoudite et du Qatar dans les affaires, qui leur ont permis d’acheter des consciences et des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad, longtemps encouragés par la France dans leur revendication autonomiste. La chute de Kadhafi a aussi libéré des combattants touaregs qui ont fui la Libye avec parfois des armements sophistiqués, comme des missiles sol-air. Cette région du Sahel, sous influence de la France, l’ancienne puissance coloniale, demeure l’un des derniers far-west de la planète au sous-sol quasiment inexploré.
Guerre de convictions
Nouveau né des islamistes, découvert lors de ce conflit, le groupe Ansar Eddine (Défenseurs de l’islam) n’est pourtant pas le plus virulent. Mais s’il arrive à réunir 1 200 hommes pour atteindre les portes de Mopti (640 km au nord de Bamako), pour y imposer la charia, c’est bien une démonstration de force aux mouvements concurrents, les narco-islamistes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et les djihadistes d’Aqmi. De la même manière, la destruction de tombeaux de saints musulmans à Tombouctou vise avant tout à impressionner les dynasties touaregs.
Il semblerait que la rébellion du Nord Mali ait reçu le renfort de milliers de djihadistes et que des camps d’entraînement pourraient voir le jour afin de menacer l’Occident. Lundi, les terroristes ont d’ailleurs menacé de « frapper le cœur de la France » avant de prendre Diabali, à 400 km au nord de Bamako. En réaction, Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, a décidé de renforcer le plan Vigipirate pour le placer au niveau rouge. Résultat : 700 militaires surveillent la région parisienne. Pourquoi la mobilisation mondiale, alliant ONU, Cédéao, OTAN et Union Africaine, n’arrive-t-elle à bout de ces colonnes de pick-up rebelles alors que, dans un passé pas si loin, on a déjà vu des attaques aériennes les détruire en quelques heures ?
Les Américains restent prudents
Depuis 2008, les États-Unis ont créé Africom, un commandement unifié de leurs activités en Afrique. Son but est simple : combattre le terrorisme, comme en Somalie, sécuriser les approvisionnements pétroliers en provenance notamment du Golfe de Guinée et maltraiter la montée en puissance de la Chine sur le continent noir. Dans le cas du Mali, les Américains ont toujours préféré la négociation avec les troupes rebelles, sur lesquelles ils exercent un certain contrôle. Sauf avec le Mujao, qui vient de rejoindre la liste noire des organisations terroristes. Les Américains restent les mieux armés pour aider à la sortie de crise dans cette zone d’influence française, notamment avec leur millier de drones d’observation et d’attaque, qu’ils devraient prêter à la France, qui, elle, ne possède que quatre vieux appareils.
Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a bien inscrit au budget 2013 la commande de plusieurs de ces engins mais la marge de manœuvre de la France est réduite à cause de ses otages détenus par Aqmi. L’ancien Premier ministre Rocard a annoncé sur France Inter, aujourd’hui qu’on « est dans une bagarre d’une dizaine d’années. Tout cela est très difficile, pas gagné d’avance, nous perdrons des hommes, il y aura des drames, il y aura des contreparties sur le territoire national, tout cela va être assez effrayant. Mais je pense qu’il était essentiel d’y aller et je veux saluer le président d’avoir su le faire ».
Opération Serval
Il faut dire que François Hollande fait le forcing depuis quelques temps pour intervenir. Le 21 septembre, le président malien demande de l’aide pour libérer le Nord du pays, par « la négociation ou par la force » et, moins d’une semaine après, la France plaide pour une résolution du Conseil de sécurité pour créer « une force de stabilisation ». Mais le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, souhaite que toute opération soit précédée de « négociations politiques et un dialogue. » Il faut attendre le 12 octobre pour que l’ONU adopte à l’unanimité la résolution proposée notamment par la France, qui donne 45 jours aux pays ouest-africains pour préciser leurs plans en vue d’une intervention militaire. Des centaines de djihadistes étrangers arrivent alors dans le nord du Mali pour renforcer les troupes d’Aqmi quand, mi-novembre, Ansar eddine et le MNLA se disent prêts à un dialogue politique avec le pouvoir malien et appellent l’armée malienne à cesser les hostilités militaires. Ce n’est que le 20 décembre que l’ONU donne son feu vert au déploiement d’une force internationale, « pour une période initiale d’un an », sachant que des élections présidentielles et législatives doivent se tenir d’ici avril. Le MNLA et Ansar Eddine annoncent alors à Alger leur engagement à cesser les hostilités et négocier avec les autorités maliennes mais le 9 janvier 2013, des groupes armés islamistes attaquent la ville de Konna, près de Mopti, dans une zone proche de la ligne de partition du pays. La ville tombe aux mains d’Ansar Eddine qui annonce son intention de continuer sa progression vers le sud du Mali. Le 10, l’ONU demande un « déploiement rapide » de la force internationale devant la « grave détérioration de la situation »
Le lendemain, le président Dioncounda Traoré adresse une lettre à François Hollande et une autre à l’ONU pour demander une aide militaire. Les forces françaises lancent une série de raids aériens contre les groupes armés islamistes, en soutien de l’armée malienne et le président de la Cédéao autorise l’envoi de troupes africaines au Mali. Pour la France, c’est le début de leur action « Serval », soutenu par la présence des 500 hommes du Burkina Faso et autant du Niger et du Sénégal.
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