Interférences de Noël entre vie personnelle et vie professionnelle : les
responsables politiques ont-ils le droit de prendre des vacances ? Peut-être pas à l’île Maurice ou à Zanzibar…
Ah, c’est difficile de concilier sa vie privée avec son travail
lorsqu’on est une personnalité publique. Aurélie Filippetti, la nouvelle Ministre de la Culture, est une
femme sympathique, intelligente et peut-être même le modèle enfin trouvé de la femme en politique : ni thatchérienne, ni barzachienne, bref, une femme, ni plus ni moins, responsable
politique comme les autres.
Les vacances de Noël ont été l’objet d’une sérieuse vigilance de la
part de l’Élysée. Les trop grandes critiques des vacances du mois d’août alors que la crise secouait les citoyens avaient fait un mauvais effet. Ce qui est un peu stupide, car tout Président de
la République qu’il soit, c’est comme le conducteur d’un autocar, il valait mieux que François Hollande
fût bien reposé pour attaquer l’automne 2012 (surtout après une année si éprouvante et épuisante pour lui) plutôt qu’il décidât n’importe quoi ou n’importe comment sous le coup de la colère ou de la
fatigue.
Pour cette raison, François Hollande avait donné une consigne très
stricte à ses ministres : pas de séjour à moins de deux heures de Paris (deux heures en avion, cela donne encore quelques belles possibilités !). La porte-parole du gouvernement, Najat
Vallaud-Belkacem avait ainsi annoncé avant Noël : « Le Président a rappelé qu’une année fait 365 jours et qu’il attend de chacun présence et
vigilance. ». Seuls, les ministres Victorin Lurel et George-Pau Langevin avaient été autorisés à passer les fêtes de Noël dans leur famille en Guadeloupe.
C’est dans cette perspective qu’une stérile polémique a commencé en
début de semaine à de se développer au sujet d’Aurélie Filippetti. Les rumeurs faisaient état de ses vacances sur l’île Maurice. Qui est un peu plus éloignée que les deux heures en avion
préconisées.
Son cabinet a alors immédiatement démenti. Mais la revue people "Voici"
a méchamment sorti des photographies d’elle sur une plage mauricienne (ici). Il a donc bien fallu qu’elle confirmât l’information. Privée pourtant.
L’affaire est remontée jusqu’à l’Élysée qui a dû se fendre d’un
communiqué amical : le Président « a autorisé Aurélie Filippetti à partir si loin à titre exceptionnel, pour des raisons privées. La ministre de
la Culture n’est pas, dans son ministère, dans un rythme d’urgence quotidienne, à l’inverse du Ministre de
l’Intérieur. ». En clair, ses responsabilités étant mineures, ce n’était pas grave qu’elle fût si éloignée de son ministère.
Car c’est cela l’essentiel. La ministre a dû se justifier :
« Ce voyage m’a été offert par mon compagnon. Dès que j’ai connu la teneur de ce cadeau, j’en ai averti le Président de la République qui m’a
autorisé à partir. ».
Sa collègue Cécile Duflot avait, elle aussi, créé la polémique (bien avant d’être ministre) pour être allée aux Maldives en
avion avec donc un bilan carbone désastreux (mais c’est sa mise du Japon dans l’hémisphère sud à l’époque de Fukushima qui avait plutôt concentré l’ironie des pourfendeurs de cette diplômée bac+5 en géographie).
Le sujet est sensible. C’est cela qui a fait démissionner Michèle Alliot-Marie en février 2011 du Ministère des Affaires étrangères, pour des vacances de Noël trop tunisiennes
au goût des observateurs du début des révolutions arabes. Cela n’a pas empêché celles de Jean-François Copé d’avoir été marocaines et celles de François Fillon l’auraient également été sans la présence de son rival à l’UMP (selon le journal "Marianne").
La charmante et jeune ministre Aurélie Filippetti doit cependant
commencer à sentir son cuir s’épaissir avec sa brillante trajectoire politique. Évoquée par elle-même comme une victime potentielle de Dominique Strauss-Kahn lorsqu’elle était jeune militante, elle avait également dû subir il y a quelques années la
honte, le désespoir et la fureur (ce sont des mots d’elle) pour une triste affaire privée que le cabinet de Nicolas Sarkozy avait odieusement
ébruitée dans les médias (histoire racontée dans "Sarko m’a tueR", un livre de témoignages recueillis par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes au journal "Le Monde").
Sa vraie maladresse a été que son cabinet ait démenti une information
vraie et prouvée même si elle ne concernait personne publiquement. Elle s’en est tirée sur Europe 1 avec cette pirouette : « Je considérais que
ce séjour relevait de la vie privée, et je considérais que je n’avais pas à les en informer [à en informer mon cabinet], dès lors que je restais joignable et en contact permanent avec mon
cabinet. ».
La polémique s’est d’ailleurs délocalisée ce vendredi 11 janvier 2013 de la rue de Valois au quai d’Orsay en épinglant le
Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui a passé « quelques jours de repos » en fin d’année sur l’archipel de Zanzibar, au large de la Tanzanie (selon Europe 1 qui a révélé l’information la veille).
Une conseillère du ministre a juste précisé : « Je pense qu’il a informé le Président de la République de cette destination. ».
Ces deux destinations ne sont pas a priori politiquement condamnables (au
contraire de la Tunisie en fin 2010). Seulement, ce que les ministres devraient savoir, c’est qu’en fonction, souvent de courte période, ils n’ont PLUS de vie privée, tous leurs faits et gestes
prennent un sens particulier. C’est quand même facile de comprendre cette règle et ils ne sont d’ailleurs pas obligés de l’accepter. C’est comme se montrer au volant d’une belle voiture de sport
quelques mois avant une possible candidature à l’élection présidentielle : dans tous les cas, ce n’est jamais malin et pas très psychologue vis-à-vis du peuple, tout cadeau d'amoureux que ce
fût…
Aussi sur le blog.
Sylvain
Rakotoarison (11 janvier 2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Sur une plage
mauricienne (photo).
François Hollande.
Laurent
Fabius.
Mélenchon vs Cahuzac.