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"Je suis devenu trop vieux pour la science-fiction"

Par Eguillot

J'étais hier en dédicace au Cultura de Claye-Souilly. Cela s'est bien passé, mais le soir, je repensais au nombre de personnes toutes séances confondues qui me disent avec un sourire condescendant : "cela fait bien longtemps que je ne lis plus de la SF (ou de la Fantasy)". Sous-entendu : "je suis bien trop vieux, bien trop mûr, bien trop expérimenté pour en lire à présent, je suis passé à autre chose."

Bien entendu, cela peut être une question de goût. Les goûts peuvent évoluer, et cela ne se discute pas. Bien entendu, je suis le premier à encourager les lecteurs à ne pas s'en tenir à un seul genre littéraire, mais à avoir la curiosité d'explorer d'autres littératures.

On pourrait aussi estimer que ces sourires condescendants ne sont qu'une projection imaginaire de ma part, liée au complexe d'infériorité de l'auteur qui écrit dans les "mauvais genres".

Je ne le crois pas. Je me demande plutôt dans quelle mesure ces personnes ne cèdent pas à une forme de pression de la société qui existe, encore de nos jours en 2013, vis-à-vis de la science-fiction.

La même pression qui pourrait exister, par exemple, pour des lecteurs de comics, de bande dessinées ou de mangas. Celle de se voir catégorisée en tant que "lecteur immature".

Dans ce cas, je suis immature. Et fier de l'être.

Au sujet de la SF, il n'y en a pas une mais plusieurs : hard science fiction, fiction spéculative, space et planet opera, cyberpunk, post-apocalyptique, militaire, steampunk, voyage dans le temps... Des SF en perpétuelle évolution et qui, comme les autres genres littéraires, ne sont pas figés dans le temps mais reflètent l'évolution de la société en même temps que des technologies.

Faire preuve d'éclétisme oui, bien sûr, mais si vous faites réellement preuve d'éclectisme, vous lisez aussi de la SF. Et de la Fantasy. Sans honte, de préférence. Avec les liseuses électroniques, rassurez-vous, personne ne saura de toute façon si vous lisez de la SF, de la littérature érotique ou le dernier traité de philo...

Je n'aurais pas écrit ce billet si je n'avais rencontré hier une personne qui à elle seule a quasiment illuminé ma séance. Un vieux bonhomme dans les soixante-quinze ans. 

Une étincelle dans les yeux, il m'a parlé des auteurs de l'âge d'or de la SF, du premier numéro de la revue Fiction (1953) qu'il possède encore, de Jimmy Guieu... Il ne donnait pas l'impression d'être vieux mais jeune. Jeune de sa passion.

Alors oui, quand il m'a pris un exemplaire de mon recueil les Explorateurs, mon égo n'aurait pas davantage été boosté si Robin Hobb m'avait acheté un exemplaire du Souffle d'Aoles.

Mais ce n'était pas seulement une question d'ego. Il m'a redonné de l'espoir. On peut continuer à aimer la SF à 75 ans. On n'était pas aux Jeux Olympiques, mais il m'a transmis la flamme.


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