Toute personne qui en a déjà souffert d’une manière récurrente se reconnaîtra dans ce portrait ultra détaillé. L’auteure nous fait entrer par la grande porte dans le quotidien d’un insomniaque. Le moins que l’on puisse dire est que l’auteure est bien documentée, à un point tel que ça laisse supposer qu’elle soit elle-même atteinte de ce mal du siècle !
Quand rien n’y fait, quand dormir devient une obsession qui empêche de dormir, quand la carence de sommeil vous fait exploser, les nerfs à bout, devant une classe d’élèves qui vous regardent comme si vous étiez une extra-terrestre, vous avez certainement besoin d’un congé. Mais vous reposerez-vous pendant ce congé ? Si se reposer signifie dormir, non.
Nous apprenons à connaître Josée pendant ce congé qu’elle s’est elle-même prescrit, avant que la situation dégénère et qu’elle saute à la tête d’un élève. Elle ne vit pas seule, un homme couche dans son lit. Ce n’est pas la passion, loin de là. Le chum nous est quasiment présenté comme l’être encombrant par excellence dans la vie d’une insomniaque. Faut dire que le manque de sommeil génère une lassitude peu commune, l’entrain manque pour suivre les soubresauts de la vie. On voit mal comment Josée pourrait être passionnée au lit ou ailleurs. Elle fréquente son frère, médecin, et sa conjointe qui, elle, aurait toutes les raisons au monde de faire de l’insomnie avec sa ribambelle d’enfants. Josée côtoie de près ses voisins, des personnages qui se découvrent à nous au fil de l’histoire. Elle passe également du temps en compagnie de son père décédé, dont le corps astral lui apparait, surtout dans la cuisine. Elle entretient un dialogue nourri avec lui. Ce qui pourrait nous faire dire que de manquer de sommeil maintient dans un état proche des limbes !
Je suis assez perplexe devant ce portrait en profondeur d’une insomniaque. Le personnage par qui tout passe est sans conteste fouillé, plus que crédible, il est d’un réalisme à tout crin. Ce réalisme est sans merci pour le lecteur qui sent le poids de la vie, vit le cercle vicieux du personnage et le cul-de-sac dans lequel il est placé. Le style est digne d’admiration pour sa précision, sa justesse, sa pertinence, mais personnellement, la contrepartie est le manque de dynamisme qu’il confère à l’histoire vécue par un personnage éteint par son manque de sommeil. Rarement, dans la vraie vie, verrons-nous une personne en proie à une carence de sommeil faire preuve de dynamisme. Elle sera, soit à bout de nerfs ou soit, léthargique. J’y ai surtout vu de la léthargie, la seule crise de nerfs est en début d'histoire et nous sera que relatée. Donc pas de secousses dans ce roman, plutôt une ligne de vie tranquille de personne ensommeillée. C’est à mon avis une lame à double tranchant. Puisque c’est une œuvre de fiction, peut-être que l’auteure aurait pu tâter le terrain miné des raisons pour lesquelles le personnage est en prise avec cet ennemie intérieur. Le choix a été de rester à la surface, arpentant de long en large le syndrome de la vis. Un choix assumé, je l’espère.
À apprécier, si l’on prend pour tel ce journal fourni et d’une pertinence irréprochable d’une insomniaque chronique. À conseiller aux personnes qui en souffrent, elles auront le plaisir de se reconnaître comme dans un miroir !
Remarques : Marie-Renée Lavoie est l'auteure du roman "La Petite et le Vieux" lequel j'ai adoré.