Hissés sur les toits de New York, on découvre la ville avec un peu de hauteur dans une lumière inhabituelle.
Pendant ce temps, Sofia et Malcolm, partenaires graffeurs du Bronx, s’activent pour signer le haut d’un immeuble. Le lendemain, en plein jour, leur graffiti est recouvert par un clan adverse. Pour se distinguer, ils ont l’ambition énorme de signer sur la pomme géante qui sort du terrain lorsque les Mets marquent un point décisif (un « home run »). Dès l’ouverture du film, sur le mode documentaire, on apprend leur échec à venir. En effet, ce projet n’a jamais été réalisé par quiconque même s’il a fait l’objet d’annonces publiques et de promesses médiatisées.
Cela devient pourtant le nouvel objectif de nos héros, en quête de reconnaissance, qui doivent réussir à réunir 500 dollars en deux jours pour qu’on les laisse entrer dans le stade. Le film relate leur cheminement, ces deux jours à penser courir après l’argent, mais à se chercher soi-même.
La distribution atypique est appréciable : elle place sous les projecteurs deux graffeurs, en montrant les codes de cet art de rue dans un New York populaire. On pénètre la démarche du street art, ses frontières (les interdictions notamment), ses accessoires et leur obtention, l’entrainement possible sur des cahiers… Dans leur projet, et notamment dans leur tag initial sur le toit, Sofia et Malcolm apparaissent comme des « égayeurs » du quotidien. La question du statut du graff est évoquée, s’il apparait tout le long du film comme un art, une quête, il peut aussi être affaire de vandalisme. Une seule fois, on voit cet acte vengeur, lorsque Sofia, volée, colle avec rage un de ses autocollants avec sa signature sur la porte vitrée d’une boutique.
Mais ce qui se joue au cœur du film c’est l’alchimie des personnages, de la ville et de leur quête d’identité.
Ce qui intéresse davantage c’est à quel point la vie peut paraitre semblable à un jeu de hasard, un moment on gagne de l’argent, l’instant suivant on perd tout. A mesure des péripéties, on fait les comptes : plus de vélo, plus de chaussures, un portable, plus de portable, des nouvelles chaussures, de l’argent contre des bombes de peinture, etc… Dans ce jeu, on flirte avec l’interdit, des activités lucratives (trafic) qui paraissent naturelles à celle artistique du graff, des situations où l’on usurpe son identité à celles où on pénètre des lieux défendus (l’immeuble de Ginnie pour la cambrioler ou le château d’eau). Tous les personnages quels qu’ils soient jouent, et franchissent les bornes.
De manière presque similaire, c’est aussi la règle de hasard est applicable aux relations entre les individus. Dans leurs rencontres, les gens ou les rapports des héros avec ces personnes changent d’un moment à l’autre : le gros dur qui joue les pros ne parvient pas à crocheter une serrure alors que c’est sa spécialité, une petite bourgeoise blanche humilie Malcolm devant ses amies, après l’avoir embrassé et enlacé alors qu’ils étaient seuls. Ce qui perdure, c’est eux. Leur relation, leur entente, leur projet commun. Leur tandem est d’ailleurs souvent questionné dans le film, qu’est-ce qu’il y a entre eux ? En ont-ils déjà conscience eux-mêmes ? Durant les divers épisodes, chacun se heurte à ses limites sociales, à son altérité. Sofia comprend qu’elle ne peut rien face aux petits jeunes du clan adverses lorsqu’ils la dépouillent, même si elle sent l’effet qu’elle fait insidieusement sur les autres garçons. Malcolm comprend de la même façon que son amour naissant n’aboutira jamais, que Ginnie n’appartient pas au même monde. Ils comprennent finalement qu’ils n’ont que l’un et l’autre pour allié, pour soutien dans cette période de construction de leur propre identité.A voir :
Gimme the loot, un film américain d’Adam Leon (1h21)