Les oiseaux préhistoriques étaient plus diversifiés qu’on le pensait auCrétacé inférieur. Sulcavis geeorum, un énantiornithine fraîchement découvert, possédait par exemple des dents spécialisées recouvertes d’émail, du jamais vu auparavant selon certains paléontologues.
Les oiseaux descendraient directement des théropodes, ce qui ferait d’eux des dinosaures vivants. Au Crétacé inférieur, notamment voilà 121 à 125 millions d’années, ils étaient particulièrement bien représentés par le groupe des énantiornithines qui dominait en nombre d’espèces (50 d'entre elles ont déjà été décrites) le clade des avialiens, rassemblant les dinosaures dont la musculature semble adaptée au vol. Ces oiseaux préhistoriques avaient une caractéristique qui paraît étrange aujourd'hui : des dents.
Ces structures sont précieuses pour de nombreux paléontologues, car leurmorphologie fournit d'importantes informations sur le régime alimentaire de leurs propriétaires et donc sur certaines de leurs habitudes. Jingmai O'Connor, de l’University of Southern California, ne risque pas de contredire cette idée. Grâce à la découverte d’une nouvelle espèce d’énantiornithines, elle vient, en compagnie de plusieurs confrères, de démontrer que ce groupe était encore plus diversifié qu’on le pensait jusqu’alors. Pour preuve, les dents de l’animal sont spécialisées. C'est la première découverte de ce genre chez les fossiles d'oiseaux exhumés jusque-là.
Le fossile du Sulcavis geeorum tel qu'il est apparu après avoir été préparé. La barre d'échelle en bas représente 10 cm. Cet oiseau préhistorique a vécu voilà 121 à 125 millions d'années dans la Chine actuelle. © Stephanie Abramowicz
Des sillons à l’arrière des dents de l’énantiornithine
Une fois encore, c’est un fossile extrait des sous-sols de la province du Liaoning en Chine qui est à la base de cette découverte. La nouvelle espèce d’énantiornithines se nomme Sulcavis geeorum. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est surprenante à plus d’un titre. De l’émail a en effet été trouvé sur ses dents, ce qui, une fois encore, est une première pour ce groupe de volatiles.
L’analyse des dents a révélé l’existence de sillons sur leur face interne, une adaptation qui a dû leur conférer une grande résistance. Aucun oiseau n’avait auparavant été trouvé avec des crêtes, des stries, des arêtes dentées ou toute autre forme d’ornementation sur ses dents. Les auteurs de l’article publié dans le Journal of Vertebrate Paleontology (JVP) estiment que l’animal devait être durophage, c'est-à-dire capable de croquer des animaux bien protégés.
Gros plan sur la tête de l'oiseau préhistorique Sulcavis geeorum découvert en Chine. La barre d'échelle représente 2 cm. Ses dents sont visibles sur la gauche de l'image. Elles pouvaient très certainement être utilisées pour briser des carapaces de crustacés et d'insectes. © Stephanie Abramowicz
L’énigme de la disparition de Sulcavis geeorum
Il se nourrissait probablement d’invertébrés possédant des exosquelettesrigides comme des crabes ou des insectes. Sulcavis geeorum se distingue ainsi de ses ancêtres qui possédaient majoritairement des dents adaptées à un régime alimentaire carnivore moins spécialisé.
Ainsi, tandis que la plupart des autres oiseaux perdaient progressivement leurs dents, les énantiornithines vivant au Crétacé inférieur semblent avoir acquis de nouvelles morphologies et spécialisations dentaires. Il reste maintenant à expliquer pourquoi ce groupe disparut durant la crise du Crétacé-Tertiaire alors qu’il semble avoir eu un franc succès de son vivant. Le régime alimentaire spécifique pourrait être en cause, mais ce n’est qu’une hypothèse qu’il faudra approfondir. Quoi qu’il en soit, cette étude souligne une nouvelle fois à quel point les oiseaux du Crétacé étaient diversifiés.