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2013 : Bons baisers de Hollandie !

Publié le 10 janvier 2013 par Sylvainrakotoarison

Petit retour sur les vœux présidentiels et sur l’année 2013 qui s’annonce pour la France… Après le volontarisme de vitrine sarkozyen, voici le vous-allez-voir-ce-que-vous-allez-voir impuissant de François Hollande.

yartiHollandie01Ceux qui ont critiqué le manque de stature présidentielle de Nicolas Sarkozy ne devraient pas être déçus par son successeur : ils pourront toujours continuer à fustiger l’attitude du Président de la République. L’allocution des vœux qu’il a prononcée le 31 décembre 2012 à la télévision confirme une fois encore que la France manque sérieusement d’un capitaine sachant fixer le cap et pouvant anticiper sur les événements.

L’autosatisfaction non compassionnelle

Pour François Hollande, l’année 2012 est l’année de son élection, celle d’un miraculeux coup de poker qu’il croyait jouer pour 2007 mais qu’il a finalement gagné en 2011 et 2012. Il a réussi à la fois à prendre de vitesse son parti (prêt à se livrer à Dominique Strauss-Kahn) sous le regard dubitatif des autres éléphants, et à séduire les Français (agacés par l’attitude peu présidentielle de Nicolas Sarkozy) d’une manière inespérément normale.

Et finalement, même lorsqu’il parle du chômage, il n’a pas pu s’empêcher d’être optimiste et d’esquisser un discret rictus, le sourire un peu niais de l’autosatisfaction de sa double campagne efficace et rude. Lui est arrivé alors que rien n’est commencé sur le front de l’emploi.

N’est pas Mitterrand qui veut. Dans ses vœux, François Mitterrand, dont le degré d’honnêteté intellectuelle et de sincérité politique est désormais connu de tous, avait quand même su parler aux plus défavorisés sur un ton compassionnel crédible. Feindre la compassion n’est pas donné à tous. N’est pas non plus Churchill qui veut : on ne promet pas du sang ni des larmes quand on arbore un joli sourire d’autosatisfaction.

N’est pas non plus Pierre Mendès France qui veut (voir aussi plus bas) : « Certains redoutent qu’un langage loyal et ferme sur la situation présente n’entraîne le découragement. C’est qu’ils n’ont pas foi dans la volonté et dans l’aptitude de la nation à se redresser. » disait l’ancien Président du Conseil, ce que François Hollande a commenté le 5 janvier 2013 ainsi : « La vérité, c’est de dire que ce sera très difficile. La volonté, c’est de dire qu’on va se mobiliser pleinement. ».

Droit dans ses bottes ? face au mur ?

François Hollande n’est pas crédible parce qu’il s’évertue à rester aveugle alors qu’il pourrait ouvrir les yeux. Rien que les perspectives de la croissance pour 2013, bien trop faibles pour faire redémarrer l’emploi (comme l’a rappelé Jean-Luc Mélenchon dans son débat un peu brutal face à Jérôme Cahuzac le 7 janvier 2013). Non seulement le gouvernement refuse de revoir à la baisse sa perspective de 0,8% alors que tous les organismes indépendants tablent plutôt sur 0,1-0,2% (ce qui, du reste, signifie mécaniquement qu’il y aura un nouveau plan de rigueur après l’été 2013 pour maintenir l’objectif du déficit public à 3% du PIB), mais il croit au Père Noël. C’est peut-être encore l’époque (du moins en Russie), mais ce n’est pas très sérieux quand on prétend gouverner un pays de 66 millions d’habitants.

Ses propos restent incantatoires : il a affirmé que tout devait être fait pour favoriser l’emploi. Mais encore heureux que c’est son objectif ! La France compte aujourd’hui 3 132 600 demandeurs d’emploi. Et encore, sans compter les emplois précaires ou à temps partiel. La lutte contre le chômage, cela aurait dû être l’objectif principal de tous les gouvernements depuis au moins trente ans ! Le chômage non seulement mine la population par la précarité et la paupérisation croissantes, mais aussi les comptes publics et la fragile cohésion sociale prête à se déliter dans de errements sécuritaires ou sociétaux.

