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Cette fois-ci, c'est bien terminé !
Voici la fin d'un travail d'écriture qui m'aura occupé plusieurs semaines. J'ai pris énormément de plaisir à m'immerger dans l'univers de la série Sherlock, à apprivoiser John, à arpenter les rues d'un Londres fantasmé, regarder encore et encore la série de la BBC pour connaitre les décors et les sentir prendre tangible sous mes doigts.
J'attends, avec tant d'autres fans, la troisième saison avec beaucoup d'impatience. Merci d'avoir suivie cette histoire jusqu'à son terme !
Cet épilogue a été inspiré par une vidéo sur la chanson "The scientist" de Coldplay, que je trouve merveilleusement à propos.
Épilogue
Rien ne vaut la routine. La tranquillité du foyer. Installé dans mon fauteuil, je lis le journal. Le mug de thé fumant à portée de main. Un réconfort à ce mois de novembre froid et pluvieux. Un milieu de matinée tranquille, sans cadavre ni échantillon. Sherlock squatte (encore) mon ordinateur. Je ne comprends pas. Pourtant, sa machine toute flambant neuve l'attend sur la table basse. À priori, la mienne exerce une attraction bien plus forte. J'ai bien tenté d'utiliser la sienne, mais son système d'exploitation alternatif me déroute. J'ai lâché l'affaire. Je suis loin d'être un handicapé de l'ère numérique, mais de là à me retrouver sur une interface dépouillée, sans icône ni barre des tâches....
De toute façon, je n'ai rien à raconter sur mon blog aujourd'hui. Et je préfère lire la presse sur papier plutôt que sur écran. Le bruit de la feuille qui craque, l'odeur de l'encre. Je parcours la une du Times. C'est rarement là que je trouve de quoi lui mettre sous la dent avide du génial détective consultant. Et si je ne lui trouve pas rapidement un truc pour occuper sa cervelle emballée, il va devenir pénible... Déjà hier soir, il a fait assez de raffut pour que Mrs Hudson me fasse une réflexion – polie et gentille certes mais une remarque quand même – au réveil. J'entoure un article qui attire mon attention.— Tu as entendu parlé du double meurtre des femmes de chambres ? Sherlock ?L'absence de réponse de sa part est une habitude. Je lève les yeux. Il a un casque audio sur les oreilles. Un gros. On dirait un de ces casques qu'ont les DJ.— Sherlock ?!Immobile, une parfaite statue. Il est assis dans une position incongrue, presque en boule, avec les jambes repliées, les talons sur le siège de la chaise. Son menton sur les genoux. Il écoute.Je me lève, pose le journal.
Aucun des mouvements n'attire son attention. Je regarde donc l'écran. Un navigateur internet est ouvert. Je lui tapote l'épaule, soucieux de ne pas le surprendre ni de lire par dessous son épaule. Sherlock a un problème avec la notion d'intimité, j'espère bien l'éduquer en lui montrant l'exemple.— Hein ?— Qu'est ce que tu écoutes ?Ça m'a l'air d'être plus passionnant que mon histoire de caméristes trucidées...— Coldplay. C'est un groupe de rock, britannique.— Oui, je sais. Et tu t'es soudain découvert un intérêt pour leur musique ?— Non. Molly m'a dit un jour qu'une de leur chanson, The scientist, lui faisait penser à moi.— Tu l'as donc trouvé sur le net et tu as décidé de l'écouter en boucle ? C'est ce que tu fais depuis deux heures ?!Là, j'avoue je suis totalement incrédule. Sherlock retire la prise jack et le son se déverse soudain dans le salon. Malgré la piètre qualité des enceintes, je reconnais le morceau. Je crois l'avoir entendu dans un film, ou peut-être à la radio. S'il l'écoute avec autant d'attention, c'est que les paroles de Molly ont fait mouche. Je doute fort qu'il me les rapporte avec justesse. Je tends l'oreille, espérant saisir dans le texte un peu du mystère...— C'est triste comme morceau...Sherlock se targue d'être capable de se dissocier des sentiments, d'être capable de contrôler ses émotions. Je ne suis pas un champion de l'empathie mais lui tente désespérément de ne rien ressentir. Son apparence est impeccable. Lisse, froide. Totalement impossible à escalader. Mais je connais sa face Nord...
Il a les yeux brillants, les lèvres entre-ouvertes, comme s'il était à l'orée d'une révélation. Il remet le morceau au début. Encore une fois. Pourtant, les paroles sont claires non ? Une histoire d'amour qui capote, et un des amants qui voudrait rembobiner. Revenir au début de l'histoire. Un amant qui n'écoute pas son cœur, un scientifique... Et la mort s'invite. Peut-être que ce n'est pas un amant, jusque une personne qui en aime une autre et qui l'a perdue. Définitivement.Ouch.Ok. Molly est plus subtile d'habitude. Aux vues des interrogations qui dansent dans les pupilles dilatées d'excitation de Sherlock, la subtilité n'était pas nécessaire. Il n'a pas saisi le sens... Moi, j'ai compris. Une émotion m'étreint le cœur, un pâle écho du choc et de l'abandon que j'ai ressenti, quand j'ai cru l'avoir perdu en cette journée de juin.Ma thérapeute me rabâchait sans cesse que j'avais une incapacité à accorder ma confiance, à exprimer mes émotions. Que ma relation avec Sherlock était un leurre, un confort facile avec une personne encore plus anesthésiée que moi. Qu'il fallait que je m'ouvre, que je parle, mette des mots. Des conneries. Un monceau de conneries.Pas besoin de savoir ce qu'on ressent si on le ressent. Pas besoin de le dire pour le communiquer. Agir fonctionne bien, mieux même pour moi, et pour lui aussi. Molly a vu juste. Toujours aussi fine.
