Freddie, un vétéran, revient en Californie après s’être battu dans le Pacifique. Alcoolique, il distille sa propre gnôle et contient difficilement la violence qu’il a en lui… Quand Freddie rencontre Lancaster Dodd – « le Maître », charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause, il tombe rapidement sous sa coupe…
Par où commencer ? The Master n’est pas le chef d’oeuvre annoncé. There Will Be Blood restera LE chef d’oeuvre de Paul Thomas Anderson sur une Amérique pas si belle. Paul Thomas Anderson est un réalisateur très doué (il le montrait déjà avant There Will Be Blood) qui pouvait énerver par ses excès de virtuosité dans le seul but de brandir son savoir faire. Dans la cours des génies depuis son précédent film, le réalisateur nous revient sûr de lui avec The Master qui ne sera pas le pamphlet sur l’Amérique que nous voulions voir.
Sur fond de Scientologie (jamais véritablement évoqué), le film est surtout une relation troublante entre deux hommes. Freddie, coquefredouille tourmenté par la guerre et alcoolique et Lancaster, gourou charismatique. Sans réellement savoir pourquoi, ni comment, une relation naît entre les deux hommes. Freddie devient le cobaye de Lancaster, un véritable chien qui écoute son maître, qui défend même son maître. Le spectateur se sent dégoûté des exercices pratiqués sur Freddie et de Freddie lui même, mais il existe un pouvoir d’attraction magnifique dans The Master qui fait que nous restons subjugués par cette relation hors-norme et malsaine. Le charme attractif du film est due à la beauté des images de Paul Thomas Anderson et de ces années 50, où tout semblait possible et nouveau.
Le charme tient également aux talents de son duo d’acteurs. Alors oui, Joaquin Phoenix montre peut être trop que lui aussi sait très bien jouer, mais ce qu’il fait avec son corps est indéniablement fort : se frapper, se blesser, se cogner la tête et le dos, sa manière de marcher, sa manière de parler, bref, il est probable qu’il gagne l’Oscar du meilleur acteur. Et que dire de Philip Seymour Hoffman, à la fois inquiétant et burlesque. Son personnage de gourou montre à quel point son discours sur la dianétique ne tient qu’à la docilité de ses pantins.
On sort du film sans réellement savoir ce que le réalisateur a voulu nous dire. Son personnage Freddie n’aura pas avancé. Il déambule, amoureux d’une fille qui est partie, buvant sans vergogne et ne réfléchissant pas. Une scène où il distribue des tracts pour une conférence et où il répète tout ce que dit un autre distributeur illustre parfaitement cette sensation de corps sans tête. Il est incontrôlable et plusieurs passages du films laissent croire qu’il pourrait être capable du pire. L’incompréhension tombe lors d’une scène où il est ‘victime’ de plusieurs exercices sans fins et qu’il avoue avoir la possibilité de partir et pourtant rester à faire l’exercice. Dépendant de Lancaster ?
Pas forcément puisque malgré sa vésanie, nous pouvons voir que Freddie est également une source de dépendance pour Lancaster. Nous ne sommes pas sûrs de toujours bien tout comprendre mais une chose est sûr : The Master est une relation sadomasochiste entre un pauvre fou et un manipulateur. Comme si depuis leur rencontre ils se font autant de mal que de bien. La scène dans la prison où chacun essaye de dire du mal de l’autre fait déjà partie des grandes scènes de Paul Thomas Anderson. Et puis surtout, la scène de la moto dans le désert est splendide, puisque rarement le cinéma aura aussi bien retranscrit la sensation de liberté.
The Master n’est pas un chef d’oeuvre mais certainement un grand film qui fait débuter 2013 sur les chapeaux de roue. Inquiétant, troublant, le film possède un charme fou et une beauté qui appliquera au spectateur le pouvoir d’attraction que possède chaque personnage sur l’autre.