Promesse peu raisonnable

Dans sa conférence de presse du 13 novembre 2012, puis dans ses vœux du 31 décembre 2012, François Hollande a promis aux Français l’inversion de la courbe du chômage pour la fin de l’année 2013. D’une part, cela signifie que l’année 2013 va être socialement catastrophique, que des pans entiers de l’économie vont encore s’effondrer (le rythme est entre 30 000 et 45 000 emplois détruits par mois). Mais d’autre part, cette promesse n’est pas très responsable : l’État a peu de leviers (mais il en a), et la conjoncture économique internationale aura une influence bien plus grande que les incantations hollandiennes.

D’autant plus irresponsable et hasardeuse qu’elle n’a même plus la nécessité d’un objectif électoral, et donc, c’est le crédit de la parole publique qui va en prendre un coup si d’aventure, ce que je ne souhaite évidemment pas, cette promesse n’était pas tenue. Pierre Mendès France avait coutume de dire : « Ne rien promettre qu’on ne puisse pas tenir ».
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François Hollande, qui ne disconviendrait pas d’en être l’un des héritiers politiques, aurait mieux dû s’en inspirer (le comble, c’est qu’échaudé par le dossier Florange, il a rappelé paradoxalement cette citation dans la ville même de Pierre Mendès France, à Louviers, le 5 janvier 2013, puis à Val-de-Reuil, à propos du dossier Petroplus : « Nous ne devons jamais promettre au-delà de ce que nous sommes absolument sûrs de pouvoir tenir. (…) L’État fera son devoir, mais l’État ne peut pas être le repreneur, et ça, les salariés le savent parfaitement. »).

Car qu’adviendrait-il en cas de situation morose en fin 2013 ? La dépréciation complète non seulement de la parole présidentielle mais également de toute parole de responsable politique prétendant gouverner. Et cela ne pourrait profiter qu’à ceux qui dénoncent les promesses jamais tenues en promettant paradoxalement encore bien plus, par simple démagogie électorale. Bref, cela profiterait aux extrémismes.

Les outils du Président Hollande

Quelles sont les éléments qui pourraient rendre optimiste François Hollande sur le front de l’emploi ? Il y a trois pistes sociales sur lesquelles il compte beaucoup pour l’année 2013.

1. Les "emplois d’avenir"

Le dispositif a déjà été voté avec la loi n°2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir (chapitre IV du titre III du livre Ier de la 5e partie du Code du travail), et est donc déjà opérationnel.

Ce sont 150 000 emplois aidés pour les associations ou les collectivités locales. 75% du SMIC est payé par l’État (35% dans le secteur marchand) et le reste par l’employeur. Il s’agit de CDI ou de CDD de trois ans. Le coût public est estimé à 1,5 milliards d’euros par an. Son but est de « faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à une qualification pour des jeunes en difficulté ».

Ce dispositif n’est pas nouveau ; il y a presque trente ans, le Premier Ministre Laurent Fabius avait déjà proposé le même type d’emplois aidés avec les TUC (décret n°84-919 du 16 octobre 1984 portant application du livre IX du Code du travail aux travaux d’utilité collective). Par la suite, d’autres gouvernements y ont eu recours sous d’autres appellations.

Cette mesure ne fera rien pour créer des emplois (sinon artificiellement, peut-être avec quelques effets d’aubaines dans des collectivités locales majoritairement gérées par des proches du gouvernement) et ne vient pas dans une logique économique, mais elle permet au moins à 150 000 jeunes de se réinsérer dans la vie active, et cela n’est pas négligeable malgré tout. Ce n’est pas un hasard si des parlementaires centristes et même certains de l’UMP ont finalement voté cette loi.

