En 1798, l’Egypte est une province de l’Empire ottoman. En pratique, elle est aux mains des Mamelouks (des anciens esclaves affranchis qui ont pris le pouvoir), qui dirigent à la place du sultan et oppriment le pays. La jeune France révolutionnaire, généreuse à souhait, décide d’organiser une expédition militaire pour délivrer le peuple égyptien du joug de ses tyrans et lui apporter les idées des Lumières.
On voit donc que la guerre humanitaire au Proche-Orient ne date pas d’hier.
Cependant, quand on y regarde d’un peu plus près, on se rend compte que la réalité est légèrement différente. D’abord, il y a eu une certaine pression des commerçants français installés en Egypte, qui se plaignent des tracasseries administratives imposées par les Mamelouks. Le commerce et l’argent primant sur tout, l’idée de conquérir l’Egypte était dans l’air. Mais il s’agissait surtout d’affaiblir la Grande-Bretagne (qu’on n’osait pas attaquer de front) et de lui enlever une de ses colonies tout en l’affaiblissant en lui coupant la route des indes.
On envoie donc un jeune général (un peu trop remuant) pour « délivrer » de ses tyrans la terre des Pharaons. Ce général s’appelle Bonaparte. Celui-ci, qui voulait ressembler à César et à Alexandre le Grand, accepte avec joie cette mission. Il remporte la Victoire des Pyramides. Malheureusement, Nelson, qui avec son escadre cherchait la flotte française depuis des semaines, la découvre enfin dans la rade d’Aboukir et la détruit. Voilà donc les soldats français à la fois maîtres et prisonniers des terres d’Egypte. Le futur Napoléon laisse là ses soldats et revient précipitamment en France tirer les fruits de sa victoire. Bientôt il se proclamera empereur.
Watteau, Bataille des Pyramides, musée de Valenciennes
Tout cela pour dire que les interventions pour des raisons humanitaires ne datent pas d’hier et que ceux qui les dirigent pensent avant tout à leur carrière.
Heureusement, l’expédition d’Egypte eut des conséquences scientifiques bénéfiques puisque Bonaparte avait embarqué avec lui des historiens, des botanistes et des dessinateurs, lesquels se mirent à faire une description détaillée de tout ce qu’ils voyaient (suivant les armées et dessinant parfois alors qu’ils étaient en selle sur leur cheval). Leurs travaux vont donner naissance à l’égyptologie.
Sur le plan militaire, l’opération fut finalement un désastre car coincée en Egypte et privée de son général qui avait regagné la France, l’armée française va devoir affronter les Anglais. Atteints de maladie, les soldats capituleront et négocieront leur rapatriement sur des vaisseaux britanniques. Les Anglais voulurent saisir tous les croquis qui avaient été réalisés par les scientifiques français, mais après de nombreux pourparlers, ces derniers purent les emporter ave ceux, seules les pièces historiques restant en possession des Anglais. Ce fut le cas de la fameuse pierre de Rosette, qui se retrouva au British Museum dès 1802.
Elle est écrite en deux langues (égyptien ancien et grec ancien) et trois écritures : écriture hiéroglyphique, écriture démotique (une version simplifiée et plus cursive de la précédente, qui s’est répandue à partir de la XXVI° dynastie car le nombre d’écrits à remplir par les scribes devenait très important) et alphabet grec. On espérait bien, en partant du grec, parvenir à déchiffrer enfin ces fameux hiéroglyphes. C’est Jean-François Champollion qui en perça le mystère, comme chacun sait. Il le fit à partir des copies faites lors de la campagne d’Egypte. Du coup, il sauva l’honneur de la France face à cette Angleterre qui venait de l’humilier sur le plan militaire.
Pierre de Rosette