Je me penche vers l'écran pour lire les paroles. Je laisse mes mains se poser naturellement sur ses épaules osseuses. Je sens les muscles sous le tissu mince de la chemise. Il ne fait pas très chaud dans l'appartement. Il a probablement froid, sans s'en rendre compte. Comme pour les repas, qu'il saute allègrement. Je suis obligé de vérifier qu'il ne se néglige pas.Il ne dit rien. Il ne dit jamais rien quand je le touche. Imperceptiblement, il décale sa tête vers la mienne jusqu'à ce que nos joues s'effleurent.— Et c'est cette chanson qui t'obnubile ?— Je ne comprends pas le titre, et les références cartésiennes...— C'est de la poésie Sherlock. Ce n'est pas fait pour être compris littéralement, mais pour faire ressentir des émotions...— …Je laisse mes mains glisser sur son torse et l'attire contre moi. — Ce n'est pas avec la tête qu'on comprend ce genre de texte.Je dépose un baiser sur sa joue et lui prend la main.— Viens, je te montre.Curieux, il se lève.Je pose un bras au creux de ses reins et l'autre autour de ses épaules.— Tu veux danser ?! John, je ne vois pas en quoi...— Schhh. C'est une question de rythme. Écoute.Les premiers pas sont laborieux, timides. Rapidement, il suit, son corps est félin presque. Façonné par des années de pratique suivie de Judo. Tout en souplesse. La grâce, elle, je pense qu'elle est innée. Ou alors, c'est mon entraînement militaire qui fait que j'ai toujours été privé de cet atout, malgré l'apprentissage intensif d'art martiaux.Dans son sourire en coin, je reconnais l'amusement quand il découvre un truc fortuit qui lui plaît. Je ne suis pas bon danseur. Je n'aime même pas particulièrement ça. Je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai initié le mouvement.
Sherlock se prend au jeu, son étreinte se resserre, son regard ne me quitte plus et je me sens sourire bêtement. Je n'ai jamais été amoureux. Je n'ai jamais ressenti ce magnifique élan du cœur que décrive les comédies romantiques. Je suis patriote. Je suis un soldat. Je sais ce que l'engagement implique, surtout quand on risque sa vie. Mes relations avec les femmes, et même les hommes, ont toujours été confortables, pratiques. Du désir oui, mais jamais une confiance absolue. Quand à la passion... Je suis trop flegmatique.Sherlock lui, est passionné. Malgré son discours sur l'absence d'émotion. Jamais je n'ai vu quelqu'un réagir avec autant d'effervescence quand il est contrarié, heureux, ou plus drôle, juste mort d'ennui.Je n'ai jamais été amoureux et je ne comprends pas ce qui se passe entre nous. Je sais juste avec une certitude absolue que je suis fichtrement heureux. Qu'il l'est aussi. Et ça me suffit.Son expression se teinte d'une touche plus grave.— Tu as raison. Elle est triste cette chanson. La fin ne me plaît pas.— Change la. Inventes-en une autre ! Après tout, c'est toi le génie. Soit créatif.Une moue dubitative.— Bah, ce n'est qu'une chanson...Sa mine redevient joyeuse, joueuse même et ses lèvres effleurent les miennes. Je ferme les yeux. Je sais que les siens restent grands ouverts, à observer. Je m'en fous. Au moment où je sens sa langue pointer, mon téléphone vibre. Pas le temps de le couper que Sherlock l'a déjà pêché du fond de ma poche et coller à son oreille.— Non, il n'est pas disponible. Il m'explique le sens de The scientist grâce à une leçon de danse.— Sherlock ! Je manque de m'étrangler de gêne. À l'autre bout du combiné, je reconnais la voix de Greg. Le pauvre, il doit encore se demander ce qu'il a interrompu...— Non. Il n'est vraiment pas disponible.Il détache lentement chaque syllabe, comme pour parler à un jeune enfant ou à un adulte un peu idiot.Son bras gauche m'écrase contre son torse. Je le laisse faire. J'attends l'argument qui le fera céder. Pour passer le temps, j'inhale contre lui, je respire son odeur. Et cette fois, c'est son téléphone posé sur la table basse qui vibre. Sherlock se redresse, son visage parfait se fend d'un sourire de maniaque. Voilà. Il me relâche, fait un bon de côté. Tourne sur lui même.— Au moins cinq ? Vous êtes certain ? Peux-être six ?! Merveilleux ! On arrive tout de suite.Il raccroche et m'embrasse vivement, à pleine bouche.Je le laisse à sa joie enfantine. Je tâcherai de modérer son enthousiasme quand on sera devant les macchabées. J'attrape son smartphone et lit le texto. Mycroft qui veut nous voir. Parfait. Déjà, il se précipite dans le hall.— John, dépêche toi ! Donne moi mon mobile, mets ta parka, vite, on a du travail !La journée s'annonce excellente.
The end !
Copyright : Marianne Ciaudo