Si la gastronomie est au centre de toutes les attentions depuis quelques temps ce n’est pas un hasard. Jamais l’aliment n’a autant été sacralisé et mis en scène comme un nouvel élément de culte divin. De la slow food à la nouvelle, et non moins stylistique fast food, de la cuisine moderniste à nos recettes du terroirs, « manger » est devenu une réelle expérience, un rituel tendance. Partout on ne demande plus que « où manges-tu » ?
Pourquoi ?
D’abord parce qu’on se questionne autour des notions de « sain », « santé », « savoir » et « saveurs ». Parce qu’avec tous les scandales autour des OGM, du gluten, des régimes protéinés, et autres interventions de la sciences dans notre alimentation, on ne sait plus quoi penser.
Cet engouement pour la « détox » démontre bien un souci d’harmonie et de bien être IN&OUT, plus que celui d’une beauté plastique. On a enfin compris que la beauté venait aussi du mieux être de nos intestins. On souhaite désormais respecter son intérieur.
De plus, la démocratisation générale des produits « bio », « green » et de l’« anti-gaspi » a amené une volonté de contrôler nos assiettes de A à Z (botanistes en herbe qui font pousser eux-mêmes leur radis) ET de redécouvrir l’authenticité du goût, des odeurs qui ont été pendant des années aseptisés, congelés, trafiqués.
La floraison de nouveaux concepts est révélatrice de l’envie de réapprendre à bien manger. Le désir d’expérimentation de la cuisine devient un sujet d’amusement et un concept de vie plus global.
Quels sont les nouveaux concepts les plus innovants ?
The Gourmand - A food and culture journal
1/ L’ODE A LA NATURE
Living food – Cuisine du vivant
« L’humain n’aspire pas à muter mais à mieux comprendre et cerner ce qui lui échappe le plus : le vivant », XTC et TNS Sofres
Après la mise au green et la consommation bio, la « living food » ou cuisine du vivant est la dernière gastronomie à la mode. Il s’agit d’une cuisine qui sublime l’entièreté d’une nature organique, de la pollinisation à la fermentation bactérienne.
De la forme à la saveur on ne fait plus la moue devant un « défaut de fabrication », fruits et légumes sont révélés dans leur totalité active, les saisons respectées, une nature toute puissante et bienfaisante dans nos assiettes.
Ayako Suwa - Sensuous food, emotional taste (Sentiment de culpabilité)
Food building – Constructions alimentaires
« Demain, ou après demain, le consommateur ira jusqu’à créer sa propre nourriture en assemblant, recréant sur le modèle de ce que fait la nature. », XTC et TNS Sofres
Toujours dans une logique d’alimentation vivante et saine, les consommateurs privilégient une cuisine home made, conjuguant plaisir de cuisiner et proximité. La food building est une discipline ludique qui autorise de « jouer » avec les aliments : elle laisse au cuisinier, la liberté de construire et de déconstruire l’objet de son désir (les ingrédients) avec la nature comme leitmotiv.
Ayako Suwa - Sensuous food, emotional taste (Sentiment de culpabilité)
2/ LE REGNE DE LA SCIENCE ET DE L’IMMATERIALITE
La cuisine note à note
« A l’instar d’un musicien qui, avec sept notes crée une symphonie, le cuisinier de demain saura nous régaler avec les éléments moléculaires de base. », XTC et TNS Sofres
Cuisine note à note - Oeuf cubique
A l’extrême opposé des tendances autour du vivant, de l’organique on trouve une cuisine de substitution des aliments par la science. La cuisine « note à note » réalise des mets en remplaçant les ingrédients naturels par leur essence, leurs composés « purs ». C’est à dire qu’à la place de cuisiner des carottes on utilise du bêta carotène.
Mise au point par le physico-chimiste Hervé This et le Chef Pierre Gagnaire, la cuisine note à note manipule les molécules des aliments pour donner vie à des saveurs, des parfums, des couleurs et des textures encore inconnues.
Hervé This, Créateur de la cuisine note à note et moléculaire
Si, tout comme la cuisine moléculaire (élaborant des recettes à partir d’instruments technologiques) il y a quelques années, la cuisine note à note suscite l’effroi ou la curiosité, ces deux innovations culinaires n’ont strictement rien à voir, excepté leur créateur.
Pour les apprentis chimistes ci-dessous la recette de « l’apéritif feuille morte » :
A 600 mL d’eau, ajouter 40 mL d’éthanol, 0,0001 g de phosphate de calcium, 0,001 g de phosphate de sodium, 0,3 g de tanins oenologiques, 3 g de glucose, 1 goutte d’une solution diluée de paraéthyl phénol
Le Whaf - Générateur de nuages
Le whaf
« L’émotion joue avec l’arôme, la saveur se donne au rêve, le plaisir des sens invite à la poésie », Le laboratoire culinaire du Laboratoire
Dans le même style, le scientifique David Edwards et le designer culinaire Marc Bretillot ont inventé un générateur de nuages de saveurs. Le Whaf transforme n’importe quel liquide en un nuage blanc à aspirer grâce à une curieuse paille. Actuellement en vente au Lab Store Paris et en dégustation à son WikiBar, le Whaf nous offre la chance de redécouvrir nos recettes préférées en explorant de nouvelles sensations et tout cela, en ZERO CALORIES !
Le Whaf - Générateur de nuages
De la cuisine 100% organique à la cuisine de laboratoire, tous les goûts sont dans la nature et à chacun sa cuisine. Malgré tout, on se rend compte que nous sommes de plus en plus soucieux de ce que nous mangeons au quotidien ; les consommateurs sont d’une manière globale en demande de naturalité, proximité, localité, respect de soi et de son univers.
En revanche l’apparition de nouveaux concepts de cuisine plus scientifiques prouvent que l’occasionnel (aller au restaurant) devient expérience et se doit d’être atypique, sensoriel et mémorable donc de l’ordre de la fantaisie et de l’amusement sans pour autant considérer cet événement comme une ligne de vie.