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2013 sera-t-elle l’année du changement en ce qui concerne le mariage ? C’est possible, car l’Assemblée Nationale va bientôt en débattre en séance : le 29 janvier. Etant une promesse de campagne de François Hollande, il est certain que celui-ci ne lâchera rien, disant qu’il ne laisserait pas la rue décider. Toutefois, force est de constater que le débat autour du Mariage pour Tous passionne de plus en plus. Les sondages d’opinions en faveur du projet semblent reculer quelque peu, les voix contre se font plus entendre, et chacun lutte avec ses armes. Les enjeux augmentent et le débat est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Voyons comment ce débat se porte à l’approche de la Manif pour Tous, qui réunira les partisans du non ce dimanche.
La proposition du candidat Hollande et le projet de loi
Au cours de la campagne présidentielle de 2012 qui a vu le candidat socialiste s’imposer, figurait une proposition importante, celle d’ouvrir aux homosexuels le droit de se marier et d’adopter des enfants. Cette proposition (la n°31) que François Hollande a portée et tient à respecter, faisait parti de ses « 60 engagements ». Touchant une institution, ce sujet de société est discuté plus sérieusement depuis le 8 novembre. Mais le droit des homosexuels ne fait pas débat que depuis cet engagement. En effet, cet engagement provient lui-même du fait que plusieurs pays ont déjà accordé aux homosexuels le droit de se marier civilement voire religieusement dans certains pays où il n’y a pas de distinction entre les deux mariages. De ce fait, les partisans du mariage homosexuels souhaitent que la France rattrape le retard sur cette quinzaine de pays dont le Canada, l’Argentine, la Suède… Le premier pays à avoir accordé ce droit fut les Pays-Bas en 2001. La France a quant à elle une législation depuis 1999, avec le Pacte Civil de Solidarité (PACS), qui avait déjà donné lieu à un débat acharné. Mais pour les partisans du mariage homosexuel, le PACS ne donne pas autant de droits et l’égalité ne serait respectée que si les homosexuels avaient le droit de se marier. De même, ils mettent en valeur la liberté qu’ont deux individus à contracter une alliance. Le 7 novembre 2012, le projet de loi fut présenté par le ministre de la justice, Christiane Taubira, au conseil des ministres. Il marque le début du débat et prévoit la possibilité de la célébration du mariage entre deux personnes de même sexe, ainsi que celle d’une adoption par ce même type de couple. Il change par conséquent le régime de noms de famille pour les couples homosexuels et change les termes du contrat pour ces mêmes couples.
Les « Pour » et les « Contre » : une alchimie imparfaite
Si globalement, on schématise en assimilant la gauche au « Pour » et la droite au « Contre », le débat est en réalité plus complexe que cela. Tout d’abord, tous les homosexuels ne sont pas favorables au mariage gay, soit parce qu’ils ne sont pas favorables au mariage tout court, soit parce qu’ils pensent que c’est une institution réservée aux couples hétérosexuels. C’est par exemple le cas de Xavier Bongibault, un homosexuel adhérent à l’UMP ayant créé un collectif gay contre le mariage pour tous : l’association « Plus gay sans mariage ». Son groupe compte plus de 200 adhérents, soit plus qu’ « Act Up », une association pour le mariage homosexuel, bien plus connue dans les médias, mais aussi plus ancienne.
De la même manière, tous les hommes politiques de gauche ne sont pas pour le mariage homosexuel et certains ont même envisagé de voter contre. C’est le cas de figures très connues au PS, comme Lionel Jospin ainsi que son épouse Sylviane Agacinski qui émettent des réserves sur l’expression de « mariage pour tous » pour le premier, et sur l’homoparentalité pour la seconde. De même pour Gérard Collomb, qui souhaite éviter une « industrie du portage d’enfant » comme c’est le cas aux Etats-Unis selon lui. Certains maires comme Daniel Delaune, de gauche aussi, annoncent d’ores et déjà qu’ils refuseront de célébrer ce type de mariage. Dans les cortèges des manifestations contre le mariage homosexuels apparurent aussi des gens ayant une sensibilité de gauche et des élus PS on envisagé de participer aux manifestations contre le projet de loi, en dépit de toute solidarité avec leur majorité. Il existe même tout un courant (certes minoritaire) au PS, qui est contre le mariage homosexuel : il s’agit des « Poissons Roses », le courant catholique du PS, mené par Philippe de Roux. Ce type de position est moins fréquente au Front de Gauche, mais existe tout de même.
