Après l’interview d’Ototo puis de Kana, c’est au tour de la japanime d’être mise en avant avec l’éditeur Black Box et son président Alexandre Regreny. Une société qui existe depuis plusieurs années – initialement sous le nom de Black Bones - dans l’ombre des grands Kazé, Kana Home Vidéo ou Dybex, mais qui parvient à tenir dans ce marché pourtant sinistré. L’éditeur propose un catalogue qui mêle des titres nippons de ces dernières années (Baccano, Angel Beats! ou le plus récent Zetman) à une collection d’œuvres plus nostalgiques comme Alice au Pays des merveilles ou les Bisounours. À ces titres s’ajoutent également une boutique, Black Bones Boutique, mais aussi une plate forme numérique, Funanime, et la gestion de la plate-forme de streaming de Manga-News.
Fan de la première heure de la japanimation puis petit à petit acteur du marché hexagonal, Alexandre est un membre de longue date du milieu de la japanime et a connu aussi bien les succès que les revers. C’est donc un éditeur ET un observateur de ce petit monde qui a accepté de répondre aux questions de nos spécialistes japanimes, Fabien et Olivier. Et il n’a pas sa langue dans sa poche !
Bonne lecture
Les présentations…
Bonjour Alexandre… Ton chemin jusqu’à Black Box fut long et semé d’embûches, est-ce que tu pourrais le retracer rapidement pour nous ?
Rapidement… Difficile, par où commencer ?! (Rires)
Je dois cette carrière à mon meilleur ami Christophe Geldron. C’est le point de départ de ses 9 années dans l’animation japonaise. Tout commence à Rennes ou je suis Chef de Rayon pour l’enseigne U, je rencontre Cristophe et à partir de ce jour la nos destins son liés. Lui se retrouve propulsé responsable des acquisitions chez Déclic image, il me propose un poste chez Manga distribution. À la fin de ses deux années passés chez MD, je rejoins Christophe qui lui venait de créer le label KERO Vidéo chez RCP (société de IDDH). Je prend le poste de Directeur Commercial.
Deux années de folie dans un monde très compliqué ou rien n’est jamais simple et où la concurrence et les conflits ont mis fin à la carrière de certains de mes collaborateurs puis de RCP, où je faisais partie des derniers salariés à être licencié. Une agonie regrettable, surtout pour un label qui avait tout pour réussir avec un homme, Bruno Huchez que j’admire malgré une très mauvaise réputation pas du tout méritée.
L’animation japonaise est loin, très loin, de l’image idyllique que je m’en étais fait. Fatigué et découragé j’ai jetté l’éponge, mais temporairement seulement. Nous continuons de nous voir avec Christophe à l’époque, et comme nous sommes revanchard nous finissons par créer RGSquare (R pour Regreny – G square pour G2 avec Geldront et Ludovic Gottigny). Nous sommes alors trois amis, avec trois compétences différentes. L’aventure commence, on arrive en zone franche, les japonais nous suivent et c’est le début d’une très belle aventure humaine. Delcourt nous propose de nous racheter et de nous aider à avancer pour construire ensemble une belle et grande structure. Enfin c’était le discours, car rien rien ne s’est passé comme prévu, sans compter que le milieu n’est pas devenu plus accueillant depuis notre retour, bien au contraire.
Ludovic, à bout, nous quitte et nous décidons avec Christophe de rompre les relations avec Delcourt, pour rebondir et changer complètement de vie. Black Box voit le jour. Nous quittons tous la capitale pour le 44… Loin de ce Paris où tout va trop vite. La machine prend bien, Black Box crée MNTV avec Renaud Dayen (Manga-News) pour la gestion des droits DVD , je me concentre sur la TV local, la VOD la SVOD et la téléphonie.Nous lançons Funanim avec un de mes amis Franck Laloupo, qui s’avère un un succès. Les attaques par la concurrence et les menaces reviennent tel un cancer mais maintenant nous sommes six personnes solidaires, un groupe plus fort, enfin prêt à affronter les attaques. BLACK Box grossit vite très vite et propose 1500 épisodes en moins de 3 ans. Je rencontre alors Francis Staub le créateur des cocottes Staub, qui croit en notre avenir et investi dans le Groupe. J’en profite pour dire merci à notre public, car nous venons avec Christophe de familles très modestes et nous sommes reconnaissant envers tout ceux qui nous écrivent, nous motivent, nous aident. Sans leur soutient les gros groupes nous auraient écrasés, broyés depuis longtemps.
