Michael Mann, 2006 (États-Unis)
Michael Mann évite les allées de palmiers reflétées sur les pare-brise de belles caisses lancées à vive allure et se dérobe à la série télé « crime, kitsch et paillettes » diffusée entre 1984 et 1990. Miami vice n’a rien d’une adaptation. C’est un de ses propres films.
Dès le début, tandis que l’intrigue est présentée dans une inextricable confusion, le style du réalisateur saute aux yeux. Les images hautes définitions sont de toute beauté lorsqu’elles font apparaître les ciels contrastés et les horizons urbains, toujours aux frontières du jour et de la nuit. Ces lumières vespérales étaient déjà capturées dans Collateral (2004) et peut-être la photographie de celui-ci éblouissait-elle un peu plus encore… Les plans en extérieur saisissent Miami par fragments : ses tours de verre vues de l’océan, les quartiers pauvres de l’agglomération près du port où les villas formatées des cadres moyens laissent place à des taudis de mobil-homes, sa ceinture autoroutière sur laquelle trace le bolide des flics partenaires… Michael Mann tourne également en République Dominicaine et au Paraguay à Ciudad del Este. Il offre de cette manière un contraste fort entre la métropole nord-américaine aux tons sombres et bleu-néon et les villes latino-américaines aux couleurs bleus, verts et rouges (murs et « fresques » populaires, multiples pancartes publicitaires). Il le fait cependant de façon moins prononcée que Steven Soderbergh dans Traffic en 2001 (l’Ohio bleu et le Mexique jaune sable).
La métropole de Floride est une zone d’échanges privilégiée entre Etats-Unis et Amérique latine. C’est par cette « gateway of the Americas » que le Cubain Tony Montana, entre autres, faisait son entrée aux Etats-Unis, dans le Scarface de Brian De Palma (1984). Une économie souterraine et criminelle (clandestins, fraudes et trafics divers) gonflent les flux de cette interface et le commerce de la drogue intéresse plus particulièrement nos deux inspecteurs, Sonny Crockett (Colin Farrell) et Rico Tubbs (Jamie Foxx). Sans esbroufe, les scènes de tensions et de fusillades sont réalistes et efficaces (la délivrance de la compagne de Tubbs prise en otage). Elles étaient déjà impressionnantes dans Heat (1995). Même les relations entre les personnages nous intéressent. Sur un bateau extrêmement rapide qui effleure à peine la surface de l’eau, Sonny flirte avec une criminelle (la sublime Gong Li) et se retrouve à son tour entre chien et loup, entre Miami et La Havane (Cyril Neyrat dans les Cahiers du Cinéma, n° 615, va plus en détail dans cette analyse de l’effacement des frontières). L’amitié entre Sonny et Tubbs est ancienne, à peine perceptible (ils communiquent peu) et cela vaut mieux que de franches embrassades masculines. Enfin la musique, d’Audioslave à Moby, est incessante, ce qui, lors de certaines ambiances, peut parfois gêner.
Si l’intrigue est faible, elle est compensée par la forme parfaitement maîtrisée et le style de Mann. Dans Miami vice, comme dans le très bon Mission impossible III de J. J. Abrams (2006), le récit importe moins que la manière et, dans l’un et l’autre, les réalisateurs se sont efforcés de montrer des paysages inédits qui participent autant au spectacle que l’action. Pourtant Miami vice reste nettement en deçà de Collateral au scénario simple et efficace, à la plus grande « homogénéité crépusculaire ».