Bien nés, bonnes études dans des bonnes écoles et bons réseaux. Voilà le secret de la réussite de la grande majorité des « grands patrons » français dont on ne cesse de vanter le talent et qui ne s’avèrent être finalement que les produits d’un parcours de vie insouciant et doré. « Corporatisme et pantouflage », telle estle credo de ces Zorro en pantoufles. Il n’y a qu’à voir le réseau de copinage qui règne à l’intérieur des entreprises du Cac40 et des promotions des Grandes écoles qui se retrouvent pour travailler ensemble à la suite des alternances politiques.
Des self-sade made? Certainement pas et il est regrettable en effet que la France ne permette pas suffisamment à de réels talents de véritablement entreprendre et de se lancer dans la formidable aventure de création, à condition que cela soit pour le bien de tous, y compris de ceux qui les suivront.
C’est ce qui ressort à la lecture de cet intéressant article du président d’Invest Banlieues, Hervé Azoulay, paru dans La Tribune de Genève.
« Notre société va très mal, « l’élite de l’élite » qui détient en grande partie le pouvoir suprême en France, nous dicte sa loi et sa vision à tous niveaux: économique, administratif, politique, financier… et verrouille le système par ses réseaux d’influence qui étouffent dans l’œuf tous les germes du changement! Notre système élitiste a fabriqué et raffiné de décennie en décennie des générations entières d’autistes. Ces grandes écoles qui les forment et distillent en sélectionnant tous les ans les plus brillants cerveaux cartésiens de France, dégagent en raffinant ces produits, l’élite de l’élite, le zéro défaut du zéro défaut : les grands Corps administratifs et techniques de l’Etat. Loin d’être le temple du génie achevé, certains seraient débarrassés de toutes leurs impuretés et d’autres resteraient sous l’aspect brut ! L’épreuve d’initiation subie, on appartient à jamais à un monde clos, et on n’affrontera jamais la remise en cause de son statut. C’est le corporatisme dévastateur !
Forbes Insights et Société Générale Private Banking ont passé au crible les 1200 plus grandes fortunes dans le monde. Dans cette étude les français sont les plus âgés et les moins méritants pour un pays industrialisé comme le nôtre. Plus des deux tiers doivent leur fortune à l’héritage, alors que 80% des britanniques et 68% des américains sont des self-made-men ! Cela nous montre bien à quel point nous avons consommé nos richesses passées et que nous n’en créons pas de nouvelles. On le constate aisément : dès qu’une grande réforme pouvant nuire à leurs privilèges est proposée, elle est immédiatement étouffée par de puissants lobbies ou par d’obscures querelles intestines mêlées à des rivalités de carrière. Le cybermonde court-circuite les modèles traditionnels, connecte les cultures et les économies, alors que, pendant ce temps, les hiérarchies formelles de nos élites, qui sont rarement de réelles hiérarchies de compétences, verrouillent jalousement le système. Cette caste privilégie ses relations incestueuses au détriment de la logique économique. Leurs membres ont tous été élevés dans le culte de la pyramide, bercés par leurs diplômes, ce sont des technocrates qui utilisent leurs armes suprêmes : la norme, le règlement, l’ordre, la hiérarchie, le calibrage, le corporatisme et plutôt que de s’adapter à l’environnement et avoir du bon sens, ils le normalisent pour obtenir un réductionnisme de la réalité. L’échec est souvent au rendez-vous puisqu’ils sortent tous du même moule avec des caractéristiques immuables dans le temps. Ils se ressemblent comme une oeuvre d’art aux traits identiques ; lorsqu’il s’agit d’exprimer en langage ordinaire des idées simples, ils argumentent un discours par des citations, ou bien parlent pour ne rien dire. Leurs brillants discours cachent souvent bien des carences lorsqu’ils s’expriment en langage incompréhensible par le monde extérieur.
