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L’enfer quotidien vécue par la population grecque

Publié le 15 janvier 2013 par Copeau @Contrepoints

Sauvetage de la Grèce, évasion fiscale, Mario Draghi, toutes les raisons sont bonnes pour parler de la Grèce mais jamais de ce que subit au quotidien sa population, il est temps d’établir le bilan de la politique d’extrême austérité qui lui est imposée et ses conséquences.
Par Quentin Georges.

Crise en Grèce

La crise, ah la crise ! Un mot tellement idyllique pour les gouvernements, on l’utilise à toutes les sauces pour pouvoir justifier n’importe quelle mesure austère et contreproductive. La Grèce est aujourd’hui à la fois le cobaye d’une politique européenne extrêmement dure et en même temps le désigné responsable de la situation. Eh oui, la stabilité de l’euro est bouleversée par ce pays, il faut donc lui appliquer une politique de la rigueur. Ah rigueur ! Un qualificatif doux et sucré quand on ne regarde pas ses conséquences…

Commençons par la crise sanitaire immonde vécue par la population. Les hôpitaux n’ont aujourd’hui plus de gants pour leurs employés, ils auscultent les patients sans aucune protection. D’ailleurs on ne vous soigne pas non plus, les hôpitaux n’ont plus de médicaments et les sociétés pharmaceutiques ne les livrent plus car ils ne sont plus assez solvables pour les payer… Les cancéreux quant à eux ne sont plus remboursés qu’à hauteur de 10% par leur mutuelle pour leur traitement, autant dire que peu d’entre eux se soignent. De toute manière, près de 40% des grecs ne sont plus remboursés car n’ont plus d’assurance maladie. Pourtant, tous ces hôpitaux avaient reçu une évaluation positive sur leur fonctionnement courant 2010, c’est dire à quel point la situation s’est dégradée rapidement. Selon le centre grec de contrôle des maladies dénommé KEELPO, le SIDA se fait de plus en plus présent. En effet nous sommes passés de 507 cas enregistrés en 2008 à 1043 cas durant la période de janvier à octobre 2012, les plus nombreuses victimes étant les utilisateurs de drogues injectables. Pour finir sur ce point, on peut parler du retour de maladies que l’on pensait disparues telles que la malaria, l’explication vient naturellement du fait que la population n’est plus vaccinée.

Du point de vue social et économique, il n’y a aucune raison de se réjouir non plus. Les chiffres du chômage n’ont cessé d’augmenter, ainsi fin 2011 le taux de chômage était évalué à 19,7% de la population active grecque selon l’autorité des statistiques grecques, fin 2012 il est estimé à près de 27%. La zone du pays la plus touchée est bien entendue l’agglomération d’Athènes. Ce taux est plus élevé chez les femmes d’une part, et d’autre part pour la tranche âgée de moins de 34 ans. À cela, on peut ajouter que le salaire des fonctionnaires a été baissé de 30% du jour au lendemain, d’ailleurs le salaire moyen grec était évalué à 1200€ par mois avant 2010 alors qu’aujourd’hui il est environ de 700€, même les représentants de la force publique c’est-à-dire les militaires et les policiers ont vu leur rémunération fondre comme neige au soleil. Des milliers de retraités et épargnants grecs se sont fait voler par le gouvernement : ceux-ci ayant acheté des bons du trésor grecs pour financer leur retraite devaient toucher les intérêts cette année, or le gouvernement les a informés que les fonds ne seraient disponibles qu’à partir de… 2042 ! Il y a tellement de choses à dire sur le sujet qu’il est difficile de toutes les nommer, nous finirons par cette réforme anti familiale qui peut provoquer l’indignation chez n’importe qui. L’État grec a décidé de surtaxer les familles ayant plus de trois enfants, ainsi par rapport à une famille de deux enfants elle paiera près de 1600€ d’impôt en plus. La natalité n’est pas prête de monter. Heureusement, un ancien ministre grec a trouvé une solution pour relancer le pays, en effet M. Doukas propose de faire travailler les citoyens grecs sans les payer ! Après le retour de la malaria, le retour de l’esclavage !

