Il y a presque deux ans, l’excuse politicienne à l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, émettait des sons rigolos avec la bouche sur les PM10, ces particules fines trouvées dans l’air citadin pollué et qui provoqueraient des brouettées de morts dans la population. Elle préconisait alors une vraie solution opérationnelle et radicale : interdire complètement les voitures en ville. Cette semaine, grâce au dernier bulletin de l’Institut de Veille Sanitaire, le bastringue se remet en route avec une montée en puissance du pignoufogène.
Or donc, au travers de quelques articles troussés à la va-vite par d’obscures pigistes sous-payés, nous apprenons la vraie vie du monde réel qui claque un peu quand on y pense : « La pollution de l’air réduit notre espérance de vie ». Oui, c’est aussi ça le talent des journalistes, c’est-à-dire vendre de la vraie info solide qui surprend, au petit matin. Notez l’absence de conditionnel et l’usage d’une affirmation ancrée dans la réalité, et pour le coup, ils ont raison : respirer des gaz toxiques rend malade et conduit inévitablement à la mort si on s’entête.
Cette vérité posée, on se doute que le message profond n’est pas là. La nouvelle parcourue, on comprend l’information cruciale résumée en quelques lignes : si l’air de nos villes était moins polluée, on vivrait plus longtemps en moyenne. Et là, bien évidemment, l’affirmation solide du titre commence à perdre progressivement de sa consistance. Heureusement pour les scribouillards, l’institut de veille sanitaire tire la sonnette d’alarme, parce qu’il faut au moins ça sauf à s’exposer à une levée de boucliers comme on dit dans les milieux bien informés : en effet, selon Michal Krzyzanowski qui n’est pas la moitié d’un gros rigolo puisque c’est le type en charge de la question au Centre Européen de l’Environnement et de la Santé de l’OMS Et Des Petits Oiseaux Qui Chantent Dans Un Air Pur, « les preuves des effets nocifs de la pollution atmosphérique sur la santé se sont multipliées ces dix dernières années ». S’en suit une description à la précision diabolique des effets attendus d’un respect des normes de pollutions de l’OMS, avec des chiffres à virgule, du microgramme et du mètre cube comme on en voit parfois dans de vraies publications scientifiques qui foutent la frouille (mélange 50/50 de frousse et de trouille) :
Si les normes de l’OMS en terme de pollution atmosphérique étaient respectées, c’est-à-dire si les concentrations moyennes annuelles de particules fines ne dépassaient pas 10 µg/m3, 1 000 hospitalisations seraient évitables par an en France. Les particules fines sont aussi autrement appelées PM2.5 car leur diamètre est inférieur à 2,5 micromètres.
Et maintenant, rappelez-vous qu’il y a 2 ans, NKM nous entretenait violemment sur la nécessité de réduire les PM10 (les particules de moins de 10 micromètres de diamètre). Tout comme les puces d’ordinateurs, en quelques mois, le niveau de finesse vient de s’améliorer 4 fois, puisqu’on en est maintenant à 2.5 micromètre. Eh oui : si l’on en était bêtement resté aux PM10, l’air se purifiant progressivement, il n’y aurait bientôt plus eu aucun motif de lancer des alertes retentissantes, de lever des boucliers et de tirer des sonnettes d’alarmes dans les médias. Et puis, ça tombe bien, cette modification de la norme avec réduction de la taille des particules considérées est, comme le dit l’un des articles, l’occasion d’élaborer une politique plus radicale et plus efficace, fondée sur des preuves en Europe afin de protéger la santé de ses habitants.
Ce qui est intéressant, ce sont les efforts qui ont été faits et dont on peut dès à présent observer les résultats. Par exemple, comme le souligne un Echos.fr tout frétillant, la limitation de la teneur en soufre des carburants à 0.5% en poids mise en application à Hong Kong en 1990 pour les centrales électriques et les véhicules a permis par exemple de réduire de 53% les taux moyens de dioxyde de soufre (SO2) dans l’ensemble de la ville et de 80% dans le district fortement pollué de Kwai Tsing. Ce qui veut dire que le fait d’interdire ou limiter le soufre en entrée limite le soufre atmosphérique en sortie, ce qui est proprement stupéfiant … et sans lien avec la santé : on a certes diminué le soufre atmosphérique, mais l’article ne fournit absolument aucun résultat épidémiologique (ce qui est la motivation, on le rappelle, pour élaborer une politique plus radicale).