Dans ces écoles, tout ce qui est flou est rejeté, tout ce qui ne peut pas donner lieu à un classement est considéré comme inutile. La compétition est aussi intense pour y entrer mais aussi pour en sortir au meilleur rang possible. On n’apprend pas dans ces écoles à être des meneurs d’hommes, à gérer les conflits, à prendre des décisions, à guider et à animer une équipe, à déléguer et à partager. C’est toujours la sélection sur la seule capacité intellectuelle qui exclut le potentiel humain et l’imagination qui font en général la différence. Nous connaissons tous, c’est vrai, un fils d’ouvrier ou d’instituteur PDG sorti d’une prestigieuse école élitiste, mais ce n’est qu’une coulée marginale qui permet d’assurer la survie de l’espèce en lui donnant l’apparence d’équité. Mais ce n’est qu’une apparence car le concours pour accéder à ces écoles est jonché d’inégalités. Ce système unique au monde et qu’aucun pays performant ne nous envie est responsable d’un raisonnement dépassé qui, par ailleurs, paralyse le changement en France. Très prestigieux dans notre pays, ce modèle qui distille les grands corps, a du mal à s’exporter et les étrangers envoient plutôt leurs ethnologues ou leurs historiens pour faire leur thèse sur cette élite, comme si notre système était une curiosité et non pas un modèle. Encore une exception française !
Corporatisme et « pantouflage »
Le corporatisme génère deux phénomènes bien connus : la solidarité du corps et la technique du parachutage. L’appartenance au même clan et tout ce qui confère à l’ancienneté des traditions, la solidarité des anciens élèves, le réseau pour conquérir les places, contribuent à repousser les problèmes de société et le changement par l’existence et la cooptation au sein d’un même clan. L’élite descend de l’élite et seuls les enfants de mandarins connaissent les codes secrets pour franchir les barrières du pouvoir. C’est notre système élitiste qui, avec le temps, a dévié de ses objectifs. On naît donc membre de cette élite plus qu’on ne le devient. L’aristocratie du mérite cache mal la noblesse héréditaire et pour cette élite il y a de bonnes places à prendre et chacun fait valoir son titre. Au premier rang les grands corps, autrement dit les ducs, les marquis, les comtes et les simples barons. Les heureux élus seront choisis dans leurs rangs. Tous tremblent de peur de déplaire et de tenir à l’extérieur des propos imprudents car l’élection dépend de la faveur du prince. Toujours cette logique de sélection qui pousse au corporatisme et qui élève des barrières intangibles entre les corps. L’individu n’est rien sans son corps : sa promotion, son prestige, ses marques de statuts, son pouvoir, ses réseaux.
Quant au « pantouflage », il consiste à geler le poste pendant l’indisponibilité de l’un d’entre eux qui préfère momentanément faire de la politique ou administrer une grande entreprise. Même en cas d’échec dans ses nouvelles fonctions, celui-ci est sûr de retrouver son confortable poste avec son titre et ses attributions. On peut aisément imaginer le choc psychologique ressenti par le personnel d’une entreprise lorsqu’un dirigeant parachuté à son poste annonce qu’il va procéder à des licenciements alors que lui-même bénéficie de la sécurité de l’emploi. Tous ces artifices ne suscitent pas une élite au courage à toute épreuve. Dans ce beau monde consanguin, de nombreux dirigeants issus de cette élite siègent dans plusieurs conseils d’administration, se répartissent les postes pour que personne ne soit lésé, fréquentent les mêmes endroits huppés, échangent des informations, postulent aux mêmes distinctions, font courir des bruits dans des lieux où l’argent mesure les degrés de la réussite. Chacun se rend des petits services, se renvoie l’ascenseur et cela devient très vite une pratique courante.
Notre système élitiste devient non seulement dépassé, mais en plus extrêmement dangereux. Une source unique de pouvoir est porteuse de danger et il semble évident que les talents venus d’horizons professionnels et culturels différents répondent mieux à la complexité du monde d’aujourd’hui. Il faut toutefois le reconnaître, parmi cette élite, une très faible proportion a su sortir de son moule, rejeter certaines méthodes et émerger parmi les personnalités les plus brillantes.
