Leonardo Padura revisite la vie de Trotski

Par Pmalgachie @pmalgachie

Au milieu de ses remerciements, Leonardo Padura évoque « l’étouffante présence de l’Histoire » dans son roman. Au terme d’une lecture parfois ardue, on doit lui donner raison. Certes, on ne voit pas pourquoi il aurait donné à Trostki une autre vie que celle de sa biographie. Mais, en même temps, on se demande s’il était nécessaire d’en détailler tous les épisodes, depuis le début de sa disgrâce jusqu’à sa mort. Un traitement plus rapide nous aurait, bien sûr, empêché de reprendre la mesure du personnage. Mais aurait allégé le livre.Heureusement, le point de vue du romancier nous place à proximité de l’homme et fournit une perspective imprenable sur, par exemple, la frénésie sexuelle qui s’empare de lui en compagnie de Frida Kahlo. Ainsi que de belles envolées comme Trostki peut en avoir lors de ses discussions avec André Breton : « l’art en URSS était devenu une pantomime dans laquelle des fonctionnaires armés d’une plume ou d’un pinceau, surveillés par d’autres fonctionnaires armés de pistolets, n’avaient d’autre possibilité que d’encenser les grands chefs géniaux. »Heureusement aussi, l’autre protagoniste du duel annoncé le 20 août 1940, jour de l’assassinat de Trotski, offre davantage de zones d’ombre, et donc de possibilités de reconstruction à l’écrivain. Depuis la guerre d’Espagne jusqu’à cette mission qui aboutira après trois ans de lente et parfois épuisante préparation, Ramón Mercader endosse des responsabilités grâce à sa foi dans le communisme stalinien. Ou à cause de cette foi, puisqu’il apprendra, plus tard, combien la vérité qui lui était assénée était polluée de mensonges…Le meilleur, cependant, consiste en la rencontre quasi miraculeuse, sur une plage cubaine, entre Iván, espoir déçu – surtout à ses propres yeux – de la littérature locale, et L’homme qui aimaitles chiens, mystérieux étranger accompagné de deux barzoïs. Iván, qui a cru lui aussi au communisme, façon Fidel Castro, est confronté à des confidences qui lui font peur. Car il pressent très vite avoir été choisi comme réceptacle d’un passé brûlant. Pourquoi lui ? Il ne le saura jamais. Mais, à la fin, le livre est là, brûlant au présent. Avec sa part de pesanteur historique.