2. Les contrats de génération

Le dispositif résulte d’un accord entre les partenaires sociaux le 22 octobre 2012 après un mois de négociations. Le projet de loi portant création du contrat de génération est encore en discussion au Parlement. Il a été adopté au Conseil des ministres du 12 décembre 2012 et déposé le même jour sur le bureau de Claude Bartolone avec un engagement de procédure accélérée. La discussion en séance publique pour la première lecture à l’Assemblée Nationale se déroulera du 15 au 18 janvier 2013. C’est le premier projet de loi à être examiné par l’Assemblée Nationale en janvier et l’objectif est de l’appliquer dès fin mars 2013.

L’idée est d’encourager le recrutement en CDI d’un jeune (moins de 26 ans) tout en maintenant l’emploi des plus âgés (à partir de 55 ou 57 ans). Pour les entreprises de moins de 300 salariés, des allégements de charges sont prévus.

Le recrutement d’un jeune de moins de 26 ans et le maintien d’un "senior" de 57 ans et plus (ou le recrutement d’un "senior" de 55 ans et plus), permettra à l’entreprise de moins de 300 salariés d’avoir une aide de 4 000 euros par an pendant trois ans.

De plus, s’il n’y a pas eu de licenciement économique sur le poste dans les six mois précédents, et aucun licenciement de salarié âgé de 57 ans et plus pendant la période de versement de l’aide, l’entreprise de moins de 300 salariés bénéficiera de 1 000 euros par trimestre (pour le maintien du jeune et du "senior").

Pour les plus grandes entreprises, le gouvernement n’a prévu que des pénalités en cas d’absence de négociation sur l’embauche de jeunes dans l’entreprise.

Ce dispositif devrait concerner 100 000 contrats en 2013 puis 130 000 contrats par an les années suivantes, ce qui impliquerait environ un demi million de jeunes sur tout le quinquennat. Il coûterait à l’État 180 millions d’euros la première année (2013) et cela monterait jusqu’à 1 milliard d’euros en 2016.

Comme pour les "emplois d’avenir", ces contrats de génération sont positifs d’un point de vue social car il va favoriser le recrutement de jeunes et décourager le licenciement des "seniors".

Cependant, on peut douter de la pertinence d’associer un jeune et un senior dans la même entreprise. L’idée voulant qu’il y ait un transfert de savoir-faire du second au premier est intéressante mais malheureusement assez dépassée.

D’une part, les nouvelles technologies font que les jeunes en connaissent parfois bien plus que les plus âgés. D’autre part, si les plus expérimentés pourraient apporter avantageusement cette formation aux plus jeunes, tout le monde ne serait pas forcément adapté au rôle de formateur (c’est un métier), et par ailleurs, ce transfert de savoirs professionnels serait plus à l’avantage de l’entreprise que du "senior" qui aurait plutôt intérêt à garder pour lui son savoir-faire pour rester indispensable dans l’entreprise et garantir son emploi (ce sentiment est très répandu depuis plus de vingt ans et sera difficilement évitable).

Certains économistes ont noté que la conception même de ces contrats de génération a balayé le principe général des 35 heures et du partage du temps de travail qui voulait entre autres que les plus vieux devait laisser la place aux plus jeunes. Ici, les "seniors" ne prennent plus l’emploi des plus jeunes, ils y sont au contraire associés.

Autre point positif : ces contrats sont des CDI, ce qui réduit la précarisation du marché du travail, ce qui est un avantage pour les salariés en général.

3. Flexibilité et sécurité du marché de l’emploi

Les 10 et 11 janvier 2013, des négociations s’achèveront entre les partenaires sociaux pour modifier le Code du travail dans un double sens : renforcer les droits des salariés et assouplir les conditions de licenciement des employeurs. La CDFT devrait se retrouver favorablement du côté du MEDEF et du gouvernement tandis que la CGT devrait s’y opposer. La position de FO pourrait donc être déterminante sur le succès ou l’échec de ces négociations.

