A l’occasion du Grand Journal du 7 janvier dernier, Alain Delon et Karim Benzema étaient assis à la même table. Depuis, ce dernier fête ses buts au bazooka. Coïncidence ?
« C’est formidable d’avoir à 20 ans cette intelligence professionnelle. Sans que cela soit péjoratif, et tu vas très bien le comprendre, tu ne seras jamais Zinedine Zidane, parce que tu seras Karim Benzema. Il n’y a pas de nouveau Zidane, pas plus qu’il n’y a de nouveau Belmondo ».
Il a parlé. L’hommage est signé Alain Delon lui-même. C’est d’ailleurs une surprise qu’il ne se soit pas cité, au lieu de Belmondo. Enfin bon, le problème n’est pas là.
Le problème n’est pas non plus dans le fait que la comparaison avec Zidane soit vide de sens. Ok, Benzema est d’origine algérienne comme capitaine Zizou et les deux sont d’un tempérament plutôt réservé, mais bon, Zinedine est meneur de jeu, Karim attaquant, faut pas déconner.
Ainsi le modèle du Gone (Baby Gone) est Ronaldo, comme il l’a confié récemment à la boite à questions de Canal Plus. Non, le problème est ailleurs. Depuis ce jour, le 7 janvier donc, alors que la question ne s’était pas posée auparavant, elle est maintenant de plus en plus fréquente : Karim Benzema a-t-il chopé le melon ? Est-il le nouveau Thierry Henry ? La France va-t-elle oser la paire à l’Euro ?
En effet, Karim, avait jusque-là le profil parfait du jeune sportif, idéal, humble, talentueux qui en veut mais qui ne l’ouvre pas trop. La preuve, il crèche encore chez Papa Maman.
Depuis, Karim a confirmé tout le bien que l’on pensait de lui. Et bien plus encore. Et même un peu trop. Il a littéralement explosé, et, semble-t-il, ses chevilles avec.
Depuis, il fête façon guerre du Golfe des buts sans importance ou ceux qui creusent l’écart, il commence à se la raconter, à trop en faire, à ne pas taper dans la main de son copain remplaçant, à donner l’impression de jouer pour dribbler toute l’équipe adverse, à vouloir s’improviser sauveur passée la 70ème, à répondre du tac au tac quand on lui demande dans le style de quel grand attaquant serait l’un de ses buts : « Ce but, t’as vu, c’est du Ben-ze-ma ! ».
Bref, petit Karim a changé, et c’est évidemment la faute à Alain Delon. En l’adoubant sur le plateau de Denisot, il lui a surtout filé le virus. Rendons à César ce qui appartient à César. Même si Pierre Ménès avait aussi allumé le feu quand MercoBenz n’avait pas caché ses réticences quant à son placement sur l’aile gauche : « Karim n’a pas apprécié de jouer sur le côté gauche…Non mais on rêve là ! Il a à peine 20 ans et il commence à avoir des exigences ! C’est vrai qu’il est nettement moins influent à gauche, mais d’un autre côté Fred en est à 3 buts en deux matchs ».
Sauf que Karim est juste le meilleur buteur de Ligue 1. Meilleur buteur dès sa première vraie saison d’ailleurs. Et avec le style qui va bien s’il vous plaît. Tous ses buts, c’est du lourd, le chirurgien a les deux pieds, ça va vite, ça enchaîne. Et même quand il ne marque pas, comme lors du match retour contre Manchester, Benzema se montre dangereux à chaque prise de balle, toujours effectuée dans le sens de la marche.
Il peut effectivement devenir le meilleur neuf du monde, comme il l’a d’ailleurs lui-même affirmé. Alors, quand on a un tel potentiel, est-ce un crime de le clamer haut et fort ? Y’aurait-il une manière appropriée de le dire ? Bref, arrogance ou assurance ?
Son ancien entraîneur, Gérard Houillier, a la réponse : « Ce mélange d’humilité et de grande assurance me rappelle Michael Owen et Steven Gerrard ». Grande assurance donc. Benzéma est ainsi, timide certes, mais surtout incroyablement sûr de lui et de son talent, ambitieux comme pas deux.
Fraîchement espoir, il se disait déjà prêt à jouer en A si on l’appelait. Et il faut se rappeler qu’au moment de sa première sélection, Christophe Dugarry dénonçait alors ce choix de Domenech, jugé irresponsable de griller ainsi un jeune talent. « Dugarry a le droit de parler…Mais si on est là, c’est que le sélectionneur nous fait confiance ! Moi, depuis tout petit, j’ai confiance en moi ».
Ceci explique cela. La confiance en soi. Une fois encore, il semblerait qu’on ne fasse pas du haut niveau avec des gens moyens. Qu’on le veuille ou non, pour devenir le meilleur du monde, il faudrait d’abord en être convaincu. Ou plutôt – mieux d’une certaine manière - être simplement conscient de son réel potentiel.
Ainsi, Karim n’est pas davantage menacé par l’excès de prétention que freiné par la fausse modestie, il est tout simplement conscient de son potentiel. Son jeu est au top du hip-hop, a donc évolué sa gamberge en même temps que son statut. Car tous les regards sont désormais braqués sur lui. « All eyez on me » comme le chantait 2Pac, titre qui figure d’ailleurs au second rang du top 3 rap de Benzema, comme on a pu le lire dans le dossier “Foot et Rap” de L’Equipe Mag : « J’apprécie ce titre depuis longtemps et aujourd’hui je comprends mieux le sens des paroles. Je sais ce que c’est que de se retrouver au centre de l’attention ». Un peu comme Alain Delon.
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