Malheureusement, nos grands corps et les écoles qui les distillent, comme toutes les organisations hermétiques et cloisonnées, défendent avec acharnement leurs prérogatives et leurs statuts. Elles sont tellement bien enracinées dans les mécanismes de décision en France qu’il paraît difficile d’envisager une profonde transformation. Comment demander de scier la branche sur laquelle ils sont assis sans contrepartie ? Sans faire preuve de défaitisme, qui osera, parmi les politiques de droite ou de gauche, où cette caste est très puissante et nous a donné plusieurs Présidents de la République, affronter ce dinosaure inadapté au monde du troisième millénaire ? »
Source: La Tribune de Genève
posté le 06 octobre à 10:00
FRANCE REVEILLE TOI! Tes élites te conduisent à l'asphyxie http://www.amazon.fr/dp/2950924115/ref=tsm1fb_lk
Notre élite issue de l’ENA et des Grands Corps de l’Etat (de droite comme de gauche), verrouille depuis plusieurs décennies, tous les postes de décision de notre société : économique, administratif, politique, financier. Comment desserrer la pression de cette « pieuvre » qui asphyxie l’innovation et le changement en France ? Je critique le système élitiste français, son obstacle à l’innovation, son manque de courage, sa destruction d’emplois, puis je développe un modèle universitaire en réseaux pour intégrer l’ENA et je propose des pistes pour le changement avec quelques réformes indispensables à mettre en place pour permettre de changer les règles qui ont constitué les alliances dominantes.
Les réformes proposées
Desserrer la pression de cette élite dirigeante • Il faut donc mettre fin à l'éligibilité des fonctionnaires et s’ils souhaitent se faire élire ils doivent démissionner de leurs fonctions. Cette disposition s'applique d'ailleurs déjà dans pratiquement toutes les démocraties occidentales. Ils sont sur représentés dans les fonctions électives avec par exemple plus de 60 % des présidents de régions, ainsi que plus de 70 % dans les cabinets ministériels. La France pourrait s’inspirer de ce qui est fait ailleurs en coupant le lien qui existe entre la haute fonction publique et la politique et entre la haute fonction publique et les cabinets ministériels. Pour cela, il suffirait tout simplement de demander aux fonctionnaires de choisir entre leurs engagements professionnels et leurs engagements politiques. • Il faut intégrer l’ENA et Polytechnique dans le cadre d’une grande réforme en réseaux de l’Université et supprimer les Grands Corps de l’Etat
Réformer les structures de l’innovation
• Supprimer OSEO, boussole qui marque le sud et éviter ainsi que les Pouvoirs Publics ne s’immiscent dans le choix des innovations. Il faut s’inspirer du Small Business Investment Act qui a fait ses preuves aux USA pour favoriser l’action des Business Angels. En effet la France est passée à coté des deux plus grandes innovations de rupture du siècle précédent : le micro-ordinateur et Internet. Les deux inventeurs de ces nouvelles technologies étaient pourtant français ! Notre élite issue des Grands Corps de l’Etat a sabordé ces deux grandes innovations afin d’éviter une concurrence avec les projets qu’elle développait alors, dont le fameux Minitel ! On sait ce qu’il est devenu aujourd’hui. Cette élite aura réussi à faire expatrier les plus belles innovations de rupture vers les Etats-Unis ! Aurions nous autant de chômage si ces projets avaient été développés en France avec toutes les grappes d’innovations qui en ont découlé ?
Réformer la fonction publique
• Pourquoi ne pas comparer ce qui se fait en termes de services publics dans l’Union Européenne ? Nous constatons que la France dépense 27,7% de sa richesse nationale à produire ses services publics alors que nos voisins n’en dépensent que 24,9% et cela sans aucune différence en termes de qualité du service public et des prestations. La différence entre ces deux chiffres c’est 60 milliards d’euros, qui pourraient donc être économisés chaque année ! Mais pour cela il faut avoir le courage de faire de véritables réformes structurelles !
• Supprimer les mises à disposition de personnel et de locaux de l’administration aux syndicats publics. Tous ces syndicats ont de moins en moins d’adhérents et de plus en plus de financements publics directs ou indirects et en plus ils freinent la réforme de l’État.
L’auteur Hervé AZOULAY a été dirigeant dans de grands groupes internationaux, co-fondateur de plusieurs entreprises innovantes, Business Angel, fondateur d’un des premiers réseaux de Business Angels en France, Président d’un fonds d’investissement, administrateur d’entreprises, Président de sociétés et d’associations pour le développement de l’emploi, intervenant dans de grandes écoles et à l’université en France et à l’étranger, auteur de nombreux ouvrages et de tribunes dans la Presse.