![La joie des humbles. La Missa Nativitatis Domini de Zelenka par Musica Florea paul troger vierge a l enfant](https://media.paperblog.fr/i/604/6040209/joie-humbles-missa-nativitatis-domini-zelenka-L-KAPAF5.jpeg)
Paul Troger (Welsberg, Tyrol, 1698-Vienne, 1762),
Vierge à l'enfant, sans date.
Huile sur toile, collection Alfred Sammer
(cliché © Michael Himml, Stift Klosterneuburg)
Depuis quelques années, la série « Musique de la Prague du XVIIIe siècle » initiée par le label Supraphon se révèle riche en découvertes passionnantes, comme celles, par exemple, d'œuvres totalement oubliées de Reichenauer ou de Brentner. Au printemps dernier, cette très recommandable collection accueillait, à l'occasion d'un programme pascal, celui qui est sans doute aujourd'hui le plus célèbre des compositeurs bohémiens de l'époque baroque, Jan Dismas Zelenka. Il fournit aujourd'hui la matière d'un second disque, cette fois pour le temps de Noël, que nous offre un ensemble dont la renommée commence à être bien établie en France, Musica Florea.
Au tout début de la décennie 1710, Zelenka, fils du cantor de Louňovice pod Blaníkem, un village situé à environ 80 kilomètres au sud-est de Prague, quitta cette dernière ville où il est très probable qu'il avait fait ses études auprès des jésuites du Collegium Clementinum, pour gagner la prestigieuse cité de Dresde où il venait d'obtenir un poste de joueur de violone au sein de la Hofkapelle. Même si sa carrière ne devait pas lui apporter que des motifs de satisfaction, comme en atteste le camouflet qu'il subit lorsque le prince-électeur lui préféra Hasse pour assurer la succession de Heinichen à la tête de la Chapelle royale en 1730, Zelenka demeura pour le reste de sa vie sur les bord de l'Elbe, tout en conservant des liens étroits avec la Bohème. À la suite d'un voyage qu'il fit à Prague en 1721-22, il obtint, de la part du Collegium Clementinum, la commande du Melodrama de Sancto Wenceslao (ZWV 175) qu'il dirigea devant l'empereur Charles VI et l'impératrice Élisabeth Christine le 12 septembre 1723, à l'occasion des cérémonies marquant leur couronnement comme roi et reine de Bohème, obtenant un éclatant succès. La Missa Nativitatis Domini, composée en une petite dizaine de jours à partir du 16 décembre 1726 pour être très probablement exécutée le 26 ou le 27 du même mois à Dresde, possède également des connexions pragoises, puisqu'une copie réalisée en 1736 pour l'église jésuite Saint-Nicolas survit aujourd'hui à la bibliothèque nationale de la République tchèque.
![La joie des humbles. La Missa Nativitatis Domini de Zelenka par Musica Florea missa nativitatis domini manuscrit page de titre](https://media.paperblog.fr/i/604/6040209/joie-humbles-missa-nativitatis-domini-zelenka-L-QCvFOA.jpeg)
Si l'on ignore la date de composition et la destination du très beau motet Chvalte Boha silného, (Laudate Dominum) l'unique de Zelenka sur un texte tchèque qui nous ait été transmis, cette pièce aux balancements par instants presque populaires offre, en son épisode central, un excellent exemple de l'art d'illustrateur musical du compositeur, puisqu'il y fait intervenir de courts solos des instruments de l'orchestre, répétés au besoin, afin de personnifier ceux décrits par le texte (cors pour les « trompes », cordes jouées en pizzicato pour les « luths » et les « lyres » et col legno pour les « tambourins », hautbois pour les « chalumeaux », violons et orgue dans leur propre rôle), dans une description à la fois vivante et virtuose qui dégage un charme certain. Plus connu, enfin, le Magnificat en ut majeur ZWV 107 pour soprano, chœur et orchestre est une page sans doute écrite vers 1727 qui joue sans complexe la carte du style concertant et regarde volontiers du côté de l'opéra, cette volonté de briller gagnant même la fugue qui, comme il se doit, conclut le morceau.
Les musiciens de Musica Florea (photographie ci-dessous) abordent ces pages avec une franchise et une fraîcheur tout à fait réjouissantes qui, bien qu'aucune ne soit inédite au disque, permettent à l'auditeur de les accueillir avec une oreille renouvelée. Le chœur, à trois chanteurs par partie, et l'orchestre, composé d'une petite vingtaine de musiciens, font preuve de qualités communes de clarté, de discipline et de souplesse qui donnent à leur interprétation une grande unité de ton ; celle-ci n'entraîne cependant aucune uniformité, car voix et instruments savent préserver toutes les différences qui fondent leur personnalité. Les solistes participent à ce même sentiment de cohérence, par leur absence d'affectation et la sincérité qu'ils mettent dans leurs interventions.
![La joie des humbles. La Missa Nativitatis Domini de Zelenka par Musica Florea Musica Florea](https://media.paperblog.fr/i/604/6040209/joie-humbles-missa-nativitatis-domini-zelenka-L-bUiPcr.jpeg)
Voici donc un fort beau disque Zelenka que je conseille à tous ceux qui aiment ce compositeur de découvrir sans tarder et qui leur apportera très vraisemblablement des plaisirs durables et sans cesse renouvelés. Puisse Supraphon continuer à nous proposer longtemps encore d'aussi beaux voyages au cœur de la musique de la Prague du XVIIIe siècle, qu'il s'agisse de partitions déjà exhumées ou de trésors qui ne demandent qu'à l'être.
![La joie des humbles. La Missa Nativitatis Domini de Zelenka par Musica Florea Jan Dismas Zelenka Missa Nativitatis Domini Musica Florea](https://media.paperblog.fr/i/604/6040209/joie-humbles-missa-nativitatis-domini-zelenka-L-i9Nvhb.jpeg)
*Barbora Sojkova, soprano
**Marketa Cukrova, alto
+Tomaš Kral, basse
Musica Florea
Marek Štryncl, direction
1 CD [durée totale : 60'03"] Supraphon SU 4111. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Missa ZWV 8 : Kyrie
2. Missa ZWV 8 : Gloria– Domine Deus
3. Missa ZWV 8 : Credo– Crucifixus
4. O magnum mysterium, ZWV 171
Un extrait de chaque plage de ce disque peut être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
Musique à Prague au 18e siècle | Jan Dismas Zelenka par Marek StrynclIllustration complémentaire :
Page de titre de la copie manuscrite de la Missa Nativitatis Domini, 1736, cote 59 R 2033, Prague, Bibliothèque Nationale de la République tchèque. L'intégralité du manuscrit peut être consulté en suivant ce lien.