Black Blood : Ma petite entreprise

Publié le 13 janvier 2013 par Diana
Après Xiaolin Xiaoli, Miaoyan Zhang livrait comme deuxième long-métrage Black Blood (2010). Le cinéaste chinois y dénonçait la condition paysanne et le scandale du sang contaminé. A travers Xiaolin, le personnage interprété par Danhui Mao, narre, dans une campagne reculée, le récit d’un paysan pauvre qui pour subvenir aux besoins de sa famille (une femme et une fille) vend son sang à un démarcheur. Xiaolin boit de l’eau à s’en crever la panse pour fournir toujours plus de sang, sous les plaintes d’une femme qui s’alliera par la suite à cette cause désenchantée. Alors qu’ils parviennent à gagner assez d’argent pour acheter un mouton, Xiaolin décide de se lancer dans le commerce des transfusions sanguines. Aidé de sa femme, Xiaolin prospère tranquillement grâce à cette petite entreprise familiale et possède bientôt un important troupeau de mouton… Au milieu d’un paysage désolé, de cette campagne perdue où rien ne semble exister, des âmes errantes tentent de survivre par les moyens qui sont à leurs dispositions. Cette survie, Black Blood nous la montre par une âpreté glaçante. Elle se résume à l’unique chose que tout individu a : son corps et en particulier son sang. Cette « marchandise » est la seule valeur marchande que possèdent ces habitants isolés, loin des informations propagandistes du Parti crachées par les enceintes de la radio de Xiaolin. Ce dernier se perd dans une course effrénée, s’enivrant toujours plus d’eau, synonyme de plus de sang et par extension de plus d’argent. Une course désespérée pour l’argent qui leur permettra, ainsi que sa famille de se sortir d’une misère omniprésente. La caméra de Miaoyan Zhang se fixe alors. Le récit est empreint d’un cynisme effrayant, et l’on découvre amèrement le cycle de la vie qui fait évoluer ses personnages pour mieux les écraser par la suite. La réussite de Xiaolin n’est qu’un leurre qu’une fatalité frappe sans discernement. Sa petite entreprise lui permet de troquer vélo contre moto, de s’habiller d’un costume/cravate ou bien d’acheter une cuvette de toilette, signe de modernité au milieu de l’étendue aride et reculée. Mais bientôt, s’invitent les conséquences de cette « réussite ensanglantée » : la maladie. Le SIDA contamine à chaque transfusion sanguine et achève tout espoir d’une meilleure vie. En mettant en scène Black Blood, Miaoyan Zhang signe un drame que l’on pourrait presque qualifier de film d’horreur. Ce ressenti est renforcé par les images terrifiantes des conditions de vie de ces chinois qui semblent abandonnés à leur sort. Le corps de Xiaolin, autant qu’il puisse boire de l’eau semble un corps mort, inerte, qui se traine tant bien que mal dans des décors vétustes. Plus tard, ils seront à l’image du commerce florissant de Xiaolin et de cette queue humaine zombifiée qui grandit, dans l’attente, non pas de trouver du sang pour se nourrir, mais bien de livrer son quota de sang contre quelques billets. Le film d’horreur prend ici d’autres codes tout en préservant un univers qui met mal à l’aise, notamment par son atmosphère en suivant des vivants déjà morts. Par exemple, on ne verra jamais une goutte de sang. L’auteur est trop pudique pour nous montrer les transfusions sanguines de la mort comme il utilise des ellipses lourdes de sens et de propos. La photographie en noir et blanc de Miaoyan Zhang renforce cette vision d’horreur où s’invite en tout et pour tout deux plans en couleurs, également sombres dans leur façon de dépeindre la situation ambiante. Les contrastes du noir et blanc sont travaillés comme la composition du cadre, livrant des plans-séquences tirés en longueur. Ces choix appuient l’agonie que vivent les personnages à l’écran que l’on sent condamné. Il y existe alors un certain malaise à suivre ces vies qui s’effritent et que l’on sait par avance destiné à périr.
  On ne sort pas indemne d’un film comme Black Blood. Son aspect est rêche, son propos dur. Mais il dégage une ampleur poétique qui trouve peu de comparaison. Certes le film est miné par des longueurs et une forme qui n’est pas facile d’accès mais l’effort de l’appréhender, c’est entrer de plein pied dans une expérience tragi-comique à part entière.
Ce long-métrage est à découvrir dans le DVD édité par Spectrum Films. Il est accompagné d’une introduction du réalisateur et de la bande annonce.
I.D.