Eh oui, au cas où vous ne l’auriez pas perçu, la France est en guerre au Mali, et non en opérations, interventions et autres noms « cache-guerre ». Avec la bénédiction de tous. C’est beau la Sainte Alliance. Encore une future « guerre oubliée » de la France décidée par François, tout seul comme un grand, après l’avis éclairé de ses conseillers de l’ombre, sans même le semblant d’un accord préalable du Parlement.
Pour lutter contre le terrorisme. Pas n’importe lequel. Celui des islamistes. C’est à dire celui financé par le Moyen-Orient, dont nos amis du Qatar, d’Arabie où vient de se rendre François, du Barhein. C’est aussi celui qui s’est développé grâce à la mansuétude du gouvernement algérien qui soutient aujourd’hui la France, celui qu’on a soutenu et armé pour libérer La Lybie, celui qui est soutenu et armé en Syrie pour renverser Bachar El-Assad, celui contre lequel on envoie des drones qui ont en fait, tué plus de civils qu’autre chose.
Assez de balivernes. La France ne va pas là-bas pour lutter contre le terrorisme, pour protéger 6000 ressortissants français ou une population indiscutablement terrorisée et innocente, victime de salopards endoctrinés de la pire espèce. Hélas, ça fait bien longtemps que les femmes violées et les mains coupées sont passées au pertes et profits de L’Histoire et des intérêts des nations. Cet argument humaniste ne tient pas quand on est dans les principaux exportateurs d’armes de la planète, en particulier vers l’Afrique.
La récente déclaration de notre ministre de la défense Jean-Yves Ledrian au cours d’une conférence de presse est en ce sens pour le moins ahurissante: « C’est la sécurité de la région, de la France et de l’Europe qui est en jeu. La menace, c’est tout simplement la mise en place d’un Etat terroriste, à portée de l’Europe et à portée de la France par des groupes qui visent explicitement à déstabiliser la région. »
Allons bon. Le ministre a une drôle d’estimation des distances. « Aux portes de l’Europe: » il faudra que Jean-Yves revoit sa géographie. Par ailleurs, des Etats terroristes bien plus proches comme feu la Lybie de Khadafi, la France les a soutenus pendant bien longtemps. Des extrémistes islamistes, le Royaume-Uni avec sa politique intérieure étrange, en compte un certain nombre en liberté qui défilent en hurlant leurs messages de haine. Sans parler des terroristes économiques que sont les paradis fiscaux… Par ailleurs, le ministre s’est bien passé d’argumenter sur la menace préférant passer directement au déroulement des opérations.
Rappelons qu’il n’a gêné personne que le Soudan soit coupé en deux avec au nord un Etat Islamiste. Bien au contraire, cela s’est fait sous l’instigation de l’Europe, des Etats-Unis et de L’Union européenne, avec l’aval de la Chine. Sans compter le terrorisme d’Etat dont font preuve bien nombre de nos Etats amis dont certains ont déjà été mentionnés plus haut.
Le fait est que l’Afrique reste le terrain de jeu et des profits des pays du Nord. Et la vérité est que la stabilité du Mali et de la région sont indispensables à la France comme aux autres .
Protéger un pays qu’elle a créé de toutes pièces, au temps béni de la colonisation, en tirant des traits sur une carte, pour mettre à profit ses ressources minières et pétrolières représente un intérêt stratégique certain pour la France: bois silicifiés , marbre, minéraux liés aux pegmatites et aux métamorphismes, quartz, carbonates, phosphates, calcaire, gisements de pétrole estimés à 20 millions de tonnes, et surtout l’or: le Mali détient la troisième réserve aurifère de l’Afrique dont les Maliens ne voient pas la couleur en raison entre autres, de la politique de privatisation menée depuis les années 90 sous la pression de la bien nommée Banque Mondiale.
Sans oublier la plate-forme aéroportuaire de Tassalit (près de Kidal) que les Américains et les Français veulent transformer en une vaste base militaire pour surveiller et contrôler toute la région du Sahel, la Méditerranée, la mer Rouge.
Mais le Mali n’est pas seul en cause. C’est la région et les Etats limitrophes qui doivent être préservés. Et toujours pour
des intérêts économiques, forts nombreux.Depuis 2009, un groupe de financiers et d’industriels, mené par le premier réassureur mondial, l’allemand Munich Re, a entamé le projet DESERTEC avec l’intregent français- 400 milliards d’euros d’investissement sur 40 ans pour 15% des besoins en électricité de l’Europe, suffisant pour assurer l’indépendance énergétique de l’ensemble du continent africain - pour exploiter l’énergie solaire et éolienne du Sahara et alimenter l’Europe en électricité.