Nous avions décidé de rendre accessible l’animation, nous l’avons fait même si ça dérange, les séries intégrales en dvd pour moins de 16 euros, le téléchargement légal des séries pour moins de 0,55 ct par ep. Black Bones Boutique explose les prix, offre la possibilité à tous de lire et regarder des animes avec de petits moyens. Nous sommes là et nous avons bien l’attention d’y rester. En 2013 nous lancerons deux nouveaux projets.
Nous sommes là comme Déclic image l’a si bien fait pendant des années, pour offrir aux fans des séries accessibles à tous car l’animation n’est pas destinée qu’à l’élite. L’animation japonaise est une expression, un loisir populaire, tout le monde devrait pouvoir s’offrir légalement ses séries et non payer 60 euros pour un coffret de 8 épisodes.
Mais il faut aussi que les fans arrêtent de télécharger illégalement pour pouvoir mêler industrie et une passion. On ne tue pas ses passions, on les fait vivre, pour qu’elles continuent à nous apporter du bonheur ou du réconfort quand on en a besoin.
Voila j’ai tout dis je crois ! (Rires)
Ah non, j’ai oublié Anima, mais ce fut une collaboration très courte et sans avenir.
Éditeur de japanime c’était ton premier choix, c’est ce que tu as toujours voulu faire ?
Alors, tu vas rire, mais petit (8 ans) je voulais travailler pour l’oie (IDDH). Un rêve que j’ai accompli. Bruno est dur, spécial mais c’est un grand Monsieur. Il m’a beaucoup aidé. Je ne regrette rien j’ai eu une vie remplie de moments géniaux même s’il y avait plus de bas que de haut. Je crois en l’homme et les rencontres.
Black Bones : catalogue et évolution du marché
Comment choisissez-vous les séries que vous nous proposez ? Quels sont les éléments les plus importants d’un anime à vos yeux ?
Nos goûts personnels, ce qui peut paraître égoïste, mais nos clients ont entre 25 et 37 ans soit nos ages, 33 ans pour moi et 38 pour Cristophe. Alors on essaie de partager nos coups de cœur avec nos clients.
Arrivez-vous à avoir les séries que vous souhaitez obtenir ?
Maintenant oui mais il y a 5 ans non, pas du tout, car on nous mettait beaucoup de battons dans les roues pour être totalement honnête avec toi.
De quelle manière travaillez-vous avec les japonais ?
Avec certains nous avons liés des relations d’amitiés, de confiance. Mais c’est à Christophe que nous devons l’aboutissement des contrats.
Comment se porte le marché de l’animation là bas ? Est-ce que leur salut c’est l’international selon toi ?
Il va mal pour une simple et unique raison, nous avons oublié qu’une industrie a besoin d’argent. Le tout gratuit à fait beaucoup de mal, plus qu’on ne peut le penser. Je ne cherche pas à jouer les donneurs de leçon ni à faire la morale, mais plutôt à faire retrouver ce rendez-vous qu’était l’achat d’un DVD, le plaisir de ranger nos collectors dans notre étagère. L’illégal a certes fait faire des économies aux fans, mais ils ont perdu la satisfaction d’avoir fait des sacrifices, d’avoir entre les mains le travail de toute une équipe. C’est fort pour un fan de posséder un produit. Alors pourquoi avoir tué les efforts de BEEZ, IDP, Déclic image, KERO, Black Bones …
L’international n’est plus une solution c’est l’inverse qui va se passer, les japonais vont refuser d’exporter leurs titres par crainte de se voir pirater et dépouiller de leurs revenus. C’est déjà le cas pour les USA. Nous sortons de 6 ans de destruction massive d’une industrie qui n’arrive plus à créer faute de moyen.
On dit que le marché français de la japanime est sinistré, vous arrivez au même constat ?
Oui, et les gens commencent à s’en rendre compte. BLACK Box reste proche de ses clients, nous avons beaucoup d’échanges et nous percevons une prise de conscience pour beaucoup. Les fans sont donc de retour mais ils ne sont pas assez nombreux pour continuer. J’avoue j’ai peur, peur que tout s’arrête pour de bon. Mais l’avenir ne m’appartient pas, elle appartient aux fans. C’est sur eux que tout repose.
Que faire pour espérer un meilleur avenir pour ce secteur ?
