La polémique née de quelques déclarations de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti est une belle illustration de l'éclaircissement des sujets du moment que la période appelle.
Jugez plutôt, à travers quelques exemples malheureusement choisis avec la partialité coutumière de l'auteur de ce blog.
Car cette polémique est bien fragile.
De l'obscurité du buzz...
Appeler à commenter la cessation de paiement du groupe Virgin Megastore en France, voici donc qu'elle cible la concurrence déloyale des sites en ligne basés à l'étranger, qui ne sont « pas à la même fiscalité que les entreprises localisées physiquement en France». La ministre a factuellement raison sur les écarts de fiscalité et, en visant des sites en ligne, elle embrasse également un autre sujet - le passage du commerce physique vers le commerce en ligne.
Il ne fallait pas lire Twitter ce jour-là, ce fut l'hallali. Il y avait aussi quelques rapides billets, trop rapidement écrits. Il fallait même une jolie dose de mauvaise foi pour accuser la ministre de faire le procès du e-commerce en général. Pour la plupart, les auteurs surfaient sur le court extrait publié dans une dépêche d'agence. Car peu d'entre eux avaient eux réellement écouté la ministre à la télévision. Mais bon, il fallait s'y résoudre. La vigilance mérite un effort que certains n'osent plus faire. C'est l'ère du buzz facile...
Il fallait donc lire d'autres blogs, critiques ou pas, politiques toujours, pour comprendre les enjeux de cette affaire, prolonger la réflexions. Des blogs qui pouvaient se contredire ou se répondre, et alimenter le débat.
Et voici quelques réponses complémentaires à ce débat.
... à la lumière des blogs
Politeeks a lâché un long billet mais furieux. Il se désole que Filippetti soit d'après lui « intoxiquée par le lobby culturel Français ». La ministre ne l'est pas. Elle a simplement lâché une phrase. Pour être complet, son commentaire aurait nécessité de longues heures. Que fallait-il faire ? Ne pas répondre à la question d'un journaliste lors d'une émission en direct ?
Politeeks élargit donc ce débat qui n'a pas eu lieu. Il accuse le lobby culturel français qui serait constitué par des « dinosaures qui vivent de taxes ». Il est vrai que la Culture s'est efforcée de ponctionner tous les nouveaux supports de diffusion des oeuvres qu'elle produit. Pourquoi la taxation ? Parce que la Culture a souvent du mal avec la simple loi de l'offre et de la demande qui régit habituellement l'allocation des recettes dans d'autres secteurs. Mon confrère Nicolas évoque aussi la chose: « il nous faudrait aussi évoquer les
spécificités culturelles françaises ».
Chez Politeeks, la charge est donc rude mais trop globalisante. L'industrie des biens culturels est vaste (spectacle vivant, musique, cinéma, livre, etc), et recouvre des réalités diverses. La concentration des producteurs et distributeurs est devenue réelle et incroyable dans la musique, et reste très faible dans le cinéma ou la littérature.
Comme d'autres, Politeeks pointe l'actionnariat de Virgin, un fond d'investissement qui cherche à rentabiliser sa mise de départ. Il a raison.
Comme Nicolas ou el Camino, il rappelle un point essentiel: Amazon est un supermarché qui vend tout et n'importe quoi. Mais Amazon est un concurrent de Virgin. C'est une évidence que même les salariés de l'entreprise ont soulevé.
Romain Blachier a complété d'autres points. La ministre a pointé sur un écart de TVA évident et connu entre des commerces français et des sites de commerce basés à l'étranger, par exemple au Luxembourg. Un DVD se vend avec 10% d'écart ! Et il ne s'agissait pas de résumer les problèmes de Virgin à cette concurrence-là. Ni d'attaquer « le modèle du e-commerce en particulier et du progrès technologique en général. » Le choc du passage «brick and mortar » au numérique a fait et fera des morts. SebMusset a détaillé combien la guerre en ligne était perdue d'avance pour certains autistes: « Virgin a mal négocié le virage de la musique en ligne,
mais surtout raté celui de la vente physique par correspondance alors
qu'il avait l'obligation d'anticiper et les moyens de mettre en place
des offres et services dans le domaine ». Le commerce en ligne est souvent plus souple, moins cher, plus accessible, plus riche en inventaire. Comme hier les grandes surfaces en pleine banlieue, il contribue aussi à désertifier les zones urbaines ou semi-urbaines.
Nous pouvions ajouter que les causes de la faillite d'une entreprise sont souvent nombreuses. On peut accuser les patrons d'avoir mal gérés, les actionnaires d'être trop gourmands. Mais je suis surpris que les ravages de e-commerce mondialisé ne suscitent que peu de troubles à gauche. C'est aussi un sujet politique. Cet e-commerce-là n'affectent pas que les méchants dinosaures qui commercialisent des bien culturels. D'autres secteurs est en passe de souffrir à défaut de disparaître. En ces temps de soldes en tous genres, ces dernières sont plus radicales chez quelques-uns de ces géants fiscalement protégés.
A suivre.
PS: billet rédigé sous l'emprise de conflit d'intérêt.