Le Grand-Paris Circus* a ouvert cette semaine et pour ceux qui en douteraient encore, un sujet lui était consacré aujourd’hui dans Dimanche +, l’émission politique de Laurence Ferrari sur Canal +. Pour l’instant, on peut craindre que ce Grand-Paris Circus n’aide pas beaucoup à la compréhension du débat par le plus grand nombre qui risque d’en tirer une nouvelle fois une impression de politique politicienne, réservée, élitiste comme ce pathétique déjeuner à huis-clos de Roger Karoutchi. Ce dernier a beau dire que la question du Grand-Paris «transcende le clivage droite-gauche», il n’en avait pas pour autant profité par exemple pour inviter Fadela Amara la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville (au fait quelqu’un a de ses nouvelles ?) qui n’est ni UMP, ni NC, ni même Modem, et plus pas vraiment PS. D’accord, ça n’aurait certainement pas changé grand-chose, mais en terme de message, ça n’aurait pas été du luxe, d’avoir madame Plan Banlieue quand on parle du Grand-Paris avec un quart du gouvernement, Rachida Dati comprise, dont on ne saura pas si c’était en tant que ministre de la Justice ou élue du 7ème arrondissement de Paris.
L’émission de Canal + a été l’occasion de voir fugitivement Christian Blanc s’exprimer sur son secrétariat d’Etat et sur le Grand-Paris, pour l’entendre dire que non, ce n’était pas sensible, mais que c’était complexe. On voit qu’il avance… Il explique ensuite qu’il doit rencontrer les acteurs, Jean-Paul Huchon d’abord, etc. Il est étonnant de n’avoir à ce point là aucun avis sur la question, surtout en tant qu’ancien président de la RATP. Il pourrait faire quelques constats, sur les transports par exemple, mais non. Pour l’instant il consulte, y compris lors de déjeuners comme celui de Roger Karoutchi, dont on peut se demander quel était le thème dominant entre le développement de la Région-Capitale ou le développement des candidatures à la Région-Capitale ?
Après que les appétits régionaux se soient bien aiguisés autour de la table de Roger Karoutchi, ce fut au tour de Jean-Paul Planchou, président du groupe PS au Conseil Régional de présenter son rapport « scenarii pour la métropole de demain », élaboré par une commission gauche-droite du Conseil Régional. » Petit bide médiatique, mais un rapport intéressant, d’abord parce qu’il présente clairement dans son préambule « trois grandes options » pour la métropole, à savoir « la fusion du cœur : un processus conduisant à terme à une métropole en 5 départements », c’est plus ou moins l’option Philippe Dallier avec fusion de Paris et de la petite ceinture, seconde option « l’agglomération parisienne unifiée par les grands réseaux techniques », quelque chose entre territoires de projets et extension du pouvoir des grands syndicats techniques de l’agglomération allant vers leur unification, et enfin « le polycentrisme intercommunal francilien », avec le développement d’intercommunalités fortes. Puis viennent 10 propositions, qui s’appuient sensiblement sur cette troisième option. Parmi les 10 propositions, la 2ème une « Conférence Métropolitaine, structure de pilotage pour l’aménagement et la coopération locale » paraît un appel du pied au maire de Paris, Bertrand Delanoë, tout en proposant une « formalisation de cette Conférence » avec trois options, association loi 1901, Syndicat mixte d’étude et de programmation (SMEP) ou une mobilisation des agences d’urbanisme de la ville (APUR) et de la région (IAURIF). Rendez-vous au 17 avril jour où le rapport doit être discuté.
Et puis dans le Grand-Paris Circus, il ne faut pas oublier le sénateur Philippe Dallier qui convie journalistes et blogueurs à une conférence de presse mercredi 9 avril, jour de la remise de son rapport sur le Grand-Paris, mais sans doute adepte du proverbe « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », enchaîne les interviews, comme dans les Echos le 3 avril, et même une exclusivité dans le JDD de ce dimanche. A se demander si cela vaut vraiment la peine de se rendre à son invitation ;-)
Bref, tout le monde s’excite sur le Grand-Paris. Tout le monde ? Il y en a un qui reste d’un silence assourdissant au milieu de cette agitation, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, silence à peine entrecoupé par quelques déclarations pas trop violentes ni très engageantes de Pierre Mansat son adjoint à Paris-Métropole. Que le maire de Paris n’ait pas envie de mêler sa voix au brouhaha du Grand-Paris Circus, soit. Mais tout de même. Mais à force de laisser les autres occuper le terrain, on risque de le perdre, et de laisser la politique politicienne prendre le pas. Un exemple ce soir au Grand-Jury RTL, question sur le Grand-Paris et la nomination de Christian Blanc à Dominique Voynet, nouvelle maire de Montreuil. Le journaliste explique que pour comprendre le dossier du Grand-Paris, il ne faut pas oublier qu’il y a d’un proche de Sarkozy, Roger Karoutchi qui brigue la région, et de l’autre un maire de Paris, un Bertrand Delanoë dont les ambitions sont nationales. Où est le Grand-Paris dans ce débat là ? Ne peut-on pas faire sortir développement de la Région-Capitale et Grand-Paris d’une vision politicienne binaire au ras des pâquerettes ? Il faut aussi des acteurs politiques courageux qui soient prêt à aller au-delà de ce Grand-Paris Circus, qui soient prêts à affronter le débat avec les citoyens, prêts à leur en expliquer les enjeux. Il semblerait que ce soit le cas de Philippe Dallier, mais il ne faut pas le laisser aller seul au charbon.
Et il ne suffit pas de répéter qu’on a été le premier à ouvrir Paris vers la banlieue et à essayer de les réconcilier, à développer des projets en commun, et à créer un lieu de débat entre toutes les bonnes volontés concernées par le défi commun que représente la Ville aujourd’hui d’un côté ou de l’autre du périphérique. Il faut aussi continuer à agir, et ne pas laisser accréditer le fait que les éventuelles ambitions nationales de Bertrand Delanoë pourraient se développer aux dépens de sa vision sur le dévenir de l’agglomération parisienne, Paris-Métropole, Grand-Paris ou Paris tout court. Lors de la dernière Conférence Métropolitaine à Vincennes, le maire de Paris et les élus présents avaient annoncé la tenue d’Assises de l’agglomération parisienne, on parlait de la participation des forces économiques, des associations. Il ne serait peut-être pas mauvais de rappeler ces projets, et surtout de leur donner corps. Il est temps de passer à l’acte. Sinon, le Grand-Paris risque vraiment de tourner au cirque politique et même aux combats de l’arène et ne vaudra vraiment gure plus qu’un plan de table…
Jean-Paul Chapon
Grand-Paris Circus, expression bien vue et empruntée au blogue Vanves 92170