Enfin, chez les catholiques et à droite, tout le monde n’est pas opposé au mariage pour tous. Selon un sondage IFOP, 45 pour cent des catholiques pratiquants seraient en faveur du mariage gay. C’est moins que la moyenne des français, qui reste à 60-65 pour cent, mais ce n’est pas négligeable. Ainsi, des catholiques ont répondu à l’appel de la Manif pour Tous par un « N’ayez pas peur » lancé par les « Jeunes Cathos pour l’égalité ». De même, 46 pour cent des sympathisants UMP sont favorables au projet de loi et Franck Riester, élu UMP, annonce que « le mariage gay ne détruira ni la famille ni la société ». Pour finir le tableau, le Front National apparaît divisé face à cette question. Marine Le Pen est contre, mais ne souhaite pas enfermer le Front National dans une position et laisse les adhérents penser ce qu’ils veulent. Mais elles même ne se rendra pas à la manifestation de ce dimanche. Gilbert Collard est plus tranché et plus clairement contre : ils manifestera avec la délégation FN le 13 janvier. Jean-Marie Le Pen est lui opposé au Mariage pour Tous et souhaiterais que sa fille soit présente à la manifestation. Pour finir, il semble que les sympathisants du Front National soient plus favorables au Mariage pour Tous que ceux de l’UMP, tout du moins selon certains sondages.
Le OUI en perte de vitesse ?
Le projet n’a pas tardé à faire débat : les contre comme les pour ont déjà mobilisé leurs troupes dans les rues. Une manifestation, menée par l’association catholique Civitas, a même dégénéré à cause de manifestantes du collectif féministe FEMEN s’étant infiltrées dans la manifestation et ayant fait irruption pour la perturber, « habillées » comme des bonnes sœurs et portant sur leurs seins nus des slogans pro-gay et anti-religieux. Quelques manifestants ont répliqués parfois avec violence.
Suite à cette affaire, les favorables au projet tentent de mobiliser leurs partisans, se rendant compte que l’opposition ne lâchera rien. Ils manifestèrent leur soutien au projet gouvernemental le 16 décembre : selon la police, ils étaient 60 000 à Paris, alors que les organisateurs parlent de 150 à 200 000 manifestants. Le groupe Egalité et Réconciliation affirme cependant qu’ils n’étaient que 10 à 15 000 à la place de la Bastille. Cette manifestation semble donc moins importante que celle de la mi-novembre, qui était contre. Une autre soutenant le projet de loi devrait avoir lieu le 27 janvier, soit deux jours avant le débat en séance à l’Assemblée Nationale.
Face à une opposition plus grande qu’attendu, la position en faveur des droits homosexuels a aussi subi quelques hésitations, comme lorsque François Hollande a évoqué la possibilité pour les maires d’exercer un droit de réserve et de laisser les adjoints marier les couples homosexuels. Aussi, même si la Procréation Médicale Assistée pour les couples de lesbiennes faisait également partie des engagements du président, il semble que celui-ci recule puisque l’amendement à propos de la PMA a été évincé de la loi. On pourrait considérer cela comme un recul, mais ce n’est que partie remise, puisque la PMA serait intégrée à la future loi sur la famille. Il s’agit sans doute de faciliter l’adoption du mariage pour tous.
Un NON conquérant
Le NON semble lui de plus en plus conquérant. Malgré des sondages globalement toujours en faveur du OUI, on peut dire que l’action des partisans du NON font plus douter les français qu’avant. Ceux-ci restent entre 60 et 65 pour cent à accepter le mariage homosexuel, selon les sondages. Mais l’homoparentalité ne fait pas encore l’unanimité et les français sont également 70 pour cent à penser que le Mariage pour Tous n’est pas une priorité. Ils sont en outre 69 pour cent à demander un référendum, ce qui montre qu’il y a une volonté de débattre, une interrogation. On peut donc résumer la pensée des français ainsi : ils ne sont pas opposés, mais ne militent pas corps et âme en faveur de cette question qu’ils souhaitent connaître plus. Nombreux lors des manifestations, les partisans du NON ont le vent en poupe. Ce dimanche, ils se réuniront dans une manifestation nationale à Paris, accompagnés d’élus de droite comme Jean François Copé et Brice Hortefeu. Une vraie logistique se met en place : covoiturage, TGV, des centaines de cars. Cela rappelle un peu la manifestation pour l’école libre en 1984, qui avait réunis un millions de personne et fait craquer le gouvernement de l’époque : la loi Savary avait été abandonnée. Cependant, ici, ce sont 300 à 500 000 manifestants qui sont attendus, ce qui est déjà important.
