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[note de lecture] "Poéstreet" de Pierre Guéry, par Jean-Pascal Dubost

Par Florence Trocmé

 
PoestreetIl y a les poèmes ruminés-marchés de Jacques Roubaud, il y a les poèmes parlés de David Antin, il y a l’urbain fabuleux du poète marcheur Yves Martin ; les « poéstreet » de Pierre Guéry viennent à la suite de ceux-là, un croisement de ces trois anciens. Si Jacques Roubaud use de sa mémoire phénoménale pour enregistrer ses poèmes que la marche déclenche, Pierre Guéry use d’un dictaphone pour faire entrer dans sa mémoire ce que ses marches urbaines posent devant lui et que les yeux et les oreilles remarquent, ainsi parle-t-il d’abord ses poèmes qu’il retranscrit ensuite, et cela se présente comme le journal extérieur (les poèmes sont datés) d’un marcheur des rues, avec cette contrainte légèrement oulipienne que le trajet est « toujours identique dans la ville (même jour de la semaine, même heure du jour à l’horloge, même but et même chute »), et ce point commun avec David Antin que Pierre Guéry parle et improvise ses poèmes, donc ; et ainsi, si on peut se permettre cette énorme constatation de banalité, on note que chaque jour qui se ressemble n’est pas le même puisqu’on ne remarque pas les mêmes mouvements du micro-monde (les poèmes portent le même titre, numérotés de 1 à 15, ceci indiquant les variations), le passage du coq-à-l’âne est de rigueur, dans lequel se glisse des pensées passantes, car il faut éviter « la langue qui se colle au palais d’injustice ». Disposés en vers, les poèmes rythment l’essoufflement du marcheur, « ce mouvement de moi m’essouffle », mais vont dans la détermination puisque les contraintes paraissent comme un élan donné au marcheur-poète, la justification à gauche du vers comme un vent qui le pousse. Poète transdisciplinaire, Pierre Guéry explore ici les voies du langage marché-écrit et la déclinaison des jours qui se ressemblent, « je me répète je sais », mais « ainsi je procède et avance/goulu du moment d’après », ce qui ne touchait pas hier aujourd’hui touche et demain touchera peut-être le lecteur ; des poèmes marchés-parlés-écrits qui vont bon train et jaugent la capacité de répétition de l’observateur, je répète des poèmes marchés-parlés-écrits qui s’enfoncent non seulement dans les rues d’une ville dont on ignore laquelle, d’une ville qui change à la même vitesse, on le constate, que le cœur des humains, des poèmes qui s’enfoncent dans le langage. 
  
[Jean-Pascal Dubost ]
 
Pierre Guéry 
Poéstreet 
des marches de poésie urbaine 
éditions MaelstrÖm 
5,00 €  


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