A propos de Comme un lion de Samuel Collardey
Marc Barbé et Mytri Attal
Pout, petit village du Sénégal. Mitri (excellent Mytri Attal), un orphelin de 16 ans élevé par sa grand-mère, est un surdoué du ballon rond qui rêve de partir en Europe pour jouer dans les plus grands clubs. Un jour, il est repéré par un recruteur camerounais et envoyé en France pour y passer des tests après que sa grand-mère a accepté de contracter un gros emprunt pour payer une bonne partie de son voyage. Mais à sa descente d’avion à Roissy, Mitri est accueilli par un agent véreux (joué par l’inénarrable Jean-François Stévenin) qui l’abandonne au beau milieu d’un stade de football. L’arnaque est à la hauteur du talent précoce du jeune joueur sénégalais pour qui commence alors la galère. Envoyé par des services sociaux à Montbéliard pour y apprendre la cuisine, Mitri y rencontre Serge (Marc Barbé), l’entraîneur (forcément ouvrier chez Peugeot) un brin aigri d’un club de district qui repère tout de suite son potentiel mais se refuse à l’aider, déçu lui-même pour ne pas dire dégoûté par le monde du football et les dirigeants du F.C. Sochaux où il a joué plus jeune avant d’être exclu du centre de formation…
Mytri Attal
Co-écrit par Samuel Collardey dont c’est le second-long métrage (après L’apprenti, 2008), Comme un lion est un joli petit film, une fable sociale pleine d’optimisme et d’humour. Le thème de l’exploitation des jeunes joueurs de football africains, à qui on fait miroiter des contrats juteux avant de les abandonner à leur triste sort, sitôt arrivés en Europe, n’est pas nouveau. C »est une réalité connue et cruelle mais pourtant rarement traitée au cinéma, du moins sous cet aspect de la fiction.
Dans une interview, Collardey a précisé que dans la continuité de L’apprenti, il voulait »poursuivre cette expérimentation de la frontière entre documentaire et fiction, mais en explorant cette fois l’autre face : celle d’une fiction dévorée par le documentaire ».
Peu étonnant donc qu’il privilégie souvent la caméra à l’épaule pour suivre son personnage principal et décrire les coulisses peu reluisantes du milieu du football, de ces agents indignes et sans scrupules. Interprété par un Mytri Attal débordant de vie et d’enthousiasme (Collardey dit l’avoir repéré alors qu’il observait des adolescents jouer au football au Sénégal), Mitri est un prodige doté d’un fort caractère et d’un courage à toute épreuve. C’e sont cette abnégation et cette persévérance qui lui permettront de vaincre alors qu’on ne lui donnait que peu de chances de s’en sortir au début. Mais au lieu de s’attarder sur la misère dans laquelle Mitri était censé s’embourber (n’oublions pas qu’il n’a que 16 ans), au lieu d’évoquer ces terrains sombres et glissants sur lesquels le jeune Sénégalais aurait dû se laisser entraîner, Collardey nous prend à contre-pied et part sur une fable beaucoup plus positive que prévue, l’idée d’un conte initiatique qui ne verse pas pour autant dans la mièvrerie. Ce qui n’est pas plus mal car décrire la misère a rapidement des limites pour la fiction. Le sordide et la démagogie en sont deux exemples. La complaisance aussi, dans laquelle le réalisateur réussit à ne pas tomber.
Car Collardey est plus intelligent que cela. On sent qu’il connait bien le Sénégal (rites musulmans, langue wolof, etc..) comme il s’est assez renseigné sur le milieu du football et ses arcanes pour ne tomber dans les clichés ou la caricature. Pendant trois quarts d’heure, le ton de sa mise en scène est enlevé, l’humour plein de finesse voire grinçant comme les répliques de cette assistante sociale qui dit à Mitri « bien connaître l’Afrique parce qu’elle fait elle-même de la danse africaine »…
Mais dans la seconde partie du film, Comme un lion perd un peu de sa flamme. Le côté social prend trop le dessus, ce qui nuit à l’enchantement qu’on avait éprouvé jusque-là, l’enthousiasme que suscitaient la mise en scène et l’histoire du parcours chaotique de Mitri. Le film perd un peu de sa force et de tension. Marc Barbé campe pourtant avec justesse un entraîneur endurci et ancien joueur de football qui a raté sa carrière et ne s’est jamais remis de sa défection. Ouvrier « comme son père » aux usines Peugeot qui jouxtent le centre d’entraînement du F.C. Sochaux, Serge devient rapidement pour Mitri un père par procuration, lui qui n’a jamais connu le sien. Le côté renfrogné de Serge comme ces liens père -fils qui s’établissent entre lui et son jeune protégé ne sont pas sans rappeler ceux qui existaient dans Welcome, où un entraîneur de natation joué par Vincent Lindon apprenait à nager à un jeune Kurde sans papiers qui rêvait de devenir joueur de football à Manchester mais pour cela, devait au préalable traverser la Manche à la nage.
La différence avec Welcome, à qui Comme un lion fait fortement penser, c’est que le film de Philippe Lioret insistait moins sur cette fibre sociale qui était plutôt sa toile de fond. Ici, Serge raconte en détails à Mitri son histoire avec la célèbre usine de voitures françaises mais on voit trop d’images de lui au travail. Des images au côté documentaire, mais qui semblent trop bavardes ou anecdotiques pour ne pas nuire à la puissance dramatique du film, au pouvoir d’enchantement qu’il avait jusque-là. On a même l’impression que film tombe dans certains clichés ou une exagération que Collardey avait pourtant soigneusement évités jusque-là. Et l’on se sent orphelins de cette capacité que Comme un lion avait eu pendant la première heure à nous faire rêver, à nous porter – derrière son réalisme et la gravité de son sujet – sur un petit nuage de légèreté et de poésie. Et d’émotion…
http://www.youtube.com/watch?v=_reL9K6mL1U
Scénario de Catherine Paillé, Nadège Trebal et Samuel Collardey :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions :