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Non, le code civil n’est pas intangible !

Publié le 14 janvier 2013 par Letombe

Non, le code civil n’est pas intangible !

J’ai souvent constaté que les opposants à l’ouverture de l’institution du mariage aux couples de même sexe prônaient la défense de la famille. Et d’invoquer le code civil à l’appui de cette défense comme ils brandiraient la Bible, un peu comme s’il s’agissait d’un livre au contenu sacré et intangible.

Je ne vais pas revenir ici sur ce que j’ai déjà écrit sur le mariage pour tous. Le lecteur pourra s’y reporter s’il le souhaite. Je voudrais simplement tordre le cou à certaines approximations des opposants au mariage pour tous.

1) Le code civil ne donne aucune définition précise de la famille. En tout cas, il ne la réduit certainement pas à la cellule formée d’un père, d’une mère et d’un ou plusieurs enfants. En revanche, il envisage la famille sous l’angle de la filiation d’un père et d’une mère qui déclarent un enfant auprès de l’officier d’état civil (article 57 du code civil). Or le code civil est pragmatique : si les père et mère de l’enfant ou l’un d’eux ne sont pas désignés à l’officier de l’état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet. La filiation peut donc être biologique, mais elle peut résulter aussi d’un acte juridique volontaire (la reconnaissance ultérieure de l’enfant, l’adoption simple ou plénière). La famille peut aussi se définir plus largement, c’est-à-dire par ordres et degrés dans le cadre d’une dévolution successorale ab intestat (sans disposition de dernières volontés) ainsi qu’il résulte de l’article 734 du code civil : descendants ; ascendants et collatéraux privilégiés ; ascendants ; collatéraux ordinaires jusqu’au 6ème degré.

2) Le Code civil a énormément évolué depuis 1804 et il a été adapté aux nécessités de la vie sociale contemporaine. Prenons l’exemple du statut juridique de la femme. Auparavant, les choses étaient simples : la femme devait obéissance et fidélité à son mari. En clair, elle devait la fermer. Tout juste pouvait-elle disposer de son salaire quand elle avait la chance que son mari la laisse travailler (loi votée en 1907). La femme était placée dans un état de tutelle juridique, économique et sociale à peu près complet. La dernière réforme d’ampleur des régimes matrimoniaux en France date d’ailleurs du 13 juillet 1965 (entrée en vigueur le 1er février 1966). Il y a donc 48 ans. Aux termes de cette réforme, la femme a pu enfin gérer ses biens librement, ouvrir un compte en banque, signer seule des actes juridiques, exercer une profession sans l’autorisation de son mari ! Regardez cette vidéo : la réforme est expliquée par un notaire (Maître Henri Collette) au début de l’année 1966. Tout ce qu’annonce cet officier public, par ailleurs rapporteur de la loi du 13 juillet 1965, va aujourd’hui de soi.

3) Fort de ce qui précède, il est impossible de postuler que notre code civil ne doit pas s’adapter aux évolutions de la famille. On a vu que le statut de la femme a évolué avec la réforme des régimes matrimoniaux, c’est-à-dire avec la réforme des conséquences juridiques attachées à l’institution du mariage civil. Elle a pu ensuite rapidement conquérir de nouveaux droits (ex : le droit à l’avortement en 1975). Pourquoi dès lors n’en serait-il pas de même des homosexuels et lesbiennes ? Pourquoi seraient-ils écartés de l’institution du mariage en raison de leurs orientations sexuelles ? Parce qu’ils ne peuvent pas procréer?

4) Justement, le mariage ne se définit pas nécessairement par rapport à la procréation contrairement à ce que les opposants au mariage pour tous prétendent. Son objet est beaucoup plus large. Il permet également de faciliter la gestion et la transmission des patrimoines et la protection du conjoint en le faisant entrer directement dans l’ordre successoral sans qu’il y ait obligatoirement une disposition de dernières volontés. En l’absence d’enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession (article 757-2 du code civil). Le conjoint survivant, exonéré fiscalement de droits de succession, passe donc avant les frères et soeurs du défunt. En outre, il peut être prévu des quotités spéciales en faveur du conjoint survivant grâce aux donations entre époux. Bref, le mariage permet une meilleure protection mutuelle des conjoints, laquelle s’est sensiblement renforcée depuis l’adoption de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins modernisant diverses dispositions du droit successoral. Le mariage permet aussi l’octroi de prestations compensatoires lors de sa dissolution. Tous ces avantages juridiques sont loin d’être négligeables.

5) Il va de soi que l’ouverture de l’institution du mariage aux couples homosexuels emportera nécessairement le droit d’adopter pour que les conjoints puissent exercer tous deux l’autorité parentale sur l’enfant. En effet, on ne peut pas ouvrir le mariage aux couples de même sexe sans que cette ouverture ne s’accompagne des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Ce serait discriminatoire et anticonstitutionnel. La droite le sait d’ailleurs parfaitement puisque Rachida Dati, à l’époque Garde des Sceaux, avait renoncé à présenter un projet de loi consacrant l’existence d’un contrat destiné spécialement aux couples de même sexe sans possibilité d’adoption.

6) J’ajoute que la réflexion ne s’arrête pas au mariage pour tous. Les spécialistes du droit de la famille s’interrogent aussi sur l’opportunité d’accorder un statut juridique aux beaux-parents. En France, près d’un million d’enfants de moins de dix-huit ans vivent dans des familles recomposées (avec un parent et un beau parent ; avec ses deux parents biologiques et un demi-frère ou une demi-soeur). De même, près de deux millions d’enfants de moins de dix-huit ans vivent au sein de familles monoparentales (soit avec la mère, soit avec le père). On est bien loin de la norme défendue par l’ambivalente Frigide Barjot et ses amis.

Il faut être conscient que le droit de la famille a énormément bougé au cours de ces cinquante dernières années et qu’il bougera encore pour prendre en considération les nombreuses évolutions de la société française. Ces évolutions sont aussi profondes que celles que nous connaissons par exemple dans le domaine des nouvelles technologies de l’information.

Il ne faut pas s’y tromper : celles et ceux qui manifestent aujourd’hui contre le mariage pour tous, comme ils manifestaient hier contre le pacte civil de solidarité, le font au nom d’une vision anthropologique, religieuse et juridique étriquée. Cette vision réductrice ne tient absolument pas compte de la société française telle qu’elle est. Derrière le rose des tenues excentriques de Frigide Barjot, derrière son apparente bonhommie et l’humour potache de ses slogans, se cache en réalité la coalition des forces les plus réactionnaires de notre pays.

Gabale, Mende (Lozère) le 13 janvier 2013


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