Les clochers restent un symbole fort des campagnes françaises et des cœurs anciens et préservés de nos villes.
Naissances, vies, décès, événements, les volées de cloches ont longtemps rythmé l’existence des humains.
Aussi lorsque la ville de Noisy le Grand a effectué la restauration de l’Eglise Saint-Sulpice, la décision a été prise en concertation avec l’architecte en chef des Monuments historiques Monsieur Gabor Mester de Paradj, de couler une nouvelle cloche pour l’édifice.
En effet, si l’église du XII siècle a toujours eu 3 cloches, il n’en reste pas moins que la place pour une quatrième avait bel et bien été prévu dans le beffroi dès l’origine…
Restauration et préservation de l’authenticité du bâtiment ont guidé les travaux.
Le choix du fondeur pour réaliser la coulée s’est porté sur la fonderie Paccard.
Paccard, c’est sept générations de naisseurs de cloches et ce, depuis 1796.
L’entreprise est basée à Annecy et de l’aveu même de Philippe Paccard, maître fondeur, il est peu fréquent de réaliser des coulées aussi importantes que celle de la cloche de Noisy le Grand à l’extérieur de la fonderie.
Il en faut plus pour faire reculer ces détenteurs d’un savoir-faire hérité de l’âge du bronze et la fonderie Paccard est prête à relever bien des défis.
Les interventions en extérieur sont également l’occasion d’expliquer l’art de la fonderie en public et de proposer des ateliers de créations de moules pour cloche, de cire perdue ou encore des concerts de carillons … et ainsi, transmettre la passion qui anime ces artistes du bronze.
Le vendredi 14 décembre, les noiséens étaient invités à assister à la coulée d’une cloche de 380 kg baptisée « Marie-Pascale ». Il est de tradition de prénommé les cloches ce qui démontre l’importance qui leur est prêtée aujourd’hui encore.
Evénement de taille puisque l’Ile de France n’a jamais vu de coulée directe sur son sol !
Suivez-moi dans cette jolie naissance, une histoire façonnée avec passion sous le signe du feu…
Les enfants de la ville apportent symboliquement les lingots de métal.
Une cloche, c’est avant tout de l’airain soit 78% de cuivre et 22% d’étain.
Les lingots sont chauffés pendant au moins 2h30 à 1 200°.
L’alchimie revisitée ? Les lingots grisâtres et froids se transmutent un magma doré… la gueule béante du four laisse entrevoir des reflets éblouissant…
Après quelques ajustements, les hommes de l’art s’assurent de la bonne qualité de la matière.
Puis, le magma est versé dans le moule. L’opération se déroule en quelques minutes, les yeux émerveillés suivent la descente de la lave incandescente jusque dans l’ouverture supérieure du moule qui donnera naissance à la future cloche.
Dans le secret de la nuit, elle va refroidir, se solidifier…
Que découvrirons-nous le lendemain ?
Tout se passera-t-il bien ?
Le 15 décembre vers midi, le moule carbonisé est cassé à coup de masse. Cette opération s’appelle le décochage.
On ne peut s’empêcher de se montrer impatient et un peu inquiet devant les coups assénés.
La naissance se déroule pourtant sans anicroches et Marie-Pascale exhibe fièrement ses 380kg après une toilette sommaire.
Il faudra encore patienter quelques mois avant qu’elle rejoigne le clocher de l’Eglise Saint-Sulpice …
Confiée à la fonderie Paccard, elle va être soigneusement polie mais surtout accordée.
C’est qu’elle devra joliment chanter, aussi bien que ces sœurs déjà en place.
Car n’oublions pas qu’une cloche est avant tout un instrument de musique qui nécessite l’intervention d’une oreille attentive et une main délicate pour espérer offrir une jolie mélodie…
Rendez-vous dans quelques mois pour l’installation définitive de Marie-Pascale dans le beffroi et « … sonnent les cloches » !