L’ex Fiat Aviazione va devenir américaine.
Décidément, l’Italie aérospatiale ne nous aura rien épargné. Voici en effet Avio qui se fait racheter par General Electric, alors que sa place se trouvait en toute logique chez Safran. Mais l’attirance de la Péninsule pour les Etats-Unis est tout simplement irrésistible, et cela depuis des décennies : participation aux grands programmes civils de Boeing, et non pas ŕ Airbus, partenariat avec Lockheed Martin autour du F-35 Joint Strike Fighter, etc. Seul le spatial sauve l’honneur, grâce, notamment au petit lanceur Vega, soutenu par l’ESA et qui a rejoint la gamme Arianespace.
L’histoire d’Avio est longue, belle et conduit ŕ évoquer des pages d’histoire trop souvent oubliées. Ainsi, plus personne ne sait que le groupe turinois Fiat s’est intéressé ŕ la motorisation aéronautique dčs 1908. L’expérience acquise dans la course automobile l’avait incité ŕ cette diversification, menée avec un grand savoir-faire. Par la suite, Fiat est aussi devenu avionneur et l’est resté longtemps, notamment grâce au talent de Giuseppe Gabrielli qui, du G2 au G222 (prédécesseur du C-27J) a donné ŕ l’entreprise ses lettres de noblesse. Fiat Aviazione a été un nom trčs respecté, s’est ensuite fondu dans Aeritalia, a poussé sur la voie de la propulsion, a été rebaptisé Fiat Avio puis Avio, tout simplement, partenaire incontournable mais qui, curieusement, n’a plus sa place dans Finmeccanica. D’oů la décision de vendre.
On attendait Safran, dans le cadre d’un regroupement européen, mais c’est GE qui l’a emporté, en mettant sur la table un chčque de 4,3 milliards de dollars pour racheter la société forte de 5.100 personnes, d’un chiffre d’affaires annuel de plus de 2 milliards d’euros, et d’une enviable rentabilité. Avio est presque partout, ŕ commencer par les CFM56 et autres Leap franco-américains de CFM International. Ceci contribue sans doute ŕ expliquer cela. Mais Avio joue aussi un rôle essentiel, notamment, dans le gros turbopropulseur TP 400 qui propulse l’A400M. Un rôle d’autant plus remarquable qu’Avio est resté dans l’A400M malgré le retrait de l’Italie du programme, quand cette derničre, une fois de plus, a préféré les Etats-Unis ŕ l’Europe.
Cet appel du grand large n’est d’ailleurs pas mono sujet. Avio travaille beaucoup avec Pratt & Whitney, grand rival de GE, ce qui explique, entre autres, son tôle de premier plan dans le PW1000/1500G, destiné en un premier temps au Bombardier C.Series, ensuite ŕ d’autres programmes civils dits de nouvelle génération, A320 NEO, 737 MAX, C919.
Le mariage GE/Avio rappelle, si besoin est, que les plus grands industriels du secteur aérospatial croient ŕ la nécessité de se regrouper davantage, compte tenu de la raréfaction des programmes nouveaux. Mais, de part sa spécificité, et compte tenu de l’absence d’ambition de retrouver un rôle de maître d’œuvre, Avio aurait pu opter pour la prolongation d’une précieuse indépendance. Il n’en sera rien, pour autant que les autorités entérinent cette nouvelle phase de Ťconsolidationť, encore que l’origine de ce rapprochement résulte davantage des difficultés de Finmeccanica que d’un choix stratégique műrement réfléchi.
Sans ętre préoccupant, le choix italien n’en justifie pas moins des regrets. Et on n’ose pas imaginer ce qu’en aurait dit Giuseppe Gabrielli, francophile, francophone, dont la vision de l’Europe était tout autre que celle qui prévaut ŕ Cincinnati. Reste le fait que les synergies, les économies d’échelle, ignorent superbement les frontičres. Dont acte.
Pierre Sparaco - AeroMorning