Un vétéran revient de la Guerre du Pacifique. Il rencontre alors Lancaster Dodd, « Le Maître », meneur d’un mouvement surnommé « La Cause ». Freddie tombe rapidement sous sa coupe.
The Master
« The Master », c’est lui : Paul Thomas Anderson. 42 ans et déjà 6 grands films à son actif. Considéré comme l’un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération (aux côtés de James Gray et Wes Anderson par exemple, qui ont le même âge à un an près), Anderson signe son premier « grand » film à l’âge de 26 ans, Boogie Nights, narrant les aventures d’un jeune Californien (Mark Wahlberg) dans le monde de la pornographie. P.T.A revient deux ans plus tard avec l’excellent Magnolia, et en 2002 avec Punch Drunk Love, une comédie avec Adam Sandler passée presque inaperçue. En 2007 sort There Will Be Blood (avec Daniel Day-Lewis), désormais devenu une référence du 7ème art.
Parmi ses inspirations, Anderson cite volontiers Robert Altman (MASH, Nashiville) Jonathan Demne (Le Silence des Agneaux, Philadelphia) Martin Scorsese ou encore Stanley Kubrick. P.T.A. aime également retrouver ses acteurs fétiches (Philip Seymour Hoffman, Philip Baker Hall, John C. Reilly, Julianne Moore, William H. Macy et Luiz Guzman) : The Master ne déroge pas à la règle (Philip Seymour Hoffman) mais inaugure le travail entre le réalisateur et Joaquin Phoenix, qui, depuis Two Lovers de James Gray en 2007 n’avait pas joué dans un autre film (à part le faux-documentaire I’m Still Here, qui avait été rejeté autant par la critique que par le public, même si j’ai trouvé ce film particulièrement intéressant !).
« La Cause »
Pour son nouveau film, Anderson s’est attaqué à l’Eglise de la Scientologie (même si elle n’est pas explicitement nommée dans le film, on ne doute pas une seconde que le réalisateur y fait référence). Tom Cruise en personne avait d’ailleurs tenté de convaincre Anderson d’abandonner le projet, vainement. The Master a d’ailleurs failli ne jamais exister, son budget étant jugé trop élevé, il sera finalement transféré d’Universal à la Weinstein Company, qui acceptera de le produire.
Le film s’inspire librement de l’histoire de L. Ron Hubbard, ex-auteur de science-fiction qui fonda l’Eglise de la Scientologie (considéré comme une « dérive sectaire » en France) dans les années 1950. Ici, le « gourou » de la secte (Lancaster Dodd) est interprété par Philip Seymour Hoffman, tandis que Freddie, un ancien soldat de retour de la Guerre du Pacifique, est joué par Joaquin Phoenix. Profitant de sa faiblesse psychologique après son retour de la guerre, Dodd ne tarde pas à proposer à Freddie de l’aider. Bien sûr, il accepte.
Se crée alors une relation très particulière entre ces deux personnages – interprétés brillamment par ce duo d’acteurs très talentueux. Un jeu exceptionnel qui nous procure des émotions intenses, et qui permet ainsi de cerner la complexité de leur relation. Relation père/fils ? Relation maître/élève ? Difficile à dire mais une chose est sûre : Hoffman est véritablement impressionnant. Et le rôle n’est pas des plus faciles : parfait orateur, gourou moderne, mari atypique, père de famille et père spirituel, meneur charismatique. Autant de facettes qui ressortent assez facilement du jeu de Philip Seymour Hoffman, et qui montrent que c’est un grand monsieur (pour ceux qui en doutaient encore !). Joaquin Phoenix est également saisissant : pour dire, Anderson l’a comparé à Daniel Day-Lewis, et certains le comparent même à Marlon Brando. Il est très probable que l’un des deux acteurs (les deux ? j’en doute) reçoivent une récompense à la prochaine cérémonie des Oscars. Pourquoi pas Philip Seymour Hoffman ? (qui en a déjà remporté un pour Truman Capote).
Du cinéma
Tourné en pellicule (format 65 mm), The Master est comme le dit Paul Thomas Anderson la « photographie d’une photographie ». Étonnamment, Anderson quitte Robert Elswit, son directeur de la photographie « attitré » (qui avait notamment remporté l’Oscar de la Photographie pour There Will Be Blood). Il est remplacé par Mihai Malăimare, Jr., un chef opérateur roumain, qui avait notamment travaillé avec Francis Ford Coppola (Tetro, Twixt, L’Homme sans Âge). Ceci dit, le changement de chef-opérateur ne se fait pas ressentir à l’écran.
Concernant la musique, le réalisateur retrouve Jonny Greenwood (le guitariste de Radiohead) avec qui il avait déjà travaillé sur There Will Be Blood en 2007. Elle prend une part très importante dans ce long-métrage, comme l’indique la scène d’ouverture du film : un plan large sur les remous crées par un navire, accompagné par un son assez désagréable d’instruments à cordes, qui nous plonge directement dans l’ambiance générale du film. Ce n’est pas sans rappeler la séquence qui ouvre There Will Be Blood qui commence également au son incommodant des cordes.
On peut finalement se demander où veut en venir P.T.A. avec ce nouveau film. Est-ce réellement une critique de la Scientologie ? Un film sur les traumatismes de la guerre ? Sur l’amitié ? On a globalement un peu de mal à savoir où Anderson veut nous emmener, et c’est par moment assez dommage. Toutefois, ce qu’on sait, c’est que Paul Thomas Anderson est un véritable génie.