Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Publié le 13 janvier 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

On adhère ou non au style de Quentin Tarantino. Dans mon cas, ça a commencé en 1995 avec Pulp Fiction. Mes parents l’avaient loué, avaient détesté l’intrigue décousue. Dans cet esprit de contradiction qui m’habitait à l’adolescence (et qui m’habite encore un peu aujourd’hui), j’ai entrepris de le voir et de l’aimer, ou du moins de le « saisir ». Si ce film était trop complexe et étrange pour mes parents, il ne le serait pas pour moi.

Et ce fut le début de mon admiration sans bornes pour cet artiste totalement différent qui créait des films « cools » comme je n’en avais jamais vu. Un vrai héros pour ma génération, pour nous qui entrions dans l’âge adulte à la fin des années 90, pour ceux qui comme moi se lançaient dans des études en cinéma. Combien de films amateurs ai-je vus au cours de ma vie étudiante qui imitent le style de Tarantino ? Beaucoup trop, à vrai dire…

Qu’il s’agisse de son travail d’auteur (Natural Born Killers), d’acteur (From Dusk Till Dawn) ou bien sûr de scénariste et réalisateur, j’adore le style Tarantino. Ce style référentiel et violent, bourré de dialogues parfois simplets, parfois remplis de petites vérités qui ne changent pas grand-chose à l’histoire, mais qui la rendent tout de même plus intéressante. Au fil des ans, son style a évolué et le travail accompli depuis Kill Bill avec le directeur photo Robert Richardson (qui fut également D.P. pour Oliver Stone et Martin Scorsese, entre autres) est d’une beauté visuelle exquise.

Lorsque j’ai vu Inglorious Basterds en grande première au festival Fantasia, à l’été 2009, j’ai été séduit – sidéré est le mot juste – par les images de la campagne française, par la richesse des couleurs, la souplesse des mouvements de caméra, le calme de plusieurs plans qui contrastait avec la violence du récit et de l’action. J’ai vu dans ce film la preuve que Tarantino est l’un des maîtres actuels du cinéma, qu’il comprend la force et l’impact de ce médium, et qu’il aime cet art de tout son cœur.

Et bien sûr, dans Inglorious Basterds, nous avons eu droit à une énorme découverte, celle de l’acteur allemand Christoph Waltz, simplement fabuleux dans son rôle d’un officier cruel et imprévisible.

Django

Alors, ce nouveau film, Django Unchained, sorte de western-spaghetti, qui puise son inspiration dans un vieux film italien de 1966 intitulé Django, reprend en quelque sorte la même recette que les Basterds, mais dans un environnement différent.

On est ici aux États-Unis, à la veille de la Guerre civile. Fidèle à son thème fétiche de vengeance, Tarantino nous raconte l’histoire d’un jeune esclave, Django (Jamie Foxx), libéré par un sympathique tueur à gages nommé King Schultz (Waltz) qui a besoin de son aide pour retrouver des criminels et qui, en retour, accompagnera Django dans sa quête pour libérer sa femme (Kerry Washington) des griffes du terrible propriétaire d’une plantation, joué par Leonardo DiCaprio.

En chemin, ils auront de nombreux pépins. Du Texas au Mississippi, Django et King Schultz feront face à des bandits, des esclavagistes, des hommes de loi véreux, ainsi qu’un Ku Klux Klan nouvellement formé et, disons-le, un peu désorganisé – et je vous assure que cette hilarante scène vaut à elle seule le prix d’entrée.

Il ne faut pas avoir l’âme trop sensible pour voir ce film – mais si vous connaissez le style de Tarantino, vous savez déjà cela. Django Unchained est classé 18 ans et plus, et avec raison ; on y voit de nombreuses personnes se faire descendre sauvagement, on voit du sang éclabousser à tout moment, et quelques scènes qui mettent en vedette des esclaves dont la violence m’a rendu un peu mal à l’aise, moi qui suis pourtant habitué à ce genre de cinéma.

Le film est caricatural. C’est gros, très gros. Comme les Basterds, ça réécrit l’histoire. On nous raconte le récit d’un héros improbable qui fait régner la justice dans une période sombre de l’histoire américaine. On ridiculise – avec raison – les esclavagistes, comme on a ridiculisé les nazis dans le précédent film. Le langage est anachronique, mais on ne va pas voir un film de Tarantino pour suivre un cours d’histoire. On y va pour recevoir une dose d’adrénaline directe au cœur, comme ce fut le cas de Mia Wallace dans Pulp Fiction. C’est gros, énorme même, c’est totalement irréaliste, mais dieu que c’est amusant ! Et jouissif surtout. Deux heures quarante minutes de pur bonheur.

Une trame sonore vintage

Et comme ce fut le cas pour tous les films de Quentin Tarantino, Django Unchained est accompagné d’une trame sonore hétéroclite, mais soignée. On passe du thème original de Django de 1966 (chanté par Rocky Roberts et composé par Luis Bacalov) à des airs d’Ennio Morricone, dont un original composé pour le film, Ancora Qui.

On retrouve également une pièce hip-hop composée par Jamie Foxx et interprétée par Rick Ross, 100 Black Coffins, ainsi qu’une magnifique chanson originale par le chanteur John Legend, Who Did That To You ?

La rumeur veut que John Legend, connaissant le penchant de Tarantino pour tout ce qui est « vintage », lui ait fait parvenir sa chanson sur cassette pour que le réalisateur l’écoute dans sa voiture. D’ailleurs, la trame sonore de Django Unchained (disponible en magasins) contient quelques pistes de la collection personnelle de vinyles de Tarantino, et celui-ci a insisté pour y laisser les enregistrements tels quels, avec craquements et tout, au lieu de versions rematricées trop propres.

Si vous aimez un tant soit peu le style de Tarantino, je vous invite à aller voir ce film sur grand écran pendant qu’il en est encore temps. Au bout de ces deux heures et quarante minutes, vous en redemanderez. Croyez-moi.

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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