Nice : le Negresco fête 100 ans d’Histoire de l’art

Publié le 09 janvier 2013 par Ralph

Depuis l'ouverture de ses portes le 8 janvier 1913, le cinq étoiles de la promenade des Anglais, qui abrite une incroyable collection d'art, a vu acteurs, personnalités politiques, artistes et représentants de la jet set y poser leurs valises. 8 janvier 2013. Crédits photo : Reuters/Eric Gaillard

Entre 2003 et 2004, à de nombreuses occasions, nous avons eu la chance extraordinaire de goûter à l'inaccessible confort culinaire et à l'irresistible hospitalité du Negresco à Nice. Une opportunité professionnelle particulièrement marquante tant la réputation de l'établissement, sa richesse et son art luxueux nous ont subjugués.

Aujourd’hui, 100 ans après sa création, la magie opère toujours, malgré les guerres, les tempêtes, les crises, internes parfois. Le Negresco a ainsi traversé l'Histoire tel un titan, dans une ostensible démesure mais plus que jamais à la hauteur de ses ambitions.

NICE, par Matthias Gallante (Reuters)

De Gary Cooper à Catherine Deneuve en passant par Jacques Chirac et Winston Churchill, le Negresco de Nice, l'un des plus célèbres palaces de la Côte-d'Azur qui a célébré mardi son centenaire, a abrité les plus grandes stars et leurs caprices.

Certains clients ont marqué les esprits.

"Michael Jackson, venu dans les années 1990, avait une petite voix timide", se souvient Michel Palmer, ancien directeur de 1965 à 1997. "Tout un étage lui était réservé et il avait demandé à ce que l'on débarrasse une chambre pour faire une piste de danse afin qu'il travaille ses chorégraphies."

L'Histoire s'est parfois écrite dans l'intimité des chambres et à l'abri des murs de ce joyau de la Belle Epoque.

"Sérieuse", avec le sommet franco-africain réunissant 25 chefs d'Etat autour de Valéry Giscard d'Estaing en 1980.

Plus légère, lorsque les Beatles ont "composé la chanson The Fool on the Hill sur un papier à en-tête de l'hôtel qui s'est par la suite vendu 15.000 livres", assure l'ancien employé.

Michel Palmer évoque des scènes surréalistes, comme lorsqu'il a fallu "aligner sur un lit les 200 paires de lunettes d'Elton John afin qu'il puisse en choisir une" ou durant cette folle nuit où James Brown a poursuivi sa compagne dans les couloirs de l'hôtel après une scène de jalousie.

Le fantasque peintre espagnol Dali "ne jouait pas la comédie avec moi!", se souvient en revanche Jeanne Augier, l'actuelle PDG et propriétaire du Negresco. "C'est peut-être celui avec lequel j'ai le plus sympathisé."

LES ANIMAUX CHOYÉS

Presque aussi connue que ses clients, Jeanne Augier, 89 ans, a pris les rênes du palace très jeune avec son mari Paul Augier, décédé en 1995, après que son père Jean-Baptiste Mesnage a racheté le palace à une société belge en 1957.

Cette personnalité "à la volonté de fer" selon Michel Palmer, s'est illustrée en défendant les animaux tout au long de sa vie. Dans son hôtel, ils sont choyés comme des humains.

"J'étais enfant unique, ils ont finalement remplacé le frère ou la sœur que je n'ai pas eus", confie-t-elle.

Moins connue du grand public, sa passion sans borne pour l'art l'a amenée à faire de très nombreuses acquisitions lors de ventes aux enchères et chez les antiquaires.

"J'ai visité Versailles petite, ça a été mon école, ma passion, que j'ai transportée au Negresco", dit Jeanne Augier.

L'hôtel abrite une étonnante collection d'art totalement hétéroclite, à la fois classique et moderne, comptant plus de 6.000 pièces, dont 1.300 sont accrochées aux murs. Principalement des œuvres françaises dit fièrement la patronne.

"Je suis très cocorico et patriote depuis ma tendre jeunesse et j'ai voulu présenter le savoir-faire des artistes français à la clientèle du monde entier."

8 janvier 2013. Crédits photo : Reuters/Eric Gaillard

Parmi les trésors de la collection figurent la sculpture "La Nana Jaune" de Niki de Saint Phalle, l'imposant portrait de Louis XIV en costume d'apparat qui a appartenu à Louis-Philippe et que Louis XIV aurait offert à sa cousine mais aussi des lithographies de Dali, une tapisserie de Fernand Léger ou encore une Marianne du sculpteur azuréen Aquilina.

UN MUSÉE VIVANT

De très nombreux meubles composent cet inventaire à la Prévert. Deux ébénistes formés à l'Ecole Boulle et trois tapissiers employés à plein temps restaurent et soignent les bobos de toutes ces pièces fragiles.

"Ce palace est un véritable musée vivant, c'est assez unique", dit le conseiller culturel du Negresco, Pierre Couette.

Le Negresco, qui emploie aujourd'hui 176 personnes, compte 96 chambres, deux restaurants, dont un deux étoiles au Guide Michelin, ainsi que 21 suites.

La suite Montserrat Caballé est baptisée ainsi en hommage à la diva qui a "passé au moins 500 nuitées au Negresco" selon Michel Palmer. La suite Impériale est, elle, inspirée de la chambre de l'Impératrice Joséphine au Château de la Malmaison.

Mais y dormir se mérite: la nuit est facturée entre 380 et 1.150 euros.

L'emblématique façade Belle Epoque blanche et son fameux dôme rose, imaginés par l'architecte Edouard Niermans (1859-1928), ainsi que le salon royal avec sa verrière construite par Gustave Eiffel (1832-1923), sont classés à l'inventaire des monuments historiques. Un décor spectaculaire qui a été le cadre d'une trentaine de tournages de films.

Pour éviter toute spéculation sur l'hôtel et le garder en l'état, Jeanne Augier a décidé de le léguer, à sa mort, à un fonds de dotation baptisé "Mesnage Augier Negresco".

Il a pour but de soulager la misère animale et humaine, et de "participer activement à la préservation culturelle en France, notamment en assurant la sauvegarde de l'hôtel Negresco", est-il indiqué dans ses statuts.

A l'occasion de ce centenaire, Jeanne Augier a écrit un livre fourmillant d'anecdotes et de souvenirs (La Dame du Negresco, Editions du Rocher) qu'elle a présenté mardi.