L’enjeu énergétique est considérable: chaque km2 de désert reçoit annuellement « une énergie solaire équivalent à 1,5 million de barils de pétrole » selon les experts.
« Du colonialisme solaire » , « eco-colonisation » a-t-entendu, non sans raison. Tant pis pour l’écologie africaine. Les centrales solaires thermiques installées Afrique, pour l’essentiel hybrides, devront marcher à plein régime. Elles fonctionnent actuellement au gaz et produisent moins de 5% d’énergie verte. Bref, L’Europe ne fera que délocaliser son CO2.
Cet extrait d’un article récemment paru dans Survie.org contient des propos accablants.
En février 2010, le consul des États-Unis en poste à Munich signale à Washington l’opportunité que l’initiative Desertec peut constituer pour les industriels américains. Dans son câble – révélé par Wikileaks sous la référence 10MUNICH28 –, le diplomate rapporte les propos d’Ernst Rauch, en charge du projet Desertec chez Munich Re. Le réassureur « s’attend à ce que ce ne soient pas les questions financières ou technologiques, mais les obstacles politiques, qui demanderont dans l’immédiat le plus d’énergie et d’attention de la toute nouvelle société Desertec Industrial Initiative (DII). Bien que le concept Desertec comprenne également le photovoltaïque, l’éolien, l’hydraulique, la biomasse et le géothermique, l’accent est mis sur les centrales thermiques solaires qui devront être situées dans des régions politiquement instables. Rauch estime que DII “dépendra en particulier des contacts de la France en Afrique du Nord pour surmonter les obstacles politiques dans les pays d’accueil potentiels.” Il a ajouté que, malgré la préférence française pour l’énergie nucléaire, les négociations avec les entreprises énergétiques françaises pour rejoindre DII étaient prometteuses. »
En novembre 2009, les analystes de Stratfor commentent un article d’Afrol (2 novembre 2009) au sujet de Desertec. L’article en question indique que « les vagues cartes de production indiquent que les vastes déserts d’Algérie, de Mauritanie et du Mali pourraient devenir des sites de production clés. » et note aussi que « seules quelques ONG de développement ont mis en garde contre un « nouveau colonialisme solaire ».
Le commentaire très realpolitik de Mark Papic, de Stratfor, confirme sans détour les craintes de ces organisations : « L’Europe a besoin d’alternatives à l’énergie russe et l’Afrique du Nord est un bon endroit où chercher car, contrairement à son rapport avec la Russie, le rapport de puissance qu’a l’Europe avec l’Afrique est positif. En d’autres mots, si le Mali emmerde [sic] les fermes solaires, l’Europe peut démolir le Mali. Cela dit, ce projet n’irait pas sans poser des problèmes de sécurité : il faudrait encore s’entendre avec toutes sortes de tribus berbères et les réfractaires d’Al-Qaïda essayant de couper les lignes électriques. Ce projet exigerait donc de l’Europe le développement d’une infrastructure de sécurité compétente pour intervenir en profondeur en Afrique du Nord. Les ONG hippies ont raison quand elles disent que ça mènerait à un « colonialisme solaire », sauf que, contrairement à elles, la perspective m’enthousiasme réellement. » (Survie.org)
Il en va aussi du Niger, Etat voisin qui fournit la France en uranium et où Areva vient d’investir 1,5 milliard d’euros afin d’exploiter une nouvelle mine qui fera venir des milliers de français sur le secteur. Les conditions d’exploitation sont tellement folles au niveau environnemental et sanitaire sur les mines existantes , qu’un « Collectif des mines d’uranium » s’est crée en août 2012.
Sans parler des milliards de mètres cubes d’eau qu’on a découvert sous le Sahara, véritable trésor au moment où la question de l’eau se fait de plus en plus pressante dans le Monde.
Bref, on imagine sans peine la manne que représente la stabilité politique du Mali et de la région. Le terrorisme n’est qu’un leurre et le bal des hypocrites est des plus nauséabonds. La Françafrique dans toute sa splendeur.