C’est clair qu’il n’en ressortira rien de très motivant pour les salariés. Qu’ils puissent savoir qu’ils pourraient bénéficier d’une mutuelle de santé même en période de chômage n’est qu’un élément anecdotique dans le drame qu’ils vivraient pour retrouver un autre emploi. Et assouplir les conditions de licenciement, c’est éviter les nombreuses procédures aux prud’hommes, ce qui réduira certes l’insécurité financière des employeurs, mais c’est aussi se risquer à encourager des licenciements abusifs sans aucun recours possible.

Dans tous les cas, ces trois mesures sur le marché de l’emploi n’influeront qu’à la marge sur un redressement économique du pays qui doit d’abord être basé sur des entreprises françaises qui produisent puis trouvent des clients en France ou à l’étranger. Tout le reste n’est qu’accompagnement social, parfois nécessaire, précieux pour les bénéficiaires bien sûr, mais sans logique de reconquête industrielle.

4. Les autres mesures plus économiques

Le pacte pour la compétitivité présenté le 6 novembre 2012 ainsi que le chemin de la réduction du déficit public sont deux autres pistes de redressement plus économique que social sur lequel le gouvernement se fonde.

Si le transfert de 20 milliards d’euros des charges des entreprises est insuffisant et se réalise d’une manière très complexe (crédit d’impôts), il va cependant dans la bonne direction, la même, du reste, que la TVA sociale proposée par Nicolas Sarkozy le 29 janvier 2012 (et mise en œuvre avant de quitter l’Élysée : pourquoi François Hollande est-il revenu sur cette mesure qu’il aurait pu ne pas assumer politiquement mais avec l’avantage d’être déjà réalisée et refaire à peu près la même chose en devant assumer cette augmentation de la TVA lui-même ? C’est un mystère).

Pour la réduction du déficit, les "experts" tablent plus sur un déficit de 3,5% du PIB à la fin de 2013, perspective démentie systématiquement par le gouvernement qui en reste à 3% et qui refuse également toute nouvelle hausse d’impôt (mais qui n’a pas une prévision de croissance crédible). Ce type de grand écart devra bien trouver un épilogue d’ici la fin de l’année 2013.

L’étape suivante qui va être essentielle pour la crédibilité du gouvernement, ce sera bien sûr la réalisation des objectifs de réduction des dépenses publiques. 10 milliards d’euros pour 2013 et sur tout le quinquennat, cela devra aller jusqu’à 65 milliards d’euros. Pour l’instant, comme pendant la campagne présidentielle, rien de bien concret n’a été exposé sur ces économies (énormes) de train de vie de l’État. Pourtant, il suffirait de chercher du côté des collectivités locales pour avoir déjà un début de piste…

Incantations…

Adepte de la méthode Coué, François Hollande reste encore dans son raisonnement de campagne : en gros, avec moi, avec la Providence, la croissance va arriver, probablement des États-Unis d’ailleurs, et grâce à moi (enfin, grâce à l’économie américaine, et peut-être, grâce à l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis plus précisément), la croissance permettra une inversion de la courbe du chômage.

Le 5 janvier 2013 toujours à Louviers, François Hollande a convenu : « Je dois montrer l’exemple. Je suis le premier responsable. Ce qui va ou ne va pas, c’est au Président de la République de l’assumer. Je ne délègue à personne d’autre cette responsabilité d’assumer devant les Français la politique que je conduis. ».

Je lui conseille donc, pour plus d’efficacité, d’allumer quelques cierges à Notre Dame …des Landes !
Et bien sûr, meilleurs vœux à lui.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 janvier 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Hollande et ses moi-je.
Débat Mélenchon vs Cahuzac.
François le clown ?
Le verbe roi.
Les 60 000 fonctionnaires en plus.
Retour à la compétitivité.
La dette publique.
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