Conçu comme un cours magistral, suivi d'exercices et de leurs résolutions, l'opus de Cécile Lignereux, maître de conférences à l'Université Stendhal - Grenoble 3, analyse avec une précision scientifique précieuse le "protocole épistolaire singulier" mis en place par la marquise dans son commerce avec sa chère fille, Françoise de Grignan, lors de leur première année de séparation, à savoir 1671.
S'affranchissant sagement du carcan formel de l'époque - en pleine mutation du reste - la marquise entend imprimer à ses missives la relation authentique de ses sentiments. Elle sait aussi qu'elle doit en modérer l'expression pour ne pas indisposer Françoise.
S'inspirant des codes d'amitié du Tendre - chers à Madeleine de Scudéry - la marquise tente d'instaurer, au-delà de la relation biologique mère-fille, une certaine égalité dans leurs rapports. Elle adopte une "identité discursive parfaitement adaptée à sa destinataire" espérant que cette dernière, en retour, adoptera son style, les mêmes codes d'écriture.
Plutôt empirique, cette régulation de la communication se décline en une série de tournures, d'effets et accidents syntaxiques.. que la marquise assume, quoi qu'elle en dise, avec une joyeuse confiance en son talent. L'espace épistolaire devient ainsi celui d'une intimité recouvrée.
Par cette analyse...magistrale, Cécile Lignereux justifie la pérennité d'une correspondance, au départ, privée..
AE
A l'origine du savoir-faire épistolaire de Mme de Sévigné. Les Lettres de l'année 1671, Cécile Lignereux, cours, Presses universitaires de France & Centre national d'enseignement à distance, octobre 2012, 160 pp, 19,5 €