Rumeur, recompose le monde à ton image

Par Thibault Malfoy


« La pluie se mit à taper sur sa machine à écrire. »

Rumeur plus que « criaillerie », comme elles sont usuellement traduites, les Greguerías sont des précipités de poésie qui renferment dans des phrases frappées de stupeur les joyeux d’un monde que l’imaginaire lunaire de Ramón Gómez de la Serna a réenchanté.

« Le crépuscule est l’apéritif de la nuit. »

Cet auteur né à Madrid en 1888 a consigné la rumeur de son imagination depuis l’âge de 22 ans et jusqu’en 1963, année de sa mort. Cette rumeur est parfois cousue dans la trame même de ses autres livres et perce la page comme une déflagration, une fulgurance, un point de convergence et de non-retour : un aboutissement. À l’image des Greguerías, compilation d’une vie passée à jeter en l’air des images rémanentes.

« La lune est la grande cireuse du parquet des lacs. »

Ramón Gómez de la Serna snobe le mot vague de réalité, ou de réalisme, ou de vraisemblance, et martèle les mots qui prendront en tenaille et la réalité et notre rapport à elle pour la façonner à leur image, pour la recomposer, et nous avec elle, au sein d’étincelles de silex.

« Taper à la machine : clouer des mots sur le papier. »

  • Greguerías, de Ramón Gómez de la Serna, Cent pages, 14 €.