Les autorités françaises se sont fixé un délai de cinq ans pour résorber le déficit commercial (hors énergie). Après s’être focalisée depuis dix ans sur des « pays cibles », l’étude présente la nouveauté de coupler pays et filières sur lesquels une augmentation de 7 % de nos parts de marché permettrait, selon la ministre, de tenir l’objectif du quinquennat. La feuille de route pour les cinq ans à venir est tracée, mais nos instruments commerciaux suffiront-ils à eux-seuls à atteindre l’objectif affiché, surtout à une échéance aussi rapprochée ? Rien n’est moins sûr, même si inverser la tendance constituerait déjà une première victoire.
Sur le plan méthodologique, cette « radiographie » du commerce extérieur français ne constitue pas en tant que telle un instrument de prévision, mais vise à définir à un instant « T » quels sont les pays et les marchés à plus fort potentiel. Elle repose sur une hypothèse de stabilité des parts de marché de la France, sachant que ces dernières varient chaque année – et plutôt négativement depuis dix ans.
Sur le plan sectoriel, la définition de filières prioritaires répond vraisemblablement à une volonté d’englober un nombre important de secteurs d’activité. A contrario, un ciblage trop précis aurait laissé de côté des secteurs potentiellement porteurs et risquait de minimiser le sentiment d’appartenance des entreprises. Cette approche, en soi légitime, présente trois types de limites : on peut, d’abord, regretter le peu d’importance accordé aux services, qui sont uniquement représentés à travers la construction, les transports, l’environnement et les TIC. On ne saurait ensuite minorer le fait qu’il existe des niches ou des entreprises qui performent dans les filières non prioritaires ni ignorer, enfin, qu’il existe des « canards boiteux » dans des filières d’avenir.
Sur le plan géographique, cette définition sectorielle paraît s’adresser en priorité aux besoins des pays émergents, dont les populations ont, il est vrai, un besoin plus important de « mieux se soigner » ou de « mieux vivre en ville ». Pourquoi pas, mais faut-il pour autant faire l’impasse sur nos marchés de proximité qui sont des marchés prioritaires pour nos PME et ETI ?
Enfin, sur le plan institutionnel, la matérialisation de passerelles entre les filières industrielles identifiées dans le cadre de la Conférence Nationale de l’Industrie et les filières à l’export mériterait plus de précisions, de même que l’articulation de cette stratégie avec le Pacte pour la compétitivité de l’industrie. Dans cette lignée, on aurait pu imaginer une implication directe des pôles de compétitivité, même si l’efficacité de leur organisation fait actuellement débat (voir le rapport de l’Institut de l’Entreprise). Autre point, le portage de PME fait encore et toujours figure de vœu pieux en France, peut-être parce que nos entreprises sont peu portées sur les pratiques collaboratives, malgré le succès rencontré par certains de nos concurrents.
Mais surtout, la question qui se pose est de savoir si, derrière cette nouvelle politique de filières, la France dispose de véritables outils d’action. Nombre d’entre eux ont été définis et mis en œuvre, ces dernières années, de manière transversale, transcendant toute logique sectorielle. Comment se replacer dans cette logique alors même que les entreprises françaises comme étrangères évoluent dans un monde où les filières sont elles-mêmes transnationales, avec des clients et des fournisseurs de nationalités différentes, à la faveur de la fragmentation des chaînes de valeur ?
Au final, un exercice intellectuel intéressant mais dont la portée pratique reste encore à démontrer.
Partant du constat que la politique des « grands contrats » ne suffit pas à entraîner PME et ETI sur les marchés émergents, il conviendrait probablement de mettre en place des stratégies ad hoc allant plus loin que la politique de filières, sur des marchés où les entreprises allemandes et italiennes de même taille ont réussi à se positionner ces dernières années, en insistant notamment sur la mise en œuvre de pratiques collaboratives et de mutualisation des ressources pour appréhender la complexité de ces marchés.
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(1) « Mieux se nourrir « , « mieux se soigner », « mieux vivre en ville » et « mieux communiquer « .