Une moyenne de 15 nouveaux albums de BD ont paru chaque jour en 2012.
Comment dans ces conditions, un amateur peut-il faire son choix. La visibilité des nouveautés est brouillée dans la masse. Pire, comment un libraire peut-il décemment offrir un panorama large et varié dans un espace obligatoirement réduit ? Comment peut-il constituer un fond et gérer les stocks ?
Je ne parle bien évidemment pas des supermarchés de la culture qui ne s’intéressent qu’aux gros tirages pour leurs têtes de gondole, quitte d’ailleurs à placer le dernier Titeuf (tiré à 1 million d’exemplaires) ou les derniers « Luky Luke » et autres « Largo Winch » sur TOUTES les têtes de gondoles renvoyant au diffuseur toutes les autres productions et forçant le lecteur à consommer sans lui laisser la possibilité d'exercer son libre arbitre.
Dans ces conditions, on peut s’interroger sur l’avenir de nombre de ces dessinateurs qui, pourtant, présentent régulièrement des ouvrages de grandes qualités, tant scénaristiques que graphiques, voués irrémédiablement au pilon.
Cette crise est bien entendu accentuée par le contexte économique morose. Mais pas que. Les relations entre auteurs et éditeurs n’ont jamais été aussi tendues. Ces derniers reportant sur les dessinateurs les contraintes d’un marché de plus en plus difficile à aborder, alors même qu’ils en sont les principaux responsables, en choisissant la méthode de la fuite en avant. Une politique dynamique – pour ne pas dire explosive – qui laissera sur le carreau bon nombre de petits éditeurs et dont alors les charognards de l’édition française se disputeront les restes. Si 326 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2012, il faut rester prudent et ne pas se méprendre sur ce chiffre en le mettant en relation avec les quatre groupes qui dominent largement l’activité du secteur avec près de 45 % de la production.
Autre cause de cette prolifération de titres, l’accroissement des publications d’œuvres étrangères, et notamment japonaises. Sur les 5565 livres de BD publiés en 2012, 2234 sont des traductions (Japon, USA et Corée). Soit 40 % des titres. Mais si l’on retire la réédition de titres préalablement édités sous des formes différentes (poche, recueils, intégrales, tirages de tête, coffrets) ; la publication des seules nouveautés n’est plus que de 4514 ouvrages ce qui fait passer les traductions à près de 50 % !
Reste malgré tout de l’espoir. Les albums de BD représentent une formidable réserve à disposition des autres médias. A condition, bien entendu, que tous les acteurs du 9e art participent de façon active à sa promotion. Alors, peut-être, les quelques 2000 auteurs francophones ayant publiés en 2012 pourront vivre (enfin) décemment de leur travail dans le monde de la BD
Source : Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande%Dessinée.