Éradiquer les terroristes et défendre les intérêts français, n’est-ce-pas faire d’une pierre deux coups? Admettons. La population martyrisée par ces minables islamistes n’accueille-t-elle pas les soldats français comme des libérateurs? Sans doute. Mais:
- Quid de l’Afrique et du Mali dans tout ça?
- Quid de leur maintien dans un état de pauvreté et de dépendance vis à vis de nous, par la technologie dont on les prive (pas comme à la Chine) et des dettes avec lesquelles on les enterre?
- Quid de la grandeur et de l’honneur de la France dont on nous rabat les oreilles à la moindre occasion et qui se comporte comme un vulgaire prédateur?
- Quid de la continuité d’un système de développement et d’expansion économique qui nous le savons tous nous mène peu à peu à notre perte et à des lendemains qui déchantent de plus en plus nombreux et intenses?
- Quid de la soumission de la France à des multinationales privées qui lui sous-traitent le sale boulot, au frais de contribuables qu’au demeurant elles cherchent à asservir sans cesse?
- Quid du moment où l’Afrique se réveillera, parce qu’il est clair un jour ça se fera, même si le chaos politique et économique qui y règne est entretenu par les anciens colons? Regardez ce que nous coûte le réveil de l’Asie. Ce seront nos enfants qui en prendront plein la figure, et ça a déjà commencé.
Tout ça n’est que vaste fumerie et enfumage et l’attitude des grands médias est accablante de suivisme et de complicité.
La « real politic » n’est qu’une théorie condescendante prônée par les cyniques et les arrogants qui ont laissé leur dignité au vestiaire pour faire perdurer leur mode de vie quitte à ce que pour cela, ailleurs, loin ou moins loin, des exploités triment pour eux.
On peut s’étonner de l’absence totale de zèle que l’on met à secourir ces mêmes populations quand elles sont frappées par la famine. Or il est évident que si tous ceux-la avaient eu à manger à leur faim, dans un pays stable et démocratique, il n’y aurait pas eu d’islamistes hystériques à déloger: on est bien dans du chaos provoqué et/ou entretenu.
Notre cher François, a déclaré en décembre 2012 pour refuser le soutien militaire de la France au président François Bozizé en mal avec les rebelles du Séléka: « Si nous sommes présents, ce n’est pas pour protéger un régime, c’est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts, en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d’un pays, en l’occurrence la Centrafrique. Ce temps là est terminé ».
Laurent Fabius avait fait de même quelques temps auparavant lors du XIVe sommet de la francophonie de Kinshasa.
Vite dit, vite non fait. Le non-dit, comme le mensonge, est le style rhétorique des puissants.
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Quant au danger du terrorisme en lui-même, nous vous faisons part d’un entretien accordé par Noam Chomsky en 2005 à propos de la lutte contre le terrorisme, prétexte à tous les excès ou excuse pour avoir les mains libres.
Noam Chomsky interviewé par Geov Parrish
WorkingForChange.com (USA) , 23 décembre 2005
Geov Parrish : Est-ce que George Bush a des problèmes politiques ? Si oui, pourquoi ?
Noam Chomsky : George Bush aurait de graves problèmes politiques s’il y avait un parti d’opposition dans ce pays. Pratiquement chaque jour ils se tirent un balle dans le pied. Ce qui est étonnant dans la politique aux Etats-Unis aujourd’hui est que les Démocrates n’en tirent pratiquement aucun bénéfice. Le seul bénéfice pour eux est que les Républicains sont en train de perdre du soutien. Un parti d’opposition serait en train de secouer les branches, mais les Démocrates ont une politique si proche des Républicains qu’ils ne peuvent rien faire. Lorsqu’ils essaient de parler de l’Irak, George Bush, ou Karl Rove, leur rétorque « comment pouvez-vous critiquer ? Vous avez tous voté pour. » En plus, ils ont raison.
GP : Comment les Démocrates pourraient-ils faire la différence à ce stade, étant donné qu’ils sont déjà tombés dans le piège ?
