Ce bref roman part d’une idée tout simplement géniale. A l’heure où les romanciers américains font fleurir les histoires de bit-litt de toutes sortes, tout le monde avait oublié qu’en France, nous avons notre propre fait-divers historique, notre véritable loup-garou à nous. Céline Thibaut est allée chercher et réussit la manœuvre habile d’être rigoureusement fidèle aux faits historiques tout en les mettant au cœur d’une fiction tout à fait dans l’air du temps: une histoire d’amour impossible dans laquelle le fantastique va jouer un grand rôle. Bien qu’un peu rapide, cette histoire d’amour m’a convaincue: j’ai aimé voir Liana et Reyne se rapprocher avec simplicité et candeur, naturellement. Mais comme souvent dans ce genre de romance, j’ai de loin préféré les personnages secondaires. J’ai été touchée par Magdelaine, la grande sœur protectrice prise entre la rancœur de Reyne et la violence du frère aîné, Marius, qui leur a imposé sa volonté en les ramenant dans le Gévaudan. Le commissaire Valy, bourru et cynique, est un régal et ses échanges avec son médecin légiste un tantinet illuminé valent les dialogues des meilleures séries policières. Caroline la nymphomane au franc-parler désarmant est tout simplement savoureuse. De manière général d’ailleurs, l’humour, la dérision et le ton enjoué de ce roman sont un véritable point fort et rendent la lecture particulièrement agréable. Le livre se lit donc vite, avec fluidité, sur un rythme soutenu et très vivant, grâce aussi à l’alternance des points de vue qui provoque une polyphonie très agréable: un chapitre est raconté par Liana, le suivant par Reyne, le troisième par Valy et ainsi de suite. J’ai cependant un petit bémol: si les scènes de course-poursuite et d’angoisse sont particulièrement réussies et haletantes, le fantastique en lui-même manque un peu d’effet et de spectaculaire, le méchant manque un peu d’ampleur, la résolution va un peu trop vite. Puisque, comme elle nous le prouve en ajoutant un encart documentaire à son livre, Céline Thibaut s’est longuement documentée sur la bête du Gévaudan et ses “cousines” la bête de l’Auxerrois et la bête du Vivarais, j’aurais aimé qu’elle ne se contente pas de quatre ou cinq meurtres (alors que la bête en a signé plus de 70) mais qu’elle prolonge un peu la découverte de la créature et de l’horreur que suscitent sa nature et sa cruauté. A mon sens, ce livre aurait bien mérité quelques chapitres de plus.
La note de Mélu:
Une vraie bonne idée et un roman réussi mais perfectible. Un très grand merci à l’auteure pour m’avoir permis de le découvrir.
Un mot sur l’auteur: Céline Thibaut (née en 1983) est une auteure française qui signe ici son quatrième livre. D’autres de ses romans sur Ma Bouquinerie: