Touche pas mes pistolets

Pas besoin de comprendre l’anglais pour mesurer à lumière de cette « discussion » la passion —ou plutôt la fureur— qui s’empare du débat dès lors qu’on parle de contrôler les armes à feu dans ce pays. L’intonation suffit.

Le type qui hurle qu’il ne rendra pas les armes est Alex Jones, un populaire animateur de radio basé à Austin, Texas. Il a posté une pétition à la Maison Blanche pour interdire de séjour aux Etats-Unis le présentateur de CNN Piers Morgan, au motif qu’il utilise son émission à grande écoute pour promouvoir la restriction des ventes d’armes depuis le massacre de 20 enfants dans une école du Connecticut, ce qui le rendrait « hostile au second amendement de la constitution ». Bien que travaillant pour CNN aux Etats-Unis, Piers Morgan est un citoyen britannique. Pour Alex Jones, c’est la cible idéale :

Hitler a pris les armes [des mains des citoyens], Staline a pris les armes, Mao a pris les armes, Fidel Castro a pris les armes, Hugo Chavez a pris les armes. Et je suis là pour vous dire, [la révolution de] 1776 va recommencer si vous essayez de nous reprendre nos armes. (…) Piers, n’essaye pas ce que tes ancêtres ont essayé avant toi. Viens en Amérique, je peux t’emmener apprendre à tirer avec moi, tu peux devenir américain et rejoindre la République ! »

Alex Jones n’est pas fou. Ce n’est pas non plus le premier à surfer sur les théories conspirationnistes qui dépeignent le gouvernement américain comme le principal ennemi de son propre peuple. Comme d’autres, il pense dans le plus pur esprit du Second Amendement de la constitution que seuls des citoyens armés peuvent protéger la nation contre la dictature. Preuve (douteuses) à l’appui, il explique aussi que plus d’armes en circulation conduisent à moins de crime. Toute autre réalité serait une manipulation du gouvernement (il pense aussi que le gouvernement est responsable des attaques du 11 septembre).

Alex Jones représente une certaine Amérique. Il nous rappelle que le pays est né dans le sang et l’alcool. Un revolver dans une main et une bouteille de whisky dans l’autre. Il nous rappelle que c’est la nature de l’Amérique de limiter le pouvoir de son gouvernement. Mais surtout, il nous rappelle qu’il fait bon vivre aux Etats-Unis aussi loin que possible du Texas, et qu’il ne fait pas bon l’avoir comme voisin : ce type —qui se met si facilement en colère— avoue de bon coeur posséder un arsenal d’une cinquantaine d’armes à feu.

La pétition d’Alex Jones a réuni plus de 100.000 signatures à ce jour, obligeant la Maison Blanche à une réponse (elle s’honore de répondre à toute pétition réunissant plus de 20.000 signatures). En général, c’est un porte-parole qui s’y colle, mais dans le cas de la pétition d’Alex Jones contre Piers Morgan, une réponse de Barack Obama en persone a été publiée sur le site de la Maison Blanche, sous la forme d’une vidéo de 3 minutes. Elle nous rappelle la voix de l’autre Amérique:

En discutant du Second Amendement [la liberté de posséder une arme], il est important de garder à l’esprit le Premier [la liberté d'expression].

Et pan!

Mais il y a au moins un sujet sur lequel tout le monde est d’accord de ce côté-ci de l’Atlantique : en Amérique, les gays aussi, ont le droit de porter une arme