Chomsky : Les Démocrates, leurs dirigeants, lisent les sondages bien plus que moi. Ils savent ce que pense l’opinion publique. Ils pourraient prendre des positions qui seraient soutenues par l’ opinion publique au lieu d’aller à l’encontre. Ainsi ils deviendraient un vrai parti d’opposition, et même un parti majoritaire. Mais cela signifie qu’ils devront changer de position sur pratiquement tous les sujets.Par exemple, prenons la question de la santé, qui est probablement la préoccupation principale dans le pays. Une grande majorité de la population est favorable, et ce depuis longtemps, à un système de sécurité sociale nationale. Mais chaque fois que le sujet est abordé – on en parle de temps en temps dans la presse – on dit que c’est politiquement impossible, ou que le projet « manque de soutien politique », qui est une autre manière de dire que les compagnies d’assurance n’en veulent pas, que les compagnies pharmaceutiques n’en veulent pas, et ainsi de suite.
Bon d’accord, une grande majorité de la population le veut, mais qui se préoccupe d’eux ? C’est pareil pour les Démocrates. Clinton avait concocté un plan tellement alambiqué qu’on n’y comprenait rien et tout est tombé à l’eau.
Kerry, aux dernières élections, au dernier débat de la campagne, le 28 octobre je crois, le débat devait aborder les questions de politique interne. Et le New York Times en fit un bon compte-rendu le lendemain. Ils soulignèrent, à raison, que Kerry n’avait jamais mentionné un engagement quelconque du gouvernement dans le système de santé parce qu’il « manquait de soutien politique ». C’est leur manière à eux de dire, et celle de Kerry de comprendre, que soutien politique signifie le soutien des riches et des puissants. Bon, les Démocrates pourraient être différents. On pourrait imaginer un parti d’opposition qui défendrait les intérêts de la population.
GP : Etant donné l’absence de véritables différences entre les deux partis en matière de politique extérieure…
Chomsky : … ou même intérieure.
GP : Oui, ou intérieure. Mais je voudrais poser une question sur la politique étrangère. Sommes-nous en train d’être préparés à un état de guerre permanent ?
Chomsky : Je ne crois pas. Personne ne veut réellement la guerre. Ce que l’on veut c’est la victoire. Prenons l’exemple de l’Amérique centrale. Dans les années 80, l’Amérique centrale était hors de contrôle. Les Etats-Unis ont du mener une guerre terroriste féroce contre le Nicaragua, et ont du soutenir les gouvernements assassins du Salvador, du Guatemala et du Honduras, c’était un état de guerre. Les terroristes ont finalement gagné. A présent, la région est plus ou moins calme. Alors on n’entend même plus parler de l’Amérique centrale parce que tout est calme. Il y a la souffrance et la misère, mais la situation est calme. Ce n’est donc pas un état de guerre. Ailleurs, c’est pareil. Partout où on peut garder les gens sous contrôle, il n’y a pas de guerre.
Prenons par exemple la Russie et l’Europe de l’Est. La Russie a contrôlé l’Europe de l’Est pendant près d’un demi-siècle, avec très peu d’interventions militaires. De temps en temps, ils envahissaient Berlin Est, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, mais en général c’était calme. Et ça leur convenait parfaitement – une situation sous contrôle des forces de sécurité locales, des politiciens locaux, pas de problème. Il n’y avait pas d’état de guerre permanent.
GP : Mais dans la Guerre contre le terrorisme, quelle peut être la définition d’une victoire lorsqu’on a affaire à une tactique ? C’est sans issue.
Chomsky : Il existe des moyens procéder à des mesures. Par exemple, on peut compter le nombre d’attaques terroristes. Et bien ils sont en nette augmentation sous l’administration Bush, et en très nette augmentation depuis la guerre en Irak. Comme prévu – les services de renseignement avaient prévu que la guerre en Irak allait probablement accroître le niveau de terrorisme. Et les estimations effectuées après l’invasion par la CIA et le Conseil National du Renseignement, et autres agences de renseignement, le confirme en tous points. La guerre a augmenté le terrorisme. En fait, elle a même produit quelque chose qui n’existait pas auparavant, un nouveau terrain d’entraînement pour les terroristes, bien plus sophistiqué qu’en Afghanistan, où sont entraînés des terroristes professionnels qui retournent ensuite dans leur pays. C’est une façon de gérer la Guerre contre le Terrorisme, en augmentant le terrorisme. Et selon l’unité de mesure évidente, le nombre d’attaques terroristes, on peut dire qu’ils ont réussi à augmenter le terrorisme.
