(Et avec une petite entorse à la tradition)
Je suis censé mettre dans ce top uniquement les films vus en salles cette année. C'est la règle. Sauf que... J'ai du faire face à un dilemme, cette année. Le plus beau film. Le film le plus intense. Le film le plus riche en émotion vu cette année n'est pas sorti en salles. Il est sorti en VOD. Ce film, c'est donc Like Crazy. J'ai longuement hésité à l'inclure. Mais je ne pouvais faire autrement. Ce film me hante. Parce qu'il est tout simplement le film le plus vrai que j'ai jamais vu sur le sentiment amoureux au 21e siècle. Like Crazy n'est pas une histoire de passion, comme on n'en voit des milliers au cinéma à longueur d'années. Like Crazy parle de l'Amour, simple, quotidien, presque banal. Il parle de comment il naît, de comment il se développe, de comment il meurt (éventuellement). Like Crazy est un film de tendresse, d'humour, de bien-être, d'égoïsme, d'implacabilité. Juste un film sur la seule chose qui nous rapproche en tant qu'être humain .
Il paraît que je ne suis pas impartial pour juger un film de Cameron Crowe, mon idole mon maître, mon Dieu. Il paraît que, peu importe le résultat, j'aimerais un film DE Cameron Crowe. Franchement ? Peut-être. Je ne me rends peut-être pas compte. Et alors ? Je m'en fous, en fait. J'aime Nouveau Départ. Et je l'aime pour exactement les mêmes raisons que j'aime ses cinq films précédents : pour son irrépressible envie de croire dans la bonté des êtres humains, pour ses petites phrases qui résonnent longtemps, très longtemps dans un coin un peu paumé de ma tête faisant alors battre mon coeur un peu plus fort que d'habitude, pour tous ces silences, ces regards, ces sourires, ces moments de tendresse en apesanteur, pour son absence de cynisme et, enfin, pour tout ce que le film dit sur son auteur, en l'occurrence, ici, son divorce et le deuil de son amour de presque trente ans.
Il y a des choses que seul le cinéma est capable de vous offrir. Des images. Des sons. Des sensations qui vous sortent de votre quotidien. C'est ce genre de voyages que m'a offert Les Bêtes du Sud Sauvage. Je vais au cinéma pour ce genre de voyage, ceux qui me font apprécier la vie sur Terre, me permette de me sentir humain, vivant, d'appartenir à une grande communauté. Voilà un film qui, par son lyrisme, la puissance de son histoire, de son décor et de ses personnages, arrive à montrer la beauté du monde, la beauté des coeurs et des âmes. Un vrai film sur l'humanité.
A force de voir des films au cinéma, j'ai souvent tendance à me faire une opinion avant même de les voir. L'expérience m'a appris à reconnaître ce qui se cache derrière une bande-annonce, une stratégie marketing, une programmation, un genre ou sous-genre. Les films "sur l'éducation" par exemple : difficile de se tromper. Tous sont faits plus ou moins de la même manière, de Esprits Rebelles à Half Nelson en passant par Stand & Deliver. Avec Detachment, c'est donc plus ou moins ce que j'allais voir. Raté. Detachment est un coup de poing dans le ventre, un film sans espoir, sans rédemption. Un film nihiliste qui étale sa tristesse et son désespoir pour mieux vous mettre K.O. Parce que Detachment n'apporte pas de solutions miracles, ne fait pas croire au professeur plein de bonnes volontés qui pourrait changer le destin de ses élèves. Detachment montre une (certaine) réalité, celle où le malheur reste malheur. C'est exténuant mais salvateur.
Ce que j'aime chez Alexander Payne, c'est son talent pour parler d'histoires et de gens ordinaires. C'est son talent à saisir les petites manies agaçantes, l'ironie de situations banales et, en même temps, les rendre extraordinaires par son humour, son regard décalé. Extraordinaire directeur d'acteurs, il donne corps aux grands et aux petits drames, aux grands et petit bonheurs, avec la même intensité. Alexander Payne fait ce qu'on appelle communément de la comédie dramatique : faire rire et pleurer en l'espace d'une seule et petite minute. Parce que c'est à ça que ressemble la vie, la vraie, celle des vrais gens : elle ressemble à des moments tristes, durs, drôles, tendres, bizarres, absurdes. Elle ressemble à tout ça. Et c'est à tous ces moments que ressemblent The Descendants.
