L'atelier du cartographe
Dessin de Selcuk pour Philippe Rekacewicz
Portant sur le programme au concours d'entrée de l'ENS-Lyon de 2013 ("Frontières et espaces frontaliers"), cette journée d'études interrogera des frontières interétatiques (notamment au prisme des exemples balkaniques et israélo-palestinien), entre construction, reconstruction, revendication, contestation. Elle abordera également la question de la représentation des frontières et espaces frontaliers à travers l'art et la cartographie (elle est également en lien avec la question "Représenter l'espace" au concours de l'Agrégation de géographie). Par-delà les questions de concours, cette journée d'études porte son intérêt sur le renouveau des frontières dans les études géographiques. Le thème de la frontière, s'il a toujours été un objet d'études majeur dans la géographie, a été replacée au coeur de la réflexion spatiale dans les années 1980, notamment autour des travaux des géographes Claude Raffestin (avec une approche de la frontière comme objet de la géographie sociale et de la géographie du pouvoir) et Michel Foucher (avec une approche géopolitique à laquelle on doit notamment le célèbre ouvrage Fronts et frontières). Depuis la chute du mur de Berlin, les travaux sur les frontières interétatiques se sont diversifiées, au vu de cette "tentation des frontières" qui s'observe de par le monde. Le retour du thème des frontières a vu l'émergence de travaux sur les murs, sur les fragmentations politiques (partition, balkanisation, autodétermination...). Cette journée d'études abordera donc quelques points autour de la question de la frontière par le prisme d'une approche spatiale, journalistique, cartographique et artistique.
Les frontières et les espaces frontaliers :
objet d'étude géographique et géopolitique
ART ET FRONTIÈRES
9h00-10h30 : Frontières et ennemis à travers les arts. L’image de l’autre, des « Neuf Arcs » au mur de Berlin
Conférence de Daniel Soulié (archéologue et historien d'art).
Entrée libre et gratuite, dans la limite des places disponibles.
Musée d'Art moderne de Saint-Etienne Métropole.
"Au-delà de l’idée de frontière qui se matérialise à travers le traitement du mur de Berlin ou encore de l’image photographique de la limite, c’est l’image de l’étranger qui fait l’objet des représentations les plus signifiantes. Daniel Soulié se propose de commencer par quelques exemples égyptiens (dont les « Neufs Arcs ») et de mener la réflexion jusqu’à la période contemporaine. Il abordera principalement le XIXe siècle et les œuvres contemporaines, notamment le soulèvement polonais et les guerres franco-allemandes."
10h45 : Découvertes d'oeuvres in situ
Visite réservée aux étudiants du lycée Claude Fauriel
14h00-17h00 : Conférences-débats
Au Lycée Claude-Fauriel (28 avenue de la Libération)
FRONTIÈRES ET GÉOPOLITIQUE
Israël - Palestine : Frontières internes et externes
Conférence de Luisa Pace (journaliste en politique et géopolitique)
"Le rôle du journaliste géopolitique dans le traitement de l’information est un rôle bien délicat puisqu’il doit être le porte-parole d’événements qui se déroulent dans des pays lointains, souvent en période de conflit.
Israël est le pays au monde où l’on compte le plus de correspondants étrangers par rapport à l’étendue de son territoire et le conflit israélo-palestinien est sous les feux de tous les projeteurs d’où la difficulté de fournir une information claire et la moins ambigüe possible. Les ajustements des frontières d’Israël sont en lien avec les négociations de paix pour arriver à la construction de deux Etats. Les nouveaux enjeux qui ont fait surface aux frontières du pays suite aux révolutions arabes, élargissent le sujet et amènent à se poser la question de savoir qui est prisonnier de qui. En réalité il s’agit de deux justes causes où il est inutile de désigner les « bons et les méchants » comme l’a si bien expliqué Amoz Oz, écrivain israélien et cofondateur du mouvement « La paix maintenant ».
L’instrumentalisation politique et médiatique internationale du conflit Israélo-palestinien ne fait qu’envenimer les tensions entre deux populations prisonnières d’un statu quo auquel s’ajoute la pression des pays environnants. Pour revenir à la question des frontières, on doit se poser la question de la construction de murs ou de grillages « anti-terrorisme » tels que le mur ou la nouvelle clôture avec l’Egypte."
FRONTIÈRES ET GÉOGRAPHIE
Les territoires post-yougoslaves : ce qui fait frontière
"Les guerres de décomposition de la Yougoslavie ont redessiné le pavage étatique dans les Balkans. L'Etat primaire - la Yougoslavie - a laissé place à une multitude d'Etats secondaires : la Slovénie (1991), la Croatie (1991), la Bosnie-Herzégovine (1992), la Macédoine (1992), le Monténégro (2006), la Serbie (2008 pour ses frontières actuelles) et le Kosovo (2008), bien que ce dernier exemple pose la question de la reconnaissance de l'indépendance, faisant de la discontinuité territoriale entre la Serbie centrale et le Kosovo une limite disputée, revendiquée comme "frontière" pour les uns, comme limite administrative intérieure pour les autres. Les territoires post-yougoslaves sont donc un "laboratoire" de la production des frontières par des revendications géopolitiques qui s'affirment dans des géonationalismes qui entrent en conflit. Pourtant, toutes ses frontières ne sont pas le produit de conflits armés : le Monténégro et la Macédoine ont acquis leur indépendance sans affrontement. Par les exemples post-yougoslaves, on abordera la question de la frontière contestée : les frontières interétatiques qui existent aujourd'hui ne correspondent pas aux (im)mobilités spatiales et aux discours géonationalistes qui parcourent les Etats post-yougoslaves. Parallèlement au durcissement de ces discours et représentations d'un territoire identitaire d'appropriation et d'appartenance qui exclut "l'Autre", d'autres mouvements tendent à dépasser les frontières interétatiques pour redonner sens à l'espace régional : une "Yougosphère" se dessine, confrontant les frontières-coupures à une volonté de recréer un territoire transfrontalier. A travers les exemples de la Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, il s'agit d'interroger ce qui fait frontière, entre processus politiques et (non-)appropriations dans les territoires du quotidien." FRONTIÈRES ET CARTOGRAPHIE Les territoires post-yougoslaves : ce qui fait frontière
Conférence de Philippe Rekacewicz (cartographe, Le Monde diplomatique)"« Lorsque je dessine les frontières en Afrique, disait un cartographe, j’ai le sentiment que je blesse les peuples… ». Comment mieux dire que les frontières « naturelles » n’existent pas ? Qu’elles sont une pure invention des êtres humains ? qu’elles se meuvent en permanence dans l’espace au grès des événements historiques ?
Elles sont avant tout des lieux de rencontre et d’échange, des espaces riches et donc complexes à représenter. Les frontières (ou plus généralement ces « lignes de partage » puisque toutes n’ont pas le même statut) ont ceci de paradoxal qu’elles regroupent autant qu’elles excluent. C’est précisément cette contradiction qui fait le cauchemar du cartographe qui n’a jamais su, il faut bien le reconnaître, ni très bien les franchir, ni très bien en donner une représentation cartographique pertinente : Les frontières ne sont pas que des lignes : elles sont même souvent de véritables territoires qui fonctionnent en tant que tel.
Et comme rien n’est simple, au cours des deux dernières décennies, elles ont profondément changé de nature…"
Extrait de la carte de Philippe Rekacewicz : "Les morts aux portes de l'Europe"
17h00-18h00 : Atelier carto avec Philippe Rekacewicz Atelier réservé aux étudiants de la Khâgne du lycée Claude Fauriel
20h30-22h00 : CAFÉ GÉOGRAPHIQUE : Les frontières entre ouverture et fermeture : peut-on souhaiter la disparition des frontières ?
Café géographique ouvert à tous.
Au Café Le 9 bis (9 rue François Gillet).Café géographique animé par François Arnal (professeur de géographie en Première supérieure au Lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne).
Avec Luisa Pace (journaliste), Philippe Rekacewicz (cartographe, Le Monde diplomatique) et Bénédicte Tratnjek (géographe, IRSEM).