Le fait est qu’il n’y a pas de Guerre contre le Terrorisme. Il s’ agit là d’un problème secondaire. L’invasion de l’Irak et la prise de contrôle des ressources énergétiques étaient bien plus importantes que le risque de terrorisme. C’est pareil pour d’ autres sujets. Le terrorisme nucléaire, par exemple. Les services de renseignement étasuniens estiment que la probabilité pour qu’ une « bombe sale », qu’une attaque par bombe nucléaire aux Etats-Unis, se produise dans les dix prochaines années est de 50 pour cent. C’est beaucoup. Est-ce qu’ils s’en préoccupent ? Oui.
En augmentant la menace, un augmentant la prolifération nucléaire, en poussant ses ennemis potentiels à prendre des mesures très dangereuses pour tenter de contrer les menaces des Etats-Unis.
Le sujet est parfois abordé. On peut le trouver dans les articles consacrés aux analyses stratégiques. Prenons encore une fois l’ exemple de l’invasion de l’Irak. On nous dit qu’ils n’ont pas trouvé d’armes de destruction massive. Et bien, ce n’est pas tout à fait correct. Ils ont effectivement trouvé des armes de destruction massive, celles que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et d’autres avaient envoyées à Saddam pendant les années 80. Il y en avait encore beaucoup sur place. Elles étaient sous le contrôle des inspecteurs de l’ONU et en train d’être démontées. Mais il y en avait encore beaucoup. Lorsque les Etats-Unis ont envahi, les inspecteurs ont été virés, et Rumsfeld et Cheney n’ont pas ordonné à l’armée de garder les sites. Alors les sites sont restés sans surveillance, et ils furent systématiquement pillés. Les inspecteurs de l’ONU ont continué leur travail par satellite et ils ont identifié plus de 100 sites qui étaient systématiquement pillés, pas comme quelqu’un qui entrerait pour voler quelque chose, mais soigneusement et systématiquement pillés.
GP : Par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient
Chomsky : Oui, par des gens qui savaient ce qu’ils faisaient. Cela signifie qu’ils étaient en train de récupérer le matériel de haute précision qu’on peut utiliser pour les armes nucléaires et les missiles, les bio toxines dangereuses, toutes sortes de choses. Personne ne sait vers où le matériel est parti, et on préfère ne pas y penser. Ca, c’est une manière d’accroître nettement le risque de terrorisme. La Russie a nettement augmenté sa capacité militaire offensive en réaction aux programmes de Bush, ce qui en soi est déjà dangereux, mais aussi pour tenter de contrer la domination écrasante des Etats-Unis en termes d’armes offensives. Ils doivent transporter des missiles nucléaires en peu partout sur leur vaste territoire. Et la majorité n’est pas gardée. Et la CIA est parfaitement au courant que les rebelles Tchétchènes s’intéressent aux chemins de fer Russes, probablement pour tenter de voler un missile nucléaire. Oui, ça pourrait être un apocalypse. Mais ils sont en train d’accroître ce danger.
Parce qu’ils s’en fichent.
C’est pareil pour le réchauffement climatique. Ils ne sont pas stupides. Ils savent qu’ils sont en train d’augmenter les risques d’une catastrophe majeure. Mais cela ne concerne que les générations futures. Ils s’en fichent. Il y a en gros deux principes qui gouvernent la politique de l’administration Bush : se remplir les poches et celles de ses amis riches, et renforcer son contrôle sur le monde. Pratiquement tout découle de là. Si vous faites sauter la planète, et bien ce n’est pas votre problème. « Ca arrive », comme l’a dit Rumsfeld.
GP : Vous avez suivi les guerres d’agression des Etats-Unis depuis le Vietnam, et aujourd’hui nous sommes en Irak. Etant donné le fiasco que c’est, pensez-vous que nous verrons un changement dans la politique étrangère des Etats-Unis ? Si oui, comment ?
Chomsky : Et bien, il y a des différences importantes. Comparez, par exemple, la guerre en Irak avec la guerre au Vietnam il y a 40 ans. Il y a une nette différence. L’opposition à la guerre en Irak est beaucoup plus importante que pour le Vietnam. L’Irak est je crois la première guerre de l’histoire de l’impérialisme européen, y compris les Etats-Unis, où on a connu des protestations massives avant que la guerre n’ait été officiellement déclenchée. Au Vietnam, il a fallu quatre ou cinq ans avant de voir les premières protestations. Les protestations étaient si faibles que personne ne se souvient que Kennedy a attaqué le Sud Vietnam en 1962. C’était une attaque importante. Il a fallu des années avant de voir des protestations.
