« Je prévois que l’homme se résignera à des entreprises de plus en plus atroces ; bientôt il n’y aura que des guerriers et des bandits ; je leur donne ce conseil : celui qui se lance dans une entreprise atroce doit s’imaginer qu’il l’a déjà réalisée, il doit s’imposer un avenir irrévocable comme le passé. »
Jorge Luis Borges, Le jardin aux sentiers qui bifurquent, in Fictions.
Je ne saurais dire pourquoi cette phrase m’a marqué, il y a de cela quelques
années, la première fois que je l’ai lue ; mais souvent quand je repense au
maître argentin, elle me revient, procession funèbre des monstres à venir et de
leur cortège d’horreurs.
Je n'aime pas plus l'espoir que le désespoir : promesses faciles d'un réconfort sans cesse reconduit par le sort contre arpège de pleurs montant en fréquence sous le cri de consentantes flagellations... Cependant, selon le balancement des extrêmes qui équilibre l'assiette du monde, il est à prévoir que la cruauté connaîtra dans la compassion, et plus encore dans la beauté (de l'art, de vous, de moi), un concurrent à sa démesure, et qu'anges et démons - si Dan Brown veut bien me prêter pour ce soir son titre best-seller - danseront de concert jusqu'à épuisement, pour enfin nous laisser dormir.