Il faut que la passion revienne, la joie de partager entre éditeur et fans, d’établir des relations. Les éditeurs ont oublié tout cela. Ces sociétés sont détenus par des actionnaires qui ne veulent qu’une chose : des dividendes encore et toujours plus. Nous sommes loin très loin des débuts, Déclic Image va manquer à beaucoup car malgré ce qu’on peut dire sur eux, ils ont fait beaucoup… Vraiment.
Pour en revenir à ton catalogue, quels sont vos plus grands succès ? Au contraire, quel est l’anime ayant le moins marché ?
Rosario Vampire, Tough, Spécial A, Tower of Druaga pour les succès.
En déception il y a Romeo X Juliet. Un échec que je n’ai pas compris, car cette série est juste superbe. La qualité ne suffit pas toujours…
Dans ton catalogue, on peut trouver des séries « nostalgiques ». Pourquoi proposer des œuvres de ce genre ?
Alors, ce n’est pas pour la gloire mais pour nos émissions jeunesses sur certaines chaînes locales. Super Durand et Julie et Stéphane sont des choix personnels (des souvenirs d’enfance), alors j’espère que d’autres personnes que nous seront apprécier ces titres !
Passons maintenant aux différents formats en japanime…
En ce moment, de plus en plus d’animes arrivent en Blu-Ray. Comptez-vous vous y mettre également ?
C’est à MNTV et à son distributeur Déclic collection de le décider, moi je n’y crois pas.
En septembre dernier, vous avez ouvert votre site de VOD, Funanim. Comment est né le projet ?
Grâce à Franck Laloupo, notre partenaire pour ce grand défi.
Franck a la même vision de la culture que nous : il faut de la liberté et de l’accessibilité. Les fans veulent être libre de mettre leurs animes sur le ipad, pc, mac … Sans avoir besoin de se faire raquetter 5 fois pour le même titre. Nous avons donc lancé notre offre sans DRM sur tout support pour l’ensemble de notre catalogue. Et je suis très fier d’avoir rencontré un partenaire de cette qualité. Franck est de loin la personne la plus fiable que j’ai pu avoir la chance de rencontrer dans ce milieu.
Quels en sont les objectifs et les premiers retours ?
On a pu constater 3 000 téléchargements la première semaine.
Objectifs : une licence par mois, de la full HD, une association avec une box.
Actuellement, quatre éditeurs proposent des animes en simulcast. Est-il possible que dans un futur plus ou moins proche, vous proposiez ce genre d’initiative par le biais de Funanim ou d’un site externe ?
Oui on y travaille.
En 2012, vous avez annoncé plusieurs acquisitions… Une montée en puissance ?
Oui, mais on vous réserve encore des surprises.
Justement, que peut-on attendre de Black Box en 2013 ?
Aaaah, tu veux un indice ?! (Rires)
Tu verras bientôt notre petite pilule sur un autre support que la vidéo.
Questionnaire Japanime
À quel titre dois-tu ton premier souvenir d’anime ?
Cat’s eyes
Quel est celui qui t’a procuré ta plus grande émotion ?
LADY OSCAR
Quel anime donnerais-tu à regarder à ton pire ennemi ?
Gandala
Quel anime faudrait-il regarder pour mieux comprendre Alexandre Regreny ?
Humm Saint Seiya, des valeurs qui me ressemble.
Quel est le blockbuster sur lequel tu n’as jamais accroché ?
Bleach mais je suis vieux maintenant c’est pour ça ! (Rires)
À l’inverse quel est le flop que tu trouves vraiment injuste ?
L’autre monde
Quel est l’anime publié chez un autre éditeur que tu aurais aimé avoir dans ton catalogue ?
NANA
Quel anime attends-tu avec la plus grande impatience ?
Re: Cutie Honey et Lupin III: Mine Fujiko to iu onna
Merci Alexandre et bonne année 2013 à Black Box !
Retrouvez Black Box sur leur Facebook ou leur site web et Funamim sur leur site web et leur Facebook !
Retrouvez nos interviews éditeurs en manga et japanime :
Manga
Doki-Doki (mai 2012)
Glénat (mars 2009)
IMHO (avril 2012)
Kana (novembre 2012)
Kazé Manga (avril 2011 – janvier 2012)
Ki-oon (avril 2010 - avril 2011 – janvier 2012)
Kurokawa (juin 2012)
Ototo – Taifu (octobre 2012)
Tonkam (avril 2011)
Japanimation
Black Bones (décembre 2012)
Wakanim (Juin 2012)