Retrouver l'énergie, l'innocence, l'humour, l'émotion, la vérité du Breakfast Club. Beaucoup ont tenté. Peu ont réussi. Encore moins pour parler de l'adolescence du 21e siècle, celle de YouTube et des réseaux sociaux. Est-ce que c'était l'objectif de Michel Gondry avec The We & The I ? J'en sais rien. Et peu importe. Pourtant, le résultat est là. Comme John Hughes, il confine ses ados tous très différents dans un lieu clos et il observe. Il observe leur humour, leurs répartis, leurs vannes, leurs non-dits, leurs peurs, leurs drames, leur mélancolie. Et c'est un bonheur. Car vieillir, c'est souvent oublier cette jeunesse. The We & The I rappelle donc que l'adolescence d'aujourd'hui n'est pas tant différente de celle d'hier, que seuls les outils changent.
L'alcoolisme. L'extrême violence. Le chômage. Il y a dans Tyrannosaur beaucoup de désespoir et une absence totale d'illusions. L’âpreté du paysage social montré dans le film est parfois insoutenable. Et pourtant. C'est la lumière qui arrive à naître dans le regard de ses personnages qui fait du film une incroyable leçon d'espoir. Tyrannosaur prend aux tripes. C'est viscéral. Je suis sorti de la salle épuisé, chamboulé, bouleversé mais la leçon d'humanité qu'offrent les immenses Peter Mullan et Olivia Colman est inestimable. Une grosse claque.
Elle est une de mes obsessions. La manic pixie dream girl, ce personnage qui n'existerait qu'au cinéma, cet être malicieux capable de redonner goût à la vie et à l'amour au plus mélancolique et triste des garçons. Elle m'obsède parce que je crois à cet être. Je crois qu'il existe dans ma réalité, pas seulement dans celle des films que je regarde et re-regarde. Elle m'obsède, surtout, parce que, comme le dit Ruby Sparks, elle ne semble ne pouvoir exister qu'à travers le regard de ce garçon. Suis-je à ce point comme le personnage incarné par Paul Dano, cet écrivain donnant naissance pour de vrai, par la force de son imagination, à cette manic pixie dream girl, la fille de ses rêves ? Je veux croire que non. Mais je ne peux m'empêcher de me retrouver dans ce portrait. Voilà pourquoi j'aime Ruby Sparks. Parce qu'il me force à me regarder en face, à affronter des trucs que je n'ai pas forcément envie de voir.
Il y a quelque chose dans le regard de Steve Carell, une tendresse, une mélancolie qu'on ne retrouve chez presque aucun autre acteur. Même dans ses pures comédies, il est là, ce regard. Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare n'est pas de celle-là. Il y avait donc une possibilité pour que ce regard me tire quelques larmes, comme ça avait déjà été un peu le cas auparavant. Et en effet... Je n'ai pas résisté. Malgré le ton teinté d'un humour très efficace, c'est la profonde mélancolie du film qui a emporté mon coeur. Notamment parce que je ne m'y attendais pas. Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare est d'un romantisme imparable. C'est un road-movie, d'une tendresse infinie, sur l'amour, l'amitié et la frontière (parfois invisible) entre les deux. Encore une histoire de manic pixie dream girl d'ailleurs. Ou serait-ce une histoire de manic pixie dream boy ?
J'ai une fâcheuse tendance à pester contre la comédie française (classique, romantique ou dramatique), sur son manque d'audace, sur son uniformisation à l'outrance, sur la faiblesse de ses scénarios et de ses personnages. Et parfois, il se produit des miracles, de véritables petites bulles d'air qui redonnent (un peu) confiance. Comme des frères est de ceux-là. Voilà un film d'un mec qui n'a pas oublié que la comédie dramatique n'est pas une affaire de quelques minutes d'émotion quinze minutes avant le générique de fin. Voilà un film d'un mec qui a vu Capra, Lubitsch, Wilder, L. Brooks, Crowe et Apatow. Voilà un mec qui a compris que la comédie dramatique, c'est arrivé à faire (vraiment) rire dix secondes après avoir fait pleurer. Et inversement. Comme des frères, c'est de l'audace, des idées, encore des idées et une tendresse infinie pour ses personnages. Dans ces cas-là, j'ai juste envie de dire merci.