On peut dénoter des faits assez incroyables se produisant et qui ne sont peu ou pas relevés par les médias français. Par exemple, près de 300 écoles ont dû fermées cet hiver puisque celles-ci n’avaient plus les moyens de chauffer les salles alors que les températures étaient très basses, ainsi l’éducation des enfants ne peut même pas être assurée. C’est l’une des conséquences de l’augmentation des énergies fossiles, mais ce n’est pas la seule. En effet, les grecs se chauffent dorénavant au bois, certains coupent du bois dans les forêts locales ce qui fait apparaitre d’une part un phénomène de déforestation, et d’autre part une pollution en raison de l’apparition d’une brume composée de particules dangereuses pour l’organisme humain. Plus « amusant », le club de football emblématique grec, le Panathinaïkos, a demandé à jouer pendant la journée car le club n’a plus les moyens d’assurer le paiement de sa facture d’électricité ! Le club de Voukefala a même été jusqu’à demander à une maison close de les sponsoriser pour tenter de stabiliser ses finances ! Toujours dans le dément, et c’est sans doute une première dans toute l’histoire de l’espionnage moderne, les services secrets grecs se sont mis en grève pour contester la baisse de leur salaire, du jamais vu !

Deux conséquences principales apparaissent quant à cette situation. La première est à saluer grandement, c’est l’apparition et la résistance du quotidien grec Hot Doc qui donne aux médias européens une belle leçon de journalisme. C’est à eux que l’on doit la fameuse diffusion de la liste Lagarde où, à titre d’exemple, on apprend la corruption de nombreux politiciens grecs comme M. Papandréou dont la mère possède un compte en banque en Suisse crédité de 500 millions d’euros ; il convient de préciser que ladite mère est âgée de près de 90 ans. De même, on a pu voir l’évasion fiscale de nombreux députés des partis Pasok et Nea Demokratia (l’équivalent du PS et de l’UMP) en Suisse. Ce numéro s’est écoulé à près de 100.000 exemplaires. À ce propos, comme à l’époque napoléonienne, le gouvernement cherche à interdire la publication de ce journal. La deuxième conséquence, et c’est sans doute le pire élément de ce bilan, se caractérise par la montée en puissance du parti néo-nazi l’Aube dorée qui a obtenu lors des dernières élections législatives 21 sièges au Parlement. Salut nazi, croix gammée moderne, thèse raciste, violence ethnique, tout est pourtant réuni pour qu’un tel parti soit au plus bas dans l’opinion publique. Il connait toutefois un grand succès puisqu’il lutte contre le plan de rigueur imposé par le gouvernement grec et l’immigration illégale, mais surtout agit clairement « sur le terrain ». À titre d’exemple, ses adhérents organisent des chasses dans les marchés publics pour trouver les marchands sans autorisation officielle et saccager leur stand. La corruption des partis de gauche et de droite et les conditions de vie très difficiles font que ce parti, certes très dur mais actif contrairement aux autres, connait un vif succès dans l’opinion publique.

L’inspiration de cet article m’est venue suite à l’entrée officielle de la France en récession. En effet la Banque de France a confirmé ce jeudi 10 janvier que l’activité économique du quatrième trimestre 2012 avait baissé de 0,1% alors qu’une baisse similaire avait été constatée pour le troisième trimestre de cette année. Beaucoup parlent des problèmes en Espagne, en Italie ou encore au Portugal mais la situation est plus que préoccupante en France. La question à se poser est tout simplement de savoir si les Français, six fois plus nombreux que les Grecs, accepteront tout ce qui a été accepté par le peuple grec comme sacrifice ou si, au contraire, il se soulèvera…


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