Fable pleine d’espoir pour l’Afrique (ode à la vie)

Par Borokoff

A propos d’Aujourd’hui d’Alain Gomis 

Saul Williams

A Dakar (Sénégal), Satché se réveille un matin en apprenant qu’il va vivre sa dernière journée sur terre. Autour de lui, les gens pleurent ou rient mais le regardent (presque tous) avec bienveillance. Tout le monde est venu fêter ou simplement saluer celui qui a été « choisi », élu par les Dieux pour mourir. Cette dernière journée sur terre, Satché va la passer à déambuler, tantôt hagard tantôt halluciné dans Dakar, en disant une dernière fois « au revoir » à ceux qu’il a aimés et qui ont compté pour lui. En un mot, ceux qui ont marqué sa vie…

C’est un drôle de film qu’Aujourd’hui. Poème solaire, conte à la fois onirique et réaliste sur fond de manifestations et de gronde sociale, le troisième long-métrage d’Alain Gomis (après Andalucia, 2007 et L’Afrance, 2001) est interprété par le slameur américain Saul Williams qui tenait déjà le rôle principal dans le mémorable Slam, sorti en 1998. La présence du chanteur, paradoxalement muet pour les besoins du rôle, irradie le film. Visage lumineux, empli de bonté, Satché semble absorber tous les regards d’une foule qui s’est massée autour de lui comme autour d’un roi. Celui qui va mourir a tous les honneurs, observant tantôt dubitatif tantôt avec un visage de plénitude, souriant et serein, ce peuple venu le célébrer comme un héros.

La caméra d’Alain Gomis suit pas à pas cet homme qui va vivre sa dernière journée entouré des siens et d’une ville qui semble toute entière l’adouber. Le style de la mise en scène est assez sec et réaliste. L’histoire paraît irréelle. On suit l’action chronologiquement. Toutes les émotions passent par les expressions du visage de Satché, dont le regard passe de l’incompréhension à l’apaisement, de la douceur à l’inquiétude, de l’absence à une forme de béatitude voire de compassion avec lesquelles Gomis n’est pourtant pas complaisant. On pourrait croire en effet que Satché a accepté son sort avec sagesse, presque avec joie, mais il n’en est rien lorsqu’il demande à un sorcier surnommé « l’oncle » pourquoi il a été choisi, lui, pour mourir alors qu’il est si jeune et qu’il n’a encore rien fait de sa vie.

Ce sont ces différents états et ces humeurs qui virent du tout au tout chez Satché que Gomis tente de capter en même temps que l’énergie d’une capitale africaine débordant de vie. Il faut voir le visage de Williams passer de la joie à l’angoisse, de la bonne humeur à l’incompréhension pour comprendre de quelle énergie on parle.

La mégapole sénégalaise, chez Gomis, est filmée comme un ballet chorégraphié où derrière la sinistre annonce de l’imminente mort de Satché, c’est la vie qui l’emporte malgré tout, à l’image du sourire qui illumine le visage étrangement apaisé et bienheureux du personnage principal. Ce n’est pas un hasard si les références à la danse (celle notamment des enfants dans la rue) abondent dans le film. La mise en scène privilégie une certaine théâtralité à l’image de ces longs silences ou de ces langoureux regards entre les personnages. Cette théâtralité va de pair avec la manière de jouer et de parler des acteurs, lors notamment d’une rencontre entre Satché et son ex-maîtresse (jouée par Aïssa Maïga) dans les bureaux et les hauteurs d’un building transformé en atelier d’artiste. Leurs retrouvailles débouchent sur une dispute et un grand sentiment de vague à l’âme, de tristesse voire d’abattement chez Satché. L’inquiétude n’est jamais loin de (re)pointer le bout de son nez chez notre futur défunt, comme lors de sa rencontre tendue avec sa femme à la fin, point d’orgue du film et sommet de tension dramatique.

Aujourd’hui est une belle surprise donc, un film en forme de prophétie et plein d’une vitalité qui rattrape une certaine raideur parfois dans la mise en scène. Mêlant réalisme poétique et fantastique (surnaturel plutôt), style parfois documentaire et féerie, c’est une fable enthousiasmante et optimiste pour l’Afrique, à l’image de son scénario (co-écrit par Alain Gomis et Djolof Mbengue, qui joue le rôle du plus proche ami de Satché dans le film) original et audacieux. Quant à cette scène où Satché s’effondre dans la rue, épuisé mais soutenu par tout un peuple, elle vaut à elle seule le déplacement. Car c’est très certainement l’un des moments les plus forts et les émouvants du film…

http://www.youtube.com/watch?v=GbR-5FiVCQg

Film franco-sénégalais d’Alain Gomis avec Saul Williams, Djolof Mbengue, Aïssa Maïga … (01 h 28)

Scénario de Djolof Mbengue et Alain Gomis : 

Mise en scène 

Acteurs :  

Dialogues : 

Compositions :