Certaines femmes de l'une des régions les plus pauvres d'Afrique du Sud consommeraient abusivement des boisons alcooliques de mauvaises qualités pour délibérément nuire à la santé de leurs futurs bébés en vue de toucher des prestations d'invalidité.
Par Stéphane Montabert.
L'histoire nous vient d'Afrique du Sud par le biais du quotidien 20 minutes : selon un reportage de la chaîne de télévision Sky News, des Sud-Africaines boiraient des substances toxiques pour augmenter leurs chances de mettre au monde un enfant handicapé... et toucher ainsi davantage d'allocations.
L’Afrique du Sud détient un triste record: celui du syndrome d’alcoolisation fœtale, qui entraîne de graves handicaps chez l’enfant (...) Un reportage de la chaîne britannique SkyNews dans la province du Cap-Oriental met en lumière les ravages de l’un des breuvages, le «kah-kah». Ses ingrédients: du lait, de la levure et... de l’acide sulfurique.
Des femmes en état de grossesse avancée en sont dépendantes. «Si je n’en bois pas, je suis malade», affirme Mary. Elle a déjà quatre enfants et vit dans une cabane avec huit autres membres de sa famille, tous au chômage.
Certains craignent que cette forme d’alcoolisme ne soit entretenue par le système social. Des mères boiraient délibérément afin de donner naissance à un bébé atteint d’un retard ou d’un handicap. À la clé, une allocation mensuelle de 1200 rands (128 francs suisses), près de cinq fois plus que celle versée pour un enfant valide. Mary admet que ces aides permettraient de «payer l’école» à ses autres enfants.
Payer l'école à ses autres enfants... Ou se livrer à son vice avec encore moins de retenue : l'allocation mensuelle couvrirait le prix d'environ 600 bouteilles de kah-kah.
Les allocations entraînent-elles des femmes dans l'alcoolisme et la mise au monde d'enfants handicapés ? L'idée a de quoi choquer, tant elle va à l'encontre des raisons pour lesquelles elles sont mises en place.
Les "shebeens", brasseries clandestines où sont distillés les substances alcooliques les plus infectes, sont probablement antérieurs aux programmes sociaux visant à soulager les familles d'enfants malformés. Il n'empêche : comme le témoignage de Mary le révèle, de tels mécanismes de redistribution sont de puissants incitatifs à ne pas remettre en question une conduite à risque.
Pour l'auteur du reportage Alex Crawford, le lien de cause à effet ne fait aucun doute : les femmes boivent précisément dans le but d'accoucher d'un enfant malade.
Le syndrome d'alcoolisation fœtale, lié à la consommation de la mère, provoque des malformations ou des retards mentaux irréversibles :
Les enfants souffrant du syndrome de l’alcoolisation fœtale ont un système immunitaire beaucoup plus faible que la normale, ils seront donc souvent atteints par des maladies infectieuses diverses. Des retards du développement physique et des dysfonctionnements du système nerveux central sont souvent observés. L'enfant pâtira d'un retard mental plus sérieux, d'un comportement instable et d'un quotient intellectuel plus bas. Les enfants atteints du syndrome d'alcoolisation fœtale éprouvent beaucoup de difficulté à être autonomes. La plupart d'entre eux sont incapables de se nourrir seuls et d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes au même rythme que les autres enfants. Il leur est beaucoup plus difficile de se faire des amis et de s'intégrer à des groupes. En grandissant, ces personnes conserveront toujours certains problèmes d’autonomie.
Le taux de naissances de ce type monte à 7 ou 8% dans certaines provinces d'Afrique du Sud selon l'OMS, contre 1% ou moins dans les pays occidentaux. Ce n'est pas qu'une question de richesse ou de pauvreté. L'Afrique du Sud est clairement au-dessus de la moyenne mondiale – en fait, le pays détient depuis 2002 le triste record du nombre de cas d'alcoolisations fœtales.
La police fait régulièrement des descentes pour fermer les brasseries clandestines et disperser l'alcool qu'elle y trouve. L'association des producteurs officiels, l'Eastern Cape Liquor Board envisage une campagne d'information sur les dangers d'une forte alcoolisation pour les femmes enceintes.
Apparemment, personne ne semble remettre en cause le mécanisme des allocations et ses effets pervers.
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