Tous les coups sont permis
Si ce débat fait rage, c’est aussi parce que l’antagonisme est fort entre les partisans de chaque côté. Depuis quelques jours, le débat s’invite progressivement dans l’école, qui risque d’être instrumentalisée. En effet, le 12 décembre, Eric de Labarre, secrétaire général de l’enseignement catholique en France a envoyé une lettre à chaque chef d’établissement privé. Il les invite à organiser des débats sur le mariage homosexuel. Un débat est tout à fait possible dans le cadre des programmes d’Education Civique, mais il conviendrait en ce cas de faire intervenir les élèves avant tout, aussi bien dans le travail de recherche que dans la prise de position, le professeur se devant d’être neutre et modérateur. Il n’est pas non plus complètement incohérent de rattacher ce débat au monde de l’éducation puisque le mariage homosexuel ouvrira aussi à l’adoption : les couples homosexuels pourront donc élever des enfants. Mais ce n’est pas ainsi que l’ont entendu les gens en faveur du Mariage pour Tous. Le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, a appelé à ne pas importer un débat de société concernant les adultes à l’école, en appelant à respecter la liberté de conscience de chacun et en invoquant la laïcité de l’école. Ce mardi, Eric de Labarre a souhaité préciser sa pensée en affirmant qu’il n’y aurait pas de débat avec les élèves pendant les heures de cours. Il souhaite en revanche qu’en dehors des cours se déroulent des débats entre professeurs, parents d’élèves et spécialistes. Il dit aussi qu’il n’a pas appelé à manifester le 13 janvier dans la lettre qu’il a écrite. Malgré toutes ces convenances, le débat s’invite bel et bien dans le champ scolaire. Ainsi, l’APEL (Association des Parents d’élèves de l’Ecole Libre) a lancé un appel contre le mariage homosexuel, une lettre qui fut reçue par les élèves de l’institut Saint-Lô-Agneaux en même temps que leur bulletin de notes… D’un autre côté, Najat Vallaud-Belkacem avait aussi défendu le mariage homosexuel devant des élèves de 4ème en octobre dernier dans un collège du Loiret, en parlant d’une « avancée » à propos du Mariage pour Tous. Toutefois, cela se situait dans un échange plus largement sur l’homophobie. Et tout cela en dépit de l’avis défavorable des français : 54 pour cent d’entre eux ne souhaitent pas qu’il y ait des débats sur ce sujet dans les classes.
Conclusion
On peut dire que la question du Mariage pour Tous et ses questions annexes (adoption, PMA) cristallisent donc une opposition ferme entre deux camps qui se constituent et se lancent dans une bataille. Cela promet, espérons le, un débat courtois mais argumenté. On sent une certaine division en France sur la question et même si le OUI part avec de l’avance, le NON n’a pas dit son dernier mot, ce dont témoignera sans doute la manifestation de dimanche.
De même, il ne faut pas oublier deux éléments : d’abord, sauf si un référendum est organisé (ce qui est peu probable à mon avis), ce seront les élus qui voteront. Et ensuite, le clivage gauche-droite jouera sans doute moins que d’habitude dans le vote, comme nous l’avons vu plus haut. Pour le moment, Médiapart mène l’enquête et a recueilli 380 réponses de députés à propos de trois questions : mariage, adoption et PMA. 168 socialistes ont répondu dont 159 favorablement au mariage. Pour l’UMP, 142 ont répondu non au mariage, 4 ont répondu oui et 8 réfléchissent encore. La carte suivante résume bien la situation actuelle qui est partagée, légèrement en faveur du PS : http://www.mediapart.fr/content/mariage-pour-tous-nos-trois-questions-aux-deputes-et-leurs-reponses. Vous pouvez y voir la position de la majorité des députés. A noter que beaucoup sont encore en réflexion : le débat à l’Assemblée Nationale sera-t-il l’occasion d’inverser la tendance ? De même, si la carte est mise à jour, les chiffres donnés datent de novembre, et nous avons remarqué que certains députés de gauche n’avaient pas donné de réponse mais s’étaient exprimés contre publiquement, comme notamment le député communiste Patrice Carvalho.
En bref, le débat n’est pas terminé et le vote sera peut-être plus serré que prévu.
SOURCES :
Alliancevita.orgAtlanticoDirect Matin Egalité et RéconciliationFrance 24 Jeunes Cathos pour l’EgalitéL’express Le FigaroLe FigaroLe JDD Le MondeLe Monde Blog Big Browser Le Monde Blog Education Le Monde Le Nouvel ObservateurLiberationOuest France Service public.frSeronet.infoSlateSud Ouest WikipediaWikipedia Yagg20 Minutes
Vincent Decombe