Bon, c’est vrai que lorsqu’ils sont sortis de leur automobile dans notre cour tremblante des chaleurs de juillet, ils n’en menaient pas large. Tout juste bon à flanquer dans la piscine afin de remettre les choses en ordre.
Lui, Philippe, grand chef d’orchestre international, sa femme la belle et merveilleuse Kinga et leurs deux petits loustics eurent à peine le temps d’enfiler leur maillot de bain… Le bonheur !
Vous pensez bien que mon addiction à la pêche à la mouche avait franchi depuis longtemps les frontières poreuses de notre beau pays et que le bon peuple hongrois devait sérieusement en avoir plein le cul de mes histoires. Mais peut-être par politesse plus que par curiosité, mes amis s’enquérirent de cette curieuse manie qui est la nôtre. Et là, bien sûr, toutes occasions d’aller dans la rivière étant bonne, je leur proposai d’aller les initier sur mon terrain de jeu favori.
Vu leur état de fatigue, il aurait été impoli et dangereux de les amener dans des endroits scabreux où l’on risque de se briser les jambes en escalades vertigineuses. Donc, c’est à deux pas de chez moi, proche du camping municipal, que je garai la voiture, enfilai mes souliers cloutés, montai ma canne, attachai un scarabé au bout de la ligne et m’appliquai en tentant de leur démontrer la beauté du geste auguste du pêcheur à la mouche.
Ah que j’aurais aimé ferrer un poisson ! N’importe quel poisson. Une ablette, un petit gardon aurait fait l’affaire. Seulement voilà ma petite famille de hongrois pataugeant gaiement dans l’eau, vous pensez bien que les pauvres poissons s’étaient enfermés à double tour dans leur appartement ou pris la clé des champs pour un environnement plus enviable. Ajoutez à ça les milliards de canoës remplis de milliards de touristes issus de tribus sauvages belges, hollandaises, allemandes et même luxembourgeoises et vous aurez compris la montée rapide de ma pression sanguine.
Au bout d’un moment, sentant que la partie était jouée, je remballai mon matériel et pris un énorme plaisir à regarder simplement mes amis hurler de joie, faire des cabrioles et 1000 plongeons dans l’eau fraîche. Et finalement, je crois bien que ce moment fut encore plus beau que si j’avais pris un poisson.
De retour à la maison, Philippe sorti de son étui son violoncelle. Pas une journée sans violoncelle ! (Comme moi, pas une journée sans dessin.) Il s’installa confortablement dans le jardin et commença une pièce de Jean-Sébastien Bach. Ce fut un instant plein de magie. Je n’avais jamais entendu rien de plus beau. Le son de cet instrument et le talent du musicien avaient le pouvoir de vous amener le coeur au bord des lèvres et l’humidité au bord des yeux.
Même Zoé, la petite chienne qui d’habitude vit à 200 à l’heure s’était mise au diapason. Je vous laisse regarder cette petite vidéo qui le démontre aisément et vous reprend après.
C’est pas beau ça ? Si je raconte la petite histoire aujourd’hui c’est parce que c’est l’hiver, qu’il fait froid dehors et que je me languis des chaleurs de l’été, du bourdonnement des abeilles sur la lavande et des journées où l’on ne pense qu’à distribuer de l’amour en serrant fort nos amis dans nos bras.