Dans un échantillon médical retrouvé dans une épave échouée vers 130 avant J.-C., l’analyse a révélé la présence de composés à base de zinc. Aujourd’hui utilisés dans les collyres et autres crèmes pour la peau, les auteurs de la découverte pensent que ce médicament avait les mêmes fonctions thérapeutiques qu’aujourd’hui.
L’histoire commence voilà plus de deux millénaires. Aux alentours de 130 avant J.-C., un navire marchand originaire de l’Est méditerranéen (probablement de l'île de Délos, en Grèce) s’échoue au large des côtes de la Toscane. Le bateau gît par 18 m de fond jusqu’à sa découverte en 1974. Nommé Relitto del Pozzino en lien avec la plage voisine, l'épave fait l’objet de fouilles en 1989 et 1990.
Ces expéditions permettent de vider le navire de sa cargaison : amphores contenant du vin, bols en verre, lampes ou encore vaisselle, entre autres objets. Un coffre en bois, pourri par les siècles sous l’eau, révèle aussi son contenu. On y trouve des fioles en bois (136 très exactement), une tasse peut-être utilisée pour des saignées, un mortier ainsi que de nombreux objets regroupés dans ce qui s’apparente à une trousse à pharmacie, appartenant à un médecin qui devait voyager à bord.
Des collyres riches en zinc, comme aujourd’hui
Des chercheurs de l’université de Pise se sont arrêtés sur l’une des boîtes en étain, nommées pyxides. Une analyse aux rayons X a révélé la présence de cinq préparations pharmacologiques circulaires, d’environ 4 cm de diamètre pour 1 cm d’épaisseur. Grâce à un couvercle hermétique, le temps et les éléments ne semblent pas avoir eu trop de prise sur les médicaments.
L'épave du Relitto del Pozzino (The Pozzino shipwreck) gît à 18 m de fond dans le golfe de Barrati, non loin des restes de l'ancien port marchand étrusque de Populonia. © G. Giacchi et al., Pnas Early Edition
La recherche, dont les résultats ont été publiés dans les Pnas, va plus loin encore. L’une de ces préparations est passée au crible par les scientifiques. En très grande majorité, elle se compose de sels à base de zinc, principalement de l’hydrozincite (aussi appelé zinconise) et de la smithsonite. Les propriétés anti-inflammatoires, antibiotiques et antivirales du zinc, aujourd’hui bien connues, étaient semble-t-il déjà exploitées dans l’Antiquité.
Alors que dans un premier temps on imaginait que ces médicaments étaient des pilules vitaminées pour redonner force et vigueur aux marins, les auteurs plaident plutôt pour une utilisation en tant que collyre pour les yeuxaprès dilution dans l’eau. La célèbre Histoire naturelle du Romain Pline l’Ancien (Ier siècle après J.-C.) évoque quelques siècles après le naufrage l’intérêt des sels de zinc dans les crèmes pour la peau ou les collyres pour les yeux. On les utilise encore aujourd’hui.
Des médicaments vieux de plus de deux mille ans
Dans le coffre pourri, d’autres préparations accompagnaient les médicaments analysés : des huiles animales et végétales, de la cire d’abeille, de la résine de pin ou du pollen d’olivier en quantité, soulignant l’importance de ces ingrédients dans la médecine de l’époque.
Avec cet échantillon, le plus ancien médicament jamais analysé, on peut mesurer l’étendue des connaissances de nos ancêtres sur les propriétés naturelles des éléments pour la médecine. Et se rendre compte que malgré les progrès conséquents dans le domaine de la santé des derniers siècles et surtout des dernières décennies, on utilise des remèdes déjà exploités dans l’Antiquité.