Les grandes organisations contemporaines paraissent fort « complexes ». En effet, face à un environnement jugé lui-même complexe, elles ont eu tendance à augmenter leur propre complexité. La perception des transversalités extérieures a conduit à internaliser ces transversalités à l’intérieur.
Par conséquent, le mode d’organisation longtemps le plus efficace, celui de la hiérarchie, fondé sur une diffusion verticale de l’autorité, a paru dévalué. On a mis en place plusieurs types de compléments.
Ce fut tout d’abord l’introduction de procédés (concertation, visas, réunions) ou la mise en place d’équipes ou de cellules chargées d’assurer la transversalité. L’ennemi était alors le processus de décision « en tuyau d’orgue », chacun travaillant dans une optique spécialisée, localement efficace même si elle pouvait avoir des externalités néfastes pour le collectif. De même on a eu recours à de la conduite en « mode projet ». L’ensemble de ces dispositifs « transverses » et horizontaux sont venus s’ajouter à la traditionnelle répartition hiérarchique ou fonctionnelle (verticale). Cette trame paraissait mieux se comporter aux conditions environnantes.
Toutefois, elle pose un problème, celui de la direction de l’organisation. Dans un système hiérarchique, le dirigeant mène l’entreprise dans la direction choisie. Dans un système matriciel, il est confronté à la multiplication des interlocuteurs. Il continue en effet de s’appuyer sur les têtes de chaîne hiérarchique ou fonctionnelle, mais il doit également diriger les responsables transverses. La multiplication des leviers affaiblit paradoxalement l’efficacité de l’ensemble.
Une autre solution fut de mettre en place des systèmes d’information : il s’agissait tout d’abord d’assurer la communication dans l’entreprise, avec pour conséquence la multiplication des flux d’informations. De même, le développement du contrôle de gestion et de ses dérivés de planification stratégique a introduit un certain alourdissement des procédures. Autrement dit, plus on réplique la complexité ambiante, plus on augmente la robustesse et plus on réduit le risque connu et calculé. En revanche, on a moins de capacité de direction et d’agilité. Surtout, il semble qu’on a moins la capacité de répondre aux chocs systémiques. En effet, la complexité semble induire des chocs de plus en plus structurels, au point que la crise n’est plus un moment dans une conjoncture, elle est devenue un état permanent.
Face à cela, le dirigeant se trouve désarmé.
En effet, on a l’impression que la décision est inhibée : soit que les cadres ne prennent pas de décision, laissant à la structure le soin de réagir par elle-même. Soit des décisions sont prises mais, voulant ménager tous les facteurs et réduire tous les risques, elles ne sont plus décisives.
Au fond, cela pose la question de la direction des systèmes complexes et du commandement des réseaux.
Question simple : peut-on "commander" un réseau ? intuitivement, la réponse est négative. A suivre ...
O. Kempf