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Mali, Somalie, RCA ....

Publié le 12 janvier 2013 par Egea

L'actualité s'est brutalement accélérée ces derniers temps. Après des atermoiements nombreux, voici qu'en une semaine trois "déploiements" simultanés de troupes françaises en Afrique ont eu lieu. Avec des effets, des objectifs et des horizons temporels différents. Car au fond, c'est d'abord le facteur temporel qui différencie les trois situations.

Mali, Somalie, RCA ....
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1/ En Centrafrique, voici donc quelques centaines d'hommes déployés pour protéger l'ambassade et les ressortissants, "rien de plus". Dans le même temps, les sud-Africains n'ont pas ces pudeurs et leurs soldats sont clairement là pour soutenir le pouvoir. On s'étonnait de ces pudeurs. Il semble donc qu'elles s'expliquaient en fonction de ce qui se préparait ailleurs. Autrement dit, il était important de ne pas s'engager en RCA, pour garder de la liberté de manœuvre ailleurs. Selon une grande loi stratégique : si on veut donner la priorité à un endroit, cela signifie qu'il faut accepter (et choisir) une faiblesse ailleurs. Pas de concentration des efforts sans collatérale déconcentration des efforts !

2/ En Somalie, il semble que l'affaire ait été organisée en opportunité. En effet, une opération coup de main dépend de la conjonction de renseignements fiables et de circonstances terrain qui permettent de saisir temporairement un rapport de force favorable. Cela dure peu de temps, c'est hautement risqué. L’otage était retenu depuis plus de trois ans. Il fallait prendre des risques, ils ont été pris. J'exprime mes condoléances pour les morts, qu'il s'agisse de Denis Allex, l'agent de la DGSE retenu depuis plusieurs centaines de jours, et les commandos qui y ont laissé leur vie. Et à la différence de politiciens de bas étage et de stratèges en chambre, et tout simplement parce que je ne connais pas les conditions de l'opération, je me garderait bien de commenter sur la justesse de la décision. Décider, c'est prendre des risques et d'abord celui d'échouer.

3/ Au Mali, l’opération était probablement préparée depuis quelque temps (planif. de précaution). Pourtant, l’initiative en revient, d'une certaine façon, aux islamistes qui ont repris l'offensive vers le sud en début de semaine. Au fond, la question devenait : laisse-t-on faire au risque de voir Bamako tomber, ou intervient-on ? la réponse est évidente, même si l'action qu'on décide ne suffira forcément pas : sinon, on l'aurait prise plus tôt.

4/ Le décès du lieutenant Damien Boiteux du 4° RHFS (là encore, j'exprime mes condoléances à sa famille et à ses proches et affirme ma totale solidarité avec nos soldats engagés) n'est pas le fait d'une erreur de planification, mais des hasards de la guerre. Le feu tue, disait l'autre. Ceci est la réalité de la guerre. Tant pis pour les stratèges en chambre qui dénoncent déjà.

5/ Ainsi, trois situations opérationnelles dans trois États en faillite ou quasi faillite. Et trois réactions qui modulent selon le temps, mais aussi le danger de la situation : intense au Mali, durable en Somalie, encore sous contrôle en RCA.

6/ Le plus intense est donc désormais au Mali. L'opération Serval devrait durer, puisqu'à partir du moment où l'on s'est décidé, il faut être conséquent et poursuivre l'effort. Cela signifie plusieurs choses :

  • serrer les dents face aux éventuelles critiques des pacifistes bêlants d'un côté, des cyniques au petit pied de l'autre qui ne raisonnent qu'à la courte vue de minables calculs politiciens. Certes une perte au combat, mais l'offensive des rebelles est stoppée. Désormais, il est question de cette animal indomptable qu'est la guerre, doté d'une vie propre et mal contrôlable. Elle est le lieu de l'affrontement des volontés. Il faut désormais une volonté tenace.
  • renforcer le dispositif pour confirmer le coup d'arrêt, reprendre l’initiative vers le nord avec, on le devine à regarder la carte, plusieurs lignes d’objectif : la ligne de séparation initiale des rebelles en début de semaine, voire si on réussit à les déstabiliser, la poursuite vers le nord, pour atteindre la boucle du Niger (Tombouctou, Bourem, Gao).
  • veiller à réunir les appuis : des États de la CDEAO, mais surtout des Américains (qui ont peut être trop finassé et qui doivent mettre en œuvre leurs drones, "from behind") et des Algériens (qui ont déclaré leur soutien au gouvernement de Bamako, manière indirecte de ne pas critiquer ce qui se passait).

7/ Il est évident que cela ne sera pas suffisant, pour plusieurs raisons :

  • faiblesse étatique à Bamako
  • combativité des rebelles avec de nombreuses zones de repli et possibilités de dispersion
  • perméabilité des frontières, notamment au Niger ou au sud de la Libye.

Ainsi, ne nous trompons pas sur le sens de la bataille : celle-ci ne sera pas "décisive", du moins à l'échelle du théâtre sahélien ou à celui de l'islamisme africain. Mais elle le sera probablement à l'échelle du Mali. Voici le seul cadre spatial pour analyser le succès de l'opération. Par ailleurs, l'argument que j'entends parfois : "mais si on fait quelque chose, il vont se disperser et se multiplier" ne convainc pas : ne rien faire les encourage à être de plus en plus hardis, à conquérir des zones de plus en plus grandes et donc à se multiplier.

8/ Car voici la question sous-jacente : pourquoi aller là-bas ? éternelle question des buts de guerre. Chasser le terroriste est une réponse, pas forcément la plus convaincante. Admettre que l'on peut intervenir pour des intérêts limités, voici en fait la grande nouveauté : aller guerroyer parce qu'on a des intérêts à défendre, et tout d'abord ceux de la stabilité de la zone, ceux d'une certaine politique de puissance, ceux d'une certaine vision de sa responsabilité internationale. Un mélange à la fois de réalisme et de subtilité.

C'est aussi à cette aune qu'il faut observer Serval, ce petit félin du désert, capable de ronronner puis de cracher.

Références :

  • le billet d'analyse d'Abou Djaffar.
  • Les articles de Libé, JDM, du Monde. Le commentaire de Bruxelles 2.
  • un dessin de presse sur le retour du Dakar au Sahel
  • un point de vue trans partisan pour l'unité derrière nos troupes.

P.S. : l'habituel billet "mélanges hebdo" sera publié demain.

O. Kempf


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