Durant mon enfance, j’étais très intriguée par ces petits gâteaux brillants en forme cylindrique avec des cannelures qui trônaient à côté des viennoiseries dans les boulangeries. Après la découverte gustative des cannelés, petits plaisirs volés au temps, des minutes de bonheur suspendues pour savourer ces délices parfumés à la vanille et au rhum croustillants à l’extérieur et tendres au coeur, je me suis longtemps résignée à laisser cette gourmandise entre les mains de pâtissiers plus expérimentés, par paresse et pensant qu’il me serait impossible de réaliser une telle merveille.
Lors de la dégustation des cannelés exquis de Wilhem, un de mes très chers amis, je m’en suis inspirée pour me lancer également dans la confection de cannelés bordelais. Et le résultat est au-delà de mes attentes : un délice !!!
Pour une cinquantaine de mini cannelés. Moules en silicone de 18 cannelés x 3 (pour les puristes, seuls les moules en cuivre sont utilisés…).
Ingrédients :
- 1/2 litre de lait
- 50 g de beurre doux
- 1 gousse de vanille
- 2 oeufs + 2 jaunes d’oeufs
- 220 g de sucre en poudre
- 100 g de farine
- 1 sachet de sucre vanillé
- 5 cl de rhum ambré
Préparation :
La veille :- Faire bouillir le lait avec la gousse de vanille fendue et le beurre. Le laisser tiédir.
- Dans un récipient, fouetter les oeufs, le sucre et le sucre vanillé. Puis ajouter la farine.
- Verser le lait tiède sur le mélange oeufs / sucre / farine, petit à petit en fouettant.
- Verser en dernier le rhum et bien mélanger.
- Réserver l’appareil dans un récipient avec bec verseur et mettre au minimum 24h au réfrigérateur.
- Sortir la pâte du réfrigérateur 1 heure avant utilisation.
- Graisser les moules en silicone au beurre ou à l’huile neutre.
- *Préchauffer le four à 230°C.
- Enfourner 10 mn à 230°C puis poursuivre la cuisson à 190°C pendant 1h.
- Attendre 5 à 10 mn avant de démouler.
*Mes moules en silicone ne supportant pas plus de 240°C, j’ai dû adapter les températures.
Pour la petite histoire…
Ces cannelés sont une spécialité bordelaise, qui se dégustent au petit-déjeuner, au goûter et au dessert, selon leur taille, et qui traditionnellement se vendent par 6 ou par 10.
Leur origine est sujet à plusieurs hypothèses sans certitude. Très liés à l’histoire de Bordeaux, ces gâteaux sont issus de l’activité portuaire de Bordeaux avec le débarquement de farine sur les quais et de la vanille et du rhum venant des îles lointaines; et enfin les jaunes d’oeufs, des sous-produits de l’activité viticole dont les blancs d’oeufs étaient utilisés dans une étape importante de vinification appelée « collage » pour clarifier le vin avant son expédition.
Une hypothèse attribuerait l’invention aux soeurs du couvent des Annonciades (actuel couvent de la Miséricorde). Elles auraient reçu les jaunes d’oeufs inutilisés dans le collage du vin, pour la confection des canelas ou canelons, gâteaux à pâte mince roulés autour d’une tige de canne à sucre et frits au Saindoux. Ce qui est bien loin de nos cannelés modernes.
Une autre hypothèse : Au XVIIème siècle, il existait une spécialité de pain à base de farine et d’oeufs à Limoges qu’on appelait la Canole. On en trouvait également à Bordeaux sous le nom de canaule, ou encore canaulé / canaulet. Il s’en vendait tellement que des artisans, les canauliers, se spécialisèrent dans sa seule fabrication.
Devenus puissants, une corporation vit le jour avec des statuts définis d’autorisation de confection de canaules, de pain-bénits, d’échaudés, mais pas de pâte mixtionnée (composition dans laquelle entraient le lait et le sucre) réservée alors aux pâtissiers.
Cela provoqua une véritable guerre entre les pâtissiers et les canauliers qui finalement obtinrent au milieu du XVIIIème siècle, le droit d’utiliser le lait et le sucre dans leur confection. La Révolution supprima toutes les corporations excepté celle des canauliers, malgré les signalements en pleine Terreur. On constate alors l’importance des canauliers dans la région. Cependant les canauliers disparurent de la liste des artisans bordelais au XIXème siècle.
Si l’étymologie du mot canaule semble plausible pour les canelés ou cannelés modernes, son origine de fabrication est moins certaine puisqu’aucun texte ou archive ne faisait mention de moules ou de formes de moule dans lesquelles étaient cuites les canaules.
Vers 1920, un pâtissier dont on ne connaît pas le nom, remit les canaules au goût du jour, en améliorant la recette avec l’ajout de la vanille et du rhum. Le mot cannelé ou canelé apparut tardivement. Le Gault et Millau de 1970 ne le mentionna pas. C’est seulement en 1985, qu’une confrérie de canelé de Bordeaux créa et supprima le deuxième « n » pour affirmer son identité. Dix ans après le dépôt de l’appellation « canelé » par la Confrérie, on comptait 800 fabriquants en Aquitaine et 600 en Gironde.
Source : L’inventaire du patrimoine culinaire de la France, volume Aquitaine, éditions Albin Michel / Conseil National des arts culinaire, 1997.