La vierge de fer

Par Alainlasverne @AlainLasverne

emarquable contiguité de deux faits divers, cette semaine. Une mamie de 94 ans expulsée de sa maison de retraite, une enfant de 5 ans retirée de sa maternelle. Un fil conducteur : l'argent. Qu'en déduire ?

Premièrement, la responsabilité de chacun est devenue illimitée autant qu'entière à tout age.  Les barrières des convenances, les filtres de la morale, les retenues posées par la distinction lucide des étapes de la vie humaine et des potentalités que chaque age permet, la compréhension et l'utilisation des limites adaptatives de l'être humain, tout cela semble avoir disparu aujourd'hui. L'indulgence, valeur chrétienne, comme l'oubli, valeur humaniste, n'ont plus droit de cité. Exit, les trop tendres, les trop faibles, les fous, les malades, les poètes et les gueux.

Deuxièmement, l'argent est devenu la morale de l'Histoire, le trebuchet de nos histoires.

Il s'agira pour nos créations d'appliquer une règle universelle. Tu ne coûteras pas, mieux, tu rapporteras. Comme  la fortune des boursicoteurs et en général des rentiers, les services publics devront ne pas coûter, ne pas perdre, mieux, faire des bénéfices.

Il faut pour cela oublier l'axiome fondamental qui structure un service publc, - école, prison, maison de retraite financée par les agences de santé, etc -. Il est "au service"; il a pour fonction non de gagner de l'énergie-argent, mais de la dispenser, de la dilapider dans un utilité générale qui nourrit le bien commun. Faire des bénéfices, être" à l'équilibre" sont des notions qui lui sont fondamentalement étrangères. Elle contredisent sa logique, son but, son idéal, sa nécessité.

Gardien de nos histoires, l'argent est capital. Nous sommes capital pour lui, pour sa  perennité, son investissement, sa croissance. Les salaires ne sont plus la juste rémunération d'un travail mais une fraction de capital investie pour rentabiliser. Cet investissement doit naturellement agir pour la conservation du capital plus grand qu'on appelle par commodité "budget" et sa première loi doit être l'oubli de la gratuité, de l'incertitude et des marges de mansuétude où il patine et se perd.

Corrélativement, la ressource humaine qui bénéficie chaque mois de la fraction de capital octroyée devra oublier les valeurs et coutumes relatives à d'autres sphères de son existence, ou du moins les subordonner au capital qu'on lui offre, comme aux autres capitaux investis dans les organismes publics où il oeuvre. Ainsi l'autonomie et les axes politiques liés - démocratie, citoyenneté - devront être relégués ou adaptés à la nécessité de l'argent : perdurer et prospérer, en secteur public ou pas. Les règles seront donc conçues, par ceux qui ont normalement pour charge de servir le citoyen, comme les moyens oeuvrant à une simple fin. Faire en sorte qu'une institution publique ne perde pas de capital, et même en gagne si possible. Pour cela, mettre en oeuvre des règles qui pilotent l'institution, ainsi que ceux qu'elle est censée aider, servir, pour que leurs demandes soient toujours inférieures aux possibilités, aux moyens de l'institution.

On gardera à l'esprit l'exemple du RSA et autres aides de première nécessité dont les règles d'attribution, soigneusement complexifiées, ont découragé tant de personnes qu'en 2011 il restait une bonne part de crédits non-attribués, alors que la misère explose.