GP : Et que faut-il faire en Irak ?
Chomsky : Et bien la première chose serait d’en parler sérieusement. Il n’y a pratiquement aucun débat sérieux, je suis désolé de le dire, dans la classe politique, sur la question du retrait des troupes. Ceci parce que nous sommes soumis à une doctrine occidentale, un fanatisme religieux, qui prétend que les Etats-Unis auraient envahi l’Irak même si ce dernier ne produisait que des cornichons et des salades, et que les puits de pétrole s’étaient trouvés au milieu de l’Afrique. Tous ceux qui n ’y croient pas sont qualifiés de Marxistes, de théoriciens de la conspiration, de fous, ou autre chose. Et bien, même si vous n’ avez plus que trois neurones en état de marche, vous savez que ce sont des balivernes. Les Etats-Unis ont envahi l’Irak pour ses énormes ressources en pétrole, la plupart encore inexploitées, et cepays est situé en plein centre du système énergétique mondial.
Ce qui signifie que si les Etats-Unis réussissent à contrôler l’ Irak, ils étendront considérablement leur puissance stratégique, ce que Zbigniew Brzezinski appelait le point d’appui indispensable face à l’Europe et l’Asie. C’est une des raisons principales pour contrôler les ressources de pétrole, ça vous donne un pouvoir stratégique. Même si vous pouvez compter sur des ressources renouvelables, vous avez intérêt à le faire. C’est la raison principale pour l’invasion de l’Irak.
En ce qui concerne le retrait, prenez n’importe quelle édition de n’importe quel journal ou magazine. Ils disent tous que les Etats-Unis veulent instaurer un état démocratique et souverain en Irak. En fait, c’est hors de question. Que serait la politique d’ un Irak indépendant et souverain ? S’il est plus ou moins démocratique, le pays serait gouverné par une majorité Chiite.
Ceux-ci chercheront naturellement à resserrer leurs liens avec l’ Iran chiite. La plupart des religieux viennent d’Iran. La brigade Badr, qui contrôle en gros tout le sud, est entraînée par l’Iran. Ils ont des liens étroits qui ne feront que se renforcer. Ce qui donne une alliance informelle Irak/Iran. De plus, juste de l’ autre côté de la frontière avec l’Arabie Saoudite, il y a une population chiite qui a été sévèrement réprimée par la tyrannie intégriste soutenue par les Etats-Unis. Tout mouvement vers l’ indépendance en Irak aurait de fortes chances de les encourager, et c’est déjà en cours. Et il se trouve que c’est là que se trouve la majorité du pétrole Saoudien. Alors, vous pouvez imaginez le parfait cauchemar pour Washington, à savoir une alliance chiite qui contrôlerait la majorité du pétrole mondial, indépendante de Washington et probablement tourné vers l’est, où la Chine et d’autres sont impatients de nouer des relations, et qui sont déjà en train de le faire. Pour Washington, ce n’est même pas concevable. Au stade où en sont les choses, les Etats-Unis préféraient une guerre nucléaire à une telle situation.
Donc, toute discussion sur le retrait devrait tenir compte du monde tel qu’il est, c’est-à-dire prendre en compte ces données.Ecoutez les commentateurs aux Etats-Unis, quel que soit leur bord politique. Qui parle de ça ? Pratiquement personne, ce qui signifie que le débat pourrait aussi bien se dérouler sur Mars. Et il y a une raison à cela. Nous ne sommes pas censés penser que nos dirigeants peuvent obéir à des intérêts impérialistes. Nous sommes censés penser qu’ils sont gentils, et tout ça. Mais ils ne le sont pas. Ils sont parfaitement sensés. Ils comprennent ce que tout un chacun peut comprendre. Alors la première mesure à prendre dans le débat sur le retrait est le suivant : prendre en compte la situation telle qu’elle est et non pas la situation rêvée, celle où Bush poursuivrait une vision de démocratie ou je ne sais quoi. Si nous savons entrer dans le monde réel, nous pouvons commencer à en parler. Et pour répondre à la question, oui, je crois que nous devons nous retirer, mais nous devons en parler dans le cadre de la réalité et connaître les projets de la Maison Blanche. Eux ne sont pas disposés à vivre dans un monde de rêve.
GP : Comment les Etats-Unis régiront-ils à la Chine en tant que superpuissance ?
Chomsky : Quel est le problème avec la Chine ?
GP : Et bien, la concurrence pour les ressources, par exemple.
Chomsky : Si vous croyez aux lois du marché, tels que nous sommes censés y croire, la concurrence pour les ressources à travers les lois du marché ne devrait pas poser de problèmes, n’est-ce pas ? Le problème est que les Etats-Unis n’aime pas la tournure des évènements. Tant pis. Personne n’aime la tournure des évènements lorsque les événements se tournent contre lui. La Chine ne représente aucune menace. Mais nous pouvons la transformer en menace. Nous pouvons augmenter les menaces contre la Chine, et ils réagiront. Et ils sont déjà en train de le faire. Ils riposteront en renforçant leur arsenal militaire, leur capacité militaire offensive, et cela devient une menace. Oui, nous pouvons les pousser à devenir une menace.
GP : Quel est votre plus grand regret en tant que militant de ces 40 dernières années ? Qu’auriez-vous fait différemment ?
Chomsky : J’en aurais fait plus. Parce que les problèmes sont si amples et profonds que c’est une honte de ne pas en faire plus.
GP : Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?
Chomsky : Ce qui me donne de l’espoir c’est l’opinion publique. L’ opinion publique aux Etats-Unis fait l’objet d’études méticuleuses, nous en savons beaucoup. On en parle rarement, mais nous la connaissons. Et vous savez, je suis plutôt en phase avec l’opinion publique sur la plupart des sujets. Sur certains, je ne le suis pas, sur le contrôle des armes à feu, ou sur le créationnisme ou des sujets comme ça. Mais sur la plupart des sujets importants, ceux que nous avons abordé, je suis dans le camp des critiques, mais plutôt en phase avec l’opinion publique. Je pense que c’est un signe très encourageant. Je pense que les Etats-Unis seraient un paradis pour un organisateur.
GP : Quel genre d’organisation devrait être entreprise pour changer la politique ?
Chomsky : Il y a de quoi procéder à un changement démocratique. Prenez ce qui s’est passé en Bolivie il y a quelques jours. Comment un dirigeant indigène de gauche a-t-il été élu ? Etait-ce en se présentant devant les électeurs une fois tous les quatre ans pour leur dire « votez pour moi » ? Non. C’est parce qu’il existe des organisations populaires de masse qui travaillent sans cesse sur tous les fronts, de la lutte contre les privatisations de l’eau jusqu’aux questions locales, et ce sont des organisations à démocratie participative. Ça c’est la démocratie. Nous en sommes loin. Voilà quelque chose qui serait à organiser.
© Noam Chomsky
Traduit par Viktor Dedaj pour Cuba Solidarity Project
Source entretien Noam Chomsky: Les Crises.fr
A voir: Maliweb
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 15 janvier à 11:52
OBSERVONS
L’Aqmi a pour origine le GIA, issu du FIS. Ce sont des terroristes qui ont fait leurs premières armes en Algérie contre le peuple algérien en assassinant les civils, les appelés du contingent, les policiers, les militaires, en brulant tous sur leur passage. Ils ont été anéantis par l’armée algérienne et les GLD (groupes civils de légitime défense).
Les restes ont été récupérés par le Qatar et la France avec d’autres groupes pour en faire une force de chantage, avec d’autres objectifs, dans le sillage de l’agression contre la Libye. Bien armés par ces deux Etats ces groupes changent de stratégie en reniant leurs maitres. Ces derniers, roulés, voyant leur stratégie de domination de la région mise en échec par ceux qu’ils croyaient leurs alliés de circonstance, qu’ils ont armé, changent complètement de tactique en retournant s’allier avec les gouvernements et leur faire payer leur « traitrise ».
Mais l’objectif de la France reste et restera, au fond, le même ! Celui de dominer les richesses de la région y compris l’Algérie.
Comment se fait-il que la France qui a toujours joué sur le séparatisme Touareg pour faire chanter le Mali et le Niger, peut-être aussi l’Algérie, change maintenant pour défendre l’intégrité territoriale de ces Etats tout en jouant sur les ethnies, les religions locales et l’épouvantail islamique, pour mieux diviser, en avantageant les catégories les plus disposées à la docilité…
Tout cela pour l’uranium du Niger et les milliards de bénéfices d’AREVA et de SUEZ et leurs banquiers ! Donc l’intervention française est au moins néocolonial, jamais « humanitaire »!