On me dira certainement « Méheu il faut lire l’étudeuh » qui est justement (magie d’internet) disponible ici et qui répond encore une fois à tous les critères utilisés habituellement pour justifier à la fois l’existence de l’organisme qui a pondu le rapport, et des monceaux d’argent public engouffré dans les nobles missions qu’il s’était lui-même fixées. Et on découvre ainsi, au détour des pages en petits caractères, que, je cite (p4) :
Sur la période 2000-2004, les excès de risque relatif (ERR) associés à une augmentation de 10 μg/m3 des différents indicateurs de pollution, PM10 et PM2,5 (particules de diamètre inférieur à 2,5 μm), NO2 et ozone, étaient respectivement de 1,4%, 1,5%, 1,3% et 0,9% pour la mortalité toutes causes non accidentelles dans la population générale.
Eh oui : il s’agit d’une augmentation de mortalité de 0.9% à 1.5% ce qui veut dire que si vous avez 1 chance sur mille de mourir d’un arrêt respiratoire ou cardiaque à cause de la pollution, la présence de PM10 ou PM2.5 ou NO2 ou O3 ou d’un des sept nains de Blanche Neige fait passer ce risque à 1.015 chance sur mille, ce qui bouleverse pas mal le tableau, on en conviendra. Comme j’en vois des sceptiques, mettons que vous ayez une chance sur deux (soit 0.50) de claboter dans la journée ; la présence de PM2.5 fait passer ce risque à 0.5075. Terrifiant, n’est-ce pas ?
Attention : il ne s’agit pas de dire ici que l’institut a tort ou qu’il raconte des carabistouilles. Comme je l’ai mentionné dès le titre des articles journalistiques, oui, respirer des cochonneries finit par abîmer la santé. Mais lorsqu’on prend conscience des risques effectifs et qu’on les compare avec d’autres (mourir d’un cancer parce qu’on fume, d’un accident de voiture parce qu’on est bourré, d’un accident domestique parce qu’on « change une ampoule » en prenant son bain), on mesure à sa juste valeur l’affolement qui semble s’être emparé de l’institut et des journalistes relayant « l’information ». Évidemment, la question qui se pose naturellement est de savoir si le coût des fameuses politiques plus radicales, mentionnées absolument nulle part, est largement contrebalancé par un gain d’espérance de vie de quelques %.
Mais à la limite, on peut même oublier ce petit calcul économique en imaginant qu’il est toujours rentable, pour vivre plus vieux, de faire des efforts et peu importe lesquels. On sent la pente glissante, mais baste, passons. Ce qui agace furieusement dans ce genre de publications et dans le bruyant relais qui en est fait dans la presse, c’est la position prédominante donnée à l’option de l’interventionnisme d’état : encore une fois, sans son intervention salvatrice et les chœurs d’angelots républicains dans le fond, il semble impossible que l’humanité puisse respirer autre chose que de gros nuages noirs et gras.
Certes, on peut toujours rappeler la nécessité de normes environnementales strictes, en oubliant pudiquement tous les cas où elles servent les intérêts bien compris de lobbies divers et variés, sans parler des participations fortuites mais lucratives de politiciens dans certaines entreprises justement positionnées dans le domaine. Certes, on peut toujours désirer un air plus pur qu’il ne l’a d’ailleurs jamais été en 1000 ans de sociétés humaines, mais il ne faut jamais perdre de vue que certains facteurs nous échappent encore et qu’on en découvre d’autres tous les jours. (Par exemple, la présence de plomb atmosphérique pourrait être une cause dans l’émergence de sociétés violentes.)
Mais avec tout ça, on en viendrait presque à oublier que la présence massive dans l’air de ces PM10, PM2.5 et autre cochonneries est la résultante directe de choix fiscaux impulsés par l’État lui-même pour favoriser le bon gros diesel qui pue au détriment d’autres solutions (qui puent aussi mais moins voire pas du tout). On en viendrait presque à oublier que, notamment dans les grandes villes, le choix catastrophique de concentrer les automobilistes sur des voies étroites accroît le nombre de bouchons, grands pourvoyeurs de ces particules et pollutions néfastes. On en viendrait presque à oublier que c’est bien joli de favoriser (fiscalement ou physiquement) les transports en commun, mais qu’un bon gros bus qui transporte 3 personnes et crame 40L au 100 pollue certainement bien plus que les trois voitures correspondantes au trajet de ces trois urbains branchouilles. On en viendrait presque à oublier que la multiplication de points d’arrêts (feux, giratoires rigolos, signalisation alternative amusante et mobile, etc…) dans les grandes villes, la disparition progressive et sciemment calculée des places de parking, la limitation drastique du nombre de taxis, tout ceci directement du ressort de l’état, n’améliore en rien la situation. Et on n’a pas encore évoqué le choix boboïde de production d’électricité par autre chose que le nucléaire (et donc : charbon ou pétrole, en pratique)…
Franchement, c’est ballot, mais l’État pleure sur des effets (sanitaires) dont il chérit les causes (fiscales). Et tout le long, le contribuable est bien sûr mis à contribution pour générer la situation initiale, puis pour payer les études sur les effets néfastes, puis pour payer les solutions mises en